Asia Bibi, chrétienne condamnée à mort, demande la grâce présidentielle

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Condamnée à être pendue pour blasphème en 2010 par la justice pakistanaise, Asia Bibi est privée de sa liberté de mouvement depuis juin 2009.

Cette mère de famille avait été arrêtée après que des habitants de son village l’eurent frappée ainsi que les siens. Asia Bibi est accusée d’avoir profané le nom du prophète Mahomet par des femmes musulmanes avec qui elle travaillait dans les champs. Un avocat vient de demander la grâce présidentielle au chef de l’Etat, Mamnoon Hussain.

L’affaire qui a eu un retentissement international a débuté quand Asia Noreen (« Bibi » étant un surnom largement répandu au Pakistan, notamment chez les chrétiens ) ramena de l’eau d’un puits à la demande de deux compagnes de travail. Asia Bibi se vit reprocher d’avoir plongé son gobelet dans le seau, l’une des femmes lui dit que l’eau venait d’être souillée par une chrétienne, c’est-à-dire une impure. Asia répliqua que Mahomet aurait probablement désapprouvé cette accusation, et les femmes l’accusèrent alors d’avoir blasphémé en osant parler au nom du prophète des musulmans.

L’accusation a lieu sur fond de drame sentimental, car Asia est la seconde compagne d’Ashiq, généralement présenté par les médias comme son mari : Ashiq avait dû contracter un mariage arrangé avec Yasmine, et il tomba amoureux d’Asia lorsqu’il la rencontra, allant jusqu’à l’installer sous le même toit que sa femme. Folle de douleur et de jalousie, cette dernière participa aux accusations afin de chasser Asia et ses filles de la maison. En prison, Asia a trouvé de la force en approfondissant sa foi jusque là plutôt culturelle.

Ce n’est pas la première fois qu’un défenseur d’Asia Bibi se tourne vers le Président de la République du Pakistan, et le président d’alors, Asif Ali Zardari - dont l’épouse, l’ancien Premier ministre Benazir Bhutto, avait été assassiné par les islamistes – avait décidé de lui accorder sa grâce, après avoir demandé au gouverneur de la province du Pendjab d’enquêter sur l’affaire. La Haute Cour de Lahore avait cependant déjà rendu une ordonnance prévenant toute grâce présidentielle, et interdisant de modifier la loi sur le blasphème.

Soutien à la cause d’Asia Bibi et opposant déclaré à cette norme, le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, fut d’ailleurs assassiné par son garde du corps ; il reçut 29 balles dans la rue. L’année suivante, en 2011, ce fut au tour du ministre fédéral des Minorités religieuses, le chrétien Shahbaz Bhatti, qui avait pris parti pour Asia Bibi, d’être assassiné. Exécuté, le meurtrier de Taseer est considéré comme un héros dans le pays. La libération d’Asia Bibi est un casse-tête pour les autorités, tout comme son emprisonnement, car cette chrétienne risque d’être assassinée aussi bien en prison qu’une fois libre.

Entre libération incertaine et sécurité incertaine une fois libre

L’article 45 de la Constitution reconnaît au Président le droit d’accorder la grâce, mais ni la justice ni les islamistes n’ont pour l’instant décidé d’accepter qu’Asia Bibi retrouve la lumière du jour. Ainsi, selon un article du journal pakistanais The Express Tribune du 21 janvier 2012, l’accusateur d’Asia Bibi a dit regretter sa dénonciation, mais les islamistes ont refusé qu’il se rétracte et annoncé qu’elle serait tout de même tuée. Sa famille a dû quitter la maison et se cacher après les menaces des responsables religieux. Et les islamistes veulent se venger sur elle de la pendaison de l’assassin du gouverneur du Pendjab. Dans sa prison, Asia Bibi est isolée dans une cellule de 2,4 mètres sur 3 afin qu’aucune détenue ne la tue.

Au Pakistan, sur le fondement de la loi de 1986 contre le blasphème, sont réglés beaucoup de comptes. Il suffit que quelques personnes en accusent une de blasphème pour qu’elle soit passible de la peine de mort. Toutefois, dans la pratique, il n’y a jamais eu d’exécution par la justice dans ces dossiers.

En décembre 2010, un avocat des opposants à la libération d’Asia Bibi demandait à la Haute Cour de Lahore de suspendre une éventuelle grâce présidentielle, car ce droit ne concernait pas les affaires pendantes ni les personnes condamnées pour blasphème. Fin octobre de cette année, la Cour suprême se prononcera à nouveau sur l’affaire.

Entre 1988, année des premières accusations, et 2011, 32 personnes accusées ou acquittées dans des affaires de blasphème ont été assassinées.

Hans-Søren Dag


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