À Gaza, l’exigence morale du "prochain" : la voix courageuse de Delphine Horvilleur
La rabbine et intellectuelle Delphine Horvilleur rompt le silence face à la tragédie israélo-palestinienne. Dans un texte bouleversant, elle en appelle à un amour du prochain fidèle à sa source biblique : non pas un aveuglement, mais un sursaut de conscience.
Gravée sur les murs de sa synagogue, la célèbre injonction biblique "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" sert de point de départ à une méditation profonde de Delphine Horvilleur, alors que le conflit à Gaza continue d’ensanglanter les consciences. "Cette phrase, dit-elle, n’a jamais empêché personne de recourir à la violence". Car le "prochain" est souvent réduit à celui qui nous ressemble. L’ennemi, le lointain, l’inconfortable, est bien vite exclu de ce cercle d’humanité.
Dans un texte courageux, publié sur le site consacré au judaïsme Tenoua, dont elle est la directrice de la rédaction, Delphine Horvilleur dénonce le piège du silence. Celui dans lequel elle s’est parfois enfermée pour ne pas "nourrir les immondices" de ceux qui, sous prétexte de défendre Gaza, profèrent des discours antisémites. Mais aujourd’hui, elle refuse de se taire. Et c’est au nom de son attachement profond à Israël qu’elle parle. Pour l’aimer vraiment, dit-elle, il faut lui tenir un miroir. L’interpeller sur ses égarements, sur la "faillite morale" qu’entraîne l’écrasement d’un autre peuple.
La femme rabbin appelle à soutenir une autre voix : celle de la démocratie israélienne, du respect de la vie humaine, de la justice pour les Palestiniens. Ce texte puissant rappelle aux croyants de toutes confessions que l’exigence de l’amour du prochain, loin d’être une consigne gentillette, est une éthique exigeante, faite de vérité, de lucidité et de compassion universelle.
"Soutenir ceux qui refusent toute politique suprémaciste et raciste qui trahit violemment notre Histoire. Soutenir ceux qui ouvrent leurs yeux et leurs cœurs à la souffrance terrible des enfants de Gaza. Soutenir ceux qui savent que seul le retour des otages et la fin des combats sauveront l’âme de cette nation. Soutenir ceux qui savent que, sans avenir pour le peuple palestinien, il n’y en a aucun pour le peuple israélien. Soutenir ceux qui savent qu’on n’apaise aucune douleur, et qu’on ne venge aucun mort, en affamant des innocents ou en condamnant des enfants."
Sa parole fait écho à l’Évangile : aimer jusqu’à l’ennemi, refuser l’instrumentalisation de la foi au service de la violence, croire qu’aucun peuple n’a le monopole de la souffrance ni de la vérité.
Dans la nuit du conflit, la voix de Delphine Horvilleur éclaire un chemin de responsabilité partagée : celui qui fait grandir l’humain, et prépare, envers et contre tout, à la paix.
Germain Gratien
