Au Vietnam, l’alphabet latin témoignage de l’empreinte chrétienne dans l’histoire du pays

Au Vietnam, l’alphabet latin témoignage de l’empreinte chrétienne dans l’histoire du pays

À Hanoï, capitale du Vietnam, des ateliers de calligraphie revisitent un art ancestral inspiré de la Chine. Mais ici, ce ne sont pas des sinogrammes que tracent les élèves, pinceau à la main, mais les lettres de l’alphabet latin. Cette écriture, familière à l’Occident, s’est enracinée au Vietnam par le biais des premiers missionnaires chrétiens.

"Quand je m’adonne à la calligraphie, j’ai l’impression de me parler à moi-même", confie Hoang Thi Thanh Huyen, 35 ans, absorbée dans l’exercice. 

Son passe-temps évoque autant la tradition confucéenne de la calligraphie, que l'influence occidentale qui a transformé le Vietnam ces trois derniers siècles, parfois par la force.

L’histoire du quốc ngữ, ou vietnamien romanisé, est inséparable de la mission évangélisatrice qui a précédé de plusieurs siècles la colonisation française. Dès le XVIIe siècle, des prêtres catholiques, dont le jésuite né à Avignon Alexandre de Rhodes, ont cherché à rendre la langue accessible pour mieux transmettre la foi chrétienne. En 1651, il publie le premier dictionnaire portugais-vietnamien-latin, conçu comme un outil pour les missionnaires. Ce travail marque une étape décisive dans l’introduction de l’alphabet latin au Vietnam.

Les Français ont répandu l'alphabet latin pour former les fonctionnaires qui les ont aidés à gouverner l'Indochine, explique à l'AFP Khanh-Minh Bui, doctorante à l'Université de Californie Berkeley, spécialisée dans l'histoire du Vietnam des 19e et 20e siècles. Il y a aussi l'idée "de couper les connexions avec une civilisation plus vieille, qui a beaucoup influencé les élites", en l'occurrence la Chine, poursuit-elle.

Les idéogrammes en cours depuis des siècles sont progressivement abandonnés. Le "quoc ngu", plus facile à apprendre, alimente une explosion des journaux et de l'édition, auprès d'une audience qui n'avait jamais été aussi large, aidant la propagation de discours anticoloniaux, annonciateurs de l'arrivée au pouvoir des communistes, en dépit de la censure.

Pour Khanh-Minh Bui, cette adoption a représenté "la promesse d’une nouvelle éducation, d’une nouvelle manière de penser". En 1945, lorsqu’Ho Chi Minh proclame l’indépendance, revenir aux idéogrammes paraît impossible : le quốc ngữ est solidement ancré dans la société vietnamienne.

Aujourd’hui, cette écriture héritée des missions chrétiennes se révèle dans de nouveaux usages artistiques. Nguyen Thanh Tung, professeur de calligraphie à Hanoï, note un engouement croissant pour la culture traditionnelle, y compris dans sa forme romanisée. Selon lui, "le quốc ngữ offre plus de libertés artistiques", tout en portant une mémoire spirituelle et culturelle propre au Vietnam.

"La culture n’est pas la propriété d’un seul pays", souligne-t-il. 

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Nhac NGUYEN / AFP

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