À Nairobi, la cathédrale de Tous les Saints, un refuge pour manifestants

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Pour des générations de manifestants kényans fuyant la police, la cathédrale de Tous les Saints à Nairobi a été un refuge. Sauf en 1997, où les forces de l'ordre ont pénétré dans l'édifice, qui expose depuis les cartouches de gaz lacrymogène et munitions tirées ce jour-là.

Le Kenya commémore lundi le "Saba Saba" ("sept sept" en swahili), le septième jour du septième mois, quand l'opposition s'est levée en 1990 pour demander le retour du multipartisme et de la démocratie dans un pays alors dirigé d'une main de fer par l'autocrate Daniel arap Moi.

Le pays se souvient particulièrement du "Saba Saba" de 1997 quand des manifestations réclamant des élections libres ont été réprimées dans le sang.

Depuis, la cathédrale anglicane de Tous les Saints (All Saints cathedral), au style gothique et aux pierres grises - construite à l'origine pour les colons - a souvent servi d'abri pour ceux qui voulaient échapper au gaz lacrymogène et matraques des policiers.

Il y a un an, ils ont été 3.000 à se replier dans l'édifice religieux lors du mouvement de contestation massif d'un projet de budget prévoyant des augmentations de taxes, et 500 lors de manifestations contre les brutalités policières le mois dernier.

"All Saints s'est distinguée en tant que refuge pour ceux qui se sentent harcelés par les gouvernements", résume le prévôt de la cathédrale, Evans Omollo.

"Notre position stratégique nous donne vraiment un avantage certain", explique-t-il à l'AFP, en faisant référence à la localisation de l'église, près du parc Uhuru, théâtre fréquent de mouvements de contestation.

À l'arrière de l'église, une armoire expose les cartouches de gaz lacrymogène, munitions et bâtons cassés utilisés par la police lors de la répression, particulièrement sanglante, des manifestations de "Saba Saba", le 7 juillet 1997.

Ce jour-là, c'est dans la cathédrale même, saturée de gaz lacrymogène, que les forces de l'ordre ont frappé les manifestants avec des matraques, laissant les bancs tachés de sang.

Une cérémonie de purification a été organisée afin que les services normaux puissent reprendre. 

"La violence a franchi les murs"

"Ça a été un jour terrible. Il s'est passé quelque chose qui n'avait jamais eu lieu au Kenya. La violence a franchi les murs de l'église", se souvient Kepta Ombati, alors jeune militant qui y avait trouvé refuge ce jour-là.

"J'ai été tabassé avec ça", dit-il en désignant un bâton cassé.

"J'ai eu plusieurs fractures à la jambe que je porte encore aujourd'hui comme le prix du combat pour la liberté".

Cinq ans plus tôt, la salle souterraine de l'église, appelée "le bunker", a caché les mères de prisonniers politiques qui, pendant un an, avaient campé dans la cathédrale pour exiger la libération de leurs fils.

Lorsque la police est venue mettre fin à cette campagne de protestation, les mères étaient introuvables. 

"Génération Z brutalisée"

Une nouvelle génération de manifestants est descendue dans la rue pour dénoncer la mauvaise gouvernance et les violences policières.

Le mois dernier, de jeunes militants ont organisé un service religieux en mémoire des victimes de la répression des manifestations de l'an dernier: au moins 60 personnes avaient été tuées. Ils ont alors appelé d'autres églises à se joindre à leur mouvement.

Le pays est à cran, les dernières manifestations du 25 juin ont dégénéré en pillages et en violences, faisant 19 morts.

M. Ombati, qui a passé sa jeunesse à se battre pour la démocratie, est découragé de voir que manifester est encore nécessaire, malgré l'adoption d'une Constitution en 2010.

"L'attente était que si nous avions une bonne Constitution, alors nous aurions des fondations solides sur lesquelles construire une société plus prospère, plus juste et plus inclusive", dit-il.

Mais "voir la génération Z (née après 1997, ndlr) brutalisée, cible de gaz lacrymogène, c'est quelque chose que j'espérais ne pas voir de mon vivant".

La veille de la journée "Saba Saba", un gang armé a attaqué le siège de la Commission kényane des droits humains, où se tenait une conférence de presse appelant à la fin des brutalités policières.

Pour le prévôt, le rôle de l'Eglise à l'égard des manifestants s'inscrit dans une longue tradition chrétienne consistant à faire en sorte que "les gouvernements restent sur leur garde".

"S'engager du côté du peuple, c'est biblique", dit-il.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / La Terase

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