
Le nouveau secrétaire général de l'Enseignement catholique Guillaume Prévost, qui prend ses fonctions aujourd'hui, veut "rassurer" les personnels après l'affaire Bétharram. Regrettant les attaques contre le réseau qu'il représente, il souligne que celui-ci ne peut pas être " jugé coupable de tous les maux de l'école".
Q : Vous arrivez après des mois mouvementés dans le sillage de l'affaire des violences sexuelles et physiques qui ont eu lieu pendant des décennies à de Notre-Dame de Bétharram (Pyrénées-Atlantiques). Que voulez-vous accomplir ?
R : D'abord, rassurer. (...) Qu'on soit d'emblée jugés coupables de tous les maux de l'école en France aujourd'hui, ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas respectueux du travail des personnels.
Q : Vous trouvez que l'enseignement catholique a été trop montré du doigt ?
R : Oui, et je pense que ce n'est pas terminé. Il y a eu les affaires de maltraitance l'année dernière, puis avant les affaires de mixité sociale.
Plus notre société se retrouve en difficulté, plus elle cherche des coupables. C'est très malsain, et on suscite des querelles qui n'ont rien à voir avec le besoin des enfants et des familles.
Q : Quel bilan tirez-vous de l'affaire Bétharram et du "MeToo de l'enseignement catholique"?
R : Moins les mots d'ordre et slogans médiatiques que la profonde remise en cause des modalités d'exercice de l'autorité éducative qui saisit notre société depuis longtemps, et singulièrement dans l’Église catholique depuis la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, dont le rapport avait été publié en 2021).
Ce mouvement-là ne se réduit pas à une affaire fortement médiatisée (Bétharram), parce que le maire de la ville d'à-côté (le Premier ministre François Bayrou, maire de Pau, ndlr) est connu. C'est sérieux. Ce sont des affaires qui doivent nous remettre en cause de façon profonde.
Q : Qu'a apporté selon vous le rapport de la commission d'enquête parlementaire VannierSpillebout sur les violences dans les établissements scolaires ?
R : Je pensais qu'on allait avoir des éléments tangibles permettant de dire ce qui a eu lieu, quels sont les chiffres, où sont les plus fortes prévalences. Mais non. (...) On en a fait un affrontement entre (le député LFI) Paul Vannier et François Bayrou. (...) C'est terrible d'instrumentaliser des faits comme ça à des fins politiciennes.
Q : Quelles réponses voulez-vous apporter après les scandales de violences ?
R : D'abord celles annoncées par mon prédécesseur Philippe Delorme. La première, c'est la question des internats, sur laquelle il a lancé un travail, annoncé en juin. On part des travaux de la Ciase. On veut construire un système de contrôle qualité (...). Il faut qu'on ait un système de remontée, de traitement, d'analyse des incidents. On doit être capables, dès la rentrée prochaine, de mettre en œuvre ce référentiel.
Q : Comment se mettent en place les remontées d'incidents dans les établissements, instaurées par décret ?
R : On est en train de se mettre en ordre de bataille. C'est un bon outil statistique (...) Mais cette remontée ne doit pas se substituer à l'humain, à la réflexion sur la prévention des violences.
Q : Quelle est votre position sur le plan "Brisons le silence, agissons ensemble" du ministère de l’Éducation pour lutter contre les violences ?
R : Il y a des choses très saines: la volonté d'aller davantage à la rencontre de la parole des enfants. Et d'autres qui me paraissent moins bien acceptées, comme celle qui fait peser une suspicion généralisée et continue sur les éducateurs, telles que le questionnaire systématique (dans les internats ou au retour de voyage scolaire, ndlr).
Q : Comment se passent les contrôles dans les établissements annoncés par Élisabeth Borne, qui en a promis 1.000 cette année dans le privé sous contrat ?
R : On a des remontées de certains contrôles qui se passent très mal. On voit des gens débarquer dans nos établissements avec des postures complètement inadaptées. Au lieu d'instaurer un climat de réassurance, de dialogue (...), on a mis tout le monde sous très grande tension.
Je veux croire que la très grande majorité des agents publics sont soucieux de bien faire leur métier. Mais pour cela, il faut leur redonner un cadre.
Q : Y a-t-il eu un impact de l'affaire Bétharram sur les inscriptions dans l'enseignement catholique ?
R : Pour l'instant, ce n'est pas ce que l'on ressent. Aucun chef d'établissement ne m'a dit qu'il y avait une défiance. (...) Il y en revanche un enjeu de baisse démographique (qui touche aussi l'enseignement public, ndlr). C'est colossal.
La Rédaction (avec AFP)