Devant les députés, Bolloré assume sa foi et récuse tout "projet idéologique"

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Rare dans sa parole, Vincent Bolloré, qui contrôle le groupe Canal+, s'est affiché mercredi devant les députés en patron "débonnaire", sans "projet idéologique" ni interventionnisme, tout en martelant sa foi catholique notamment en matière d'avortement. 

L'avortement est "quelque chose de terrible" où "deux libertés" se "heurtent": "la liberté des gens à disposer d'eux-mêmes" et celle "des enfants à vivre", a estimé M. Bolloré devant la commission d'enquête parlementaire sur l'attribution des fréquences télé.

Il était questionné par le rapporteur Aurélien Saintoul (LFI), deux semaines après une intense polémique au sujet de l'IVG provoquée par une émission catholique de CNews, chaîne qui est dans son giron.

"Il y a pas mal d'années, la femme avec qui j'étais a appris qu'elle était enceinte" alors qu'elle n'aurait pas dû, a confié ce catholique revendiqué. "Il n'y a pas un jour où je ne pense pas à cette vie que j'ai contribué à supprimer".

"Pas un Attila"

Durant plus de deux heures d'audition sous serment, le milliardaire de 71 ans a fait à plusieurs reprises référence à sa foi, lui qui est né "dans une famille catholique, bretonne, riche et célèbre", et devenu profondément "démocrate-chrétien".

"Ce n'est pas parce que je suis chrétien que je ne peux pas parler des autres religions", a-t-il précisé en soulignant avoir "beaucoup d'amis musulmans".

Malgré ses "convictions", celui qui n'a plus de fonction exécutive au sein de Vivendi, propriétaire du groupe Canal+, a assuré ne pas intervenir sur les contenus des chaînes et a nié vouloir promouvoir "une idéologie" d'extrême droite, ce dont il est régulièrement accusé.

"Tout ça, c'est des tartes à la crème", a-t-il lancé. "Je n'ai aucun projet idéologique, je suis tout doux et débonnaire, pas du tout un Attila".

Néanmoins, "si je ne crois pas quelque chose, je ne vais pas essayer de le mettre dans mes antennes", a-t-il glissé.

S'il a au téléphone régulièrement Serge Nedjar, directeur de CNews, c'est, affirme-t-il, pour le féliciter des bonnes audiences de la chaîne d'info, qui talonne la numéro un BFMTV.  

Rodolphe Belmer, actuel PDG de TF1 et patron de Canal+ jusqu'en 2015, avait pourtant évoqué des interventions de M. Bolloré dans les "contenus". "Rodolphe n'avait aucune envie de changer de train de vie", a rétorqué M. Bolloré alors que lui cherchait à faire des économies, à une époque où "le champagne coulait à flots". 

"Les gens ont peur et s'en vont" mais "je n'inspire la terreur à personne que je connais", a-t-il assuré, évoquant une centaine de départs contraints après son arrivée en 2014-2015 et niant avoir lancé des procédures bâillons en justice pour faire taire des journalistes.

CNews, dont les vedettes sont Pascal Praud, Laurence Ferrari et Sonia Mabrouk, est boycottée par des personnalités de gauche, qui l'accusent de promouvoir des opinions d'extrême droite, ce que la chaîne conteste.

"Champion national"

C'est sur CNews que le polémiste Éric Zemmour a pris son envol pour devenir prétendant à l'Elysée. "Je n'ai pas choisi Eric Zemmour", ce sont les dirigeants de Canal+ alors qu'"il était recherché par toutes les chaînes", a tempéré M. Bolloré.

À l’origine d'une pétition pour le non-renouvellement de la fréquence de CNews, la députée écologiste Sophie Taillé-Polian l'a attaqué sur le respect de ses obligations par la chaîne : "les fake news y sont légion". 

Mais "l'ensemble des conventions sont respectées, de ce que je sais", a rétorqué M. Bolloré, qui a été reçu à l'automne par Emmanuel Macron.

Le groupe Canal+ comprend aussi la chaîne C8, dont la star est l'animateur controversé Cyril Hanouna, sanctionné à plusieurs reprises par le régulateur des médias, l'Arcom, et qui sera auditionné jeudi par les députés. "C'est son succès qui le protège", selon M. Bolloré.

Plus généralement, "le succès des chaînes de Canal et la liberté de ton de Canal gênent", à ses yeux. Et d'avertir: "Si par extraordinaire une des chaînes du groupe était retirée" de la TNT lors du renouvellement pour 2025, cela poserait un problème pour "l'ensemble" et "serait une marque de défiance" à l'égard d'un "champion national".

"J'ai l'impression d'être au procès d'une personne", a lâché l'élu RN Laurent Jacobelli. Pour M. Bolloré, "c'est pas agréable, ça fait pas plaisir. Mais il y a une habitude à être paratonnerre". 

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Frederic Legrand - COMEO

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