Attentat à Damas : des chrétiens inquiets réclament la protection du président

Attentat à Damas des chrétiens inquiets réclament la protection du président

Après avoir perdu son mari et sept autres membres de sa famille dans l’attentat-suicide contre une église de Damas, Laure Nasr attend du président de transition, Ahmad al-Chareh, qu’il les protège et leur rende justice, dans un climat d’inquiétude grandissant parmi les minorités.

"Je veux qu’Ahmad al-Chareh me rende justice lui-même. N’est-ce pas lui le président ? N’avons-nous pas basculé dans un régime démocratique ?", s’emporte cette femme de 35 ans auprès de l’AFP, alors qu’elle reçoit lundi des condoléances dans sa maison du quartier populaire de Dwelaa.

"L’assaillant est entré dans la maison de Dieu et nous a tiré dessus", raconte-t-elle. Si son mari et son beau-frère ne s’étaient pas interposés avant qu’il ne déclenche sa ceinture explosive, "nous serions tous morts", assure-t-elle.

Tenant un bout de vêtement de son mari maculé de sang, elle lance, la voix brisée : "Qu'ont-ils réalisé à part nous briser? Huit membres de notre famille, la famille al-Awad Bechara, sont morts".

D’après les autorités, un kamikaze du groupe jihadiste État islamique a fait irruption dimanche dans l’église Saint-Élie du quartier de Dwelaa, a tiré sur les fidèles, avant d'activer sa ceinture-explosive.

L’attentat-suicide a fait 25 morts et 63 blessés, selon les autorités, qui ont annoncé lundi avoir arrêté plusieurs membres de "cellules du groupe terroriste Etat islamique (EI)" en lien avec l'attaque.

À l’intérieur de l’église orthodoxe, des secouristes rassemblaient lundi les restes humains encore épars, les plaçant dans des sacs, après avoir déblayé la majeure partie des gravats.

Ahmad al-Chareh a promis que "tous ceux qui ont participé ou planifié ce crime odieux seront arrêtés et traduits en justice", appelant à "l’unité et à la solidarité".

"Je ne veux plus rester"

Alors qu’elle reçoit les condoléances depuis sa modeste chambre pour son défunt père, Jenny Haddad, fonctionnaire de 21 ans, raconte : "Mon père, Simon, ne faisait que prier. Il n’a jamais porté d’arme ni fait de mal à personne".

La jeune femme en appelle aussi aux autorités : "Que ceux qui ont fait ça soient punis, et que les minorités soient protégées", dit-elle.

"Il n’y a rien de pire que de vivre dans un endroit où l’on ne se sent pas en sécurité. Je ne veux plus rester ici. La mort nous entoure de partout", dit Mme Haddad, la voix tremblante. "On savait que notre tour viendrait".

Des massacres sur la côte ayant couté la vie en mars à plus de 1.700 personnes, en grande majorité alaouites, suivis de violences confessionnelles impliquant les druzes, avaient ravivé les craintes des minorités.

Depuis la chute de Bachar al-Assad en décembre, la sécurité reste l'un des plus grands défis pour les nouvelles autorités islamistes, appelées par la communauté internationale à protéger les minorités.

Malgré le deuil, Laure Nasr, affirme vouloir rester. "Je suis chrétienne syrienne, je veux vivre en Syrie, que ça plaise ou non. Qu’ai-je fait pour devenir veuve ? Prier, est-ce cela notre tort ? Que chacun prie chez soi, et à chacun sa religion".

"Que M. Chareh enquête et empêche que d’autres meurent à cause de ces actes terroristes. Que Daech (acronyme de l'EI en arabe) soit éradiqué de Syrie", lance Laure Nasr, entourée de ses proches qui n'ont pas encore enterré leurs morts.

L'EI n’a pas revendiqué l’attaque mais a déjà visé les nouvelles autorités.

"Pourquoi tant de haine ?" 

À côté de Laure, une proche pleure son mari, tué lui aussi alors qu’il tentait de s’interposer dans l’église :"Seigneur, qu’avons-nous fait ? Nous prêchons la paix et l’amour… Pourquoi tant de haine ?", dit-elle, en sanglotant.

La population chrétienne de Syrie est passée d’un million avant la guerre, en 2011, à moins de 300.000 aujourd’hui, selon des experts, en raison de l’exil et des déplacements forcés.

Bien que les nouvelles autorités n'aient pas imposé officiellement de restrictions, de nombreux Syriens craignent pour leurs libertés sociales et religieuses. Plusieurs dérives souvent qualifiées "d'incidents isolés" ont été signalées.

En mars dernier, une altercation avait éclaté devant l’église Saint-Élie, où un véhicule muni de hauts-parleurs s'était garé pour diffuser des chants religieux islamiques.

"Aujourd’hui, on ne peut même plus se sentir en sécurité en entrant dans une église", témoigne Nabras Youssef, 35 ans, rescapé de l’attentat, qui a perdu six amis et voisins.

Pour lui, "l’accumulation" d’incidents ces derniers mois, sans réaction des autorités, a mené à ce drame.

"Quand on ne se sent pas en sécurité dans sa foi, (..) on n’est même plus un citoyen de seconde classe, mais de quatrième classe", lâche-t-il. "Je veux juste qu’on me garantisse la sécurité et de quoi vivre."

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : LOUAI BESHARA / AFPPhoto par LOUAI BESHARA / AFP

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