
La Congrégation de Bétharram, qui dirigeait l'établissement béarnais au cœur d'un vaste scandale de violences commis sur des enfants, a confirmé le 13 octobre l'indemnisation de toutes les victimes, de personnels religieux comme de laïcs, en commençant par celles d'agressions sexuelles.
Cet ordre franco-italien avait reconnu en mars sa "responsabilité" dans les faits dénoncés par plus de 200 plaintes individuelles, dont la moitié pour des agressions à caractère sexuel mais presque toutes prescrites, et annoncé des mesures avec l'aide de l'Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD).
Lundi, il a annoncé dans un communiqué "l'élargissement du mandat de la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR, mise en place par l'Église catholique en 2021, NDLR) aux violences sexuelles commises par les laïcs à Notre-Dame-de-Bétharram".
Jusque-là, seules les victimes de religieux étaient prises en compte. "Que des victimes aient déjà été indemnisées par la CRR et pas d'autres est vécu comme une injustice", a déclaré à l'AFP Magalie Besse, directrice de l'IFJD, ONG spécialisée dans la justice transitionnelle en zone de conflit.
D'ici la fin d'année, la Congrégation des pères de Bétharram doit "abonder son fond de réparation", pour de premières indemnisations prévues début 2026, selon Mme Besse.
Elle s'appuiera sur le système d'évaluation de la gravité et des incidences des violences sexuelles "déjà fonctionnel" de la CRR, souligne-t-elle. D'un montant moyen de 34.000 euros, l'indemnisation est plafonnée à 60.000 euros, soit "beaucoup plus que des réparations judiciaires".
Alain Esquerre, ancien élève de Bétharram et représentant d'un collectif de victimes, regrette qu'il ait "fallu plus de sept mois pour que la congrégation passe enfin à l'action".
Selon un audit, encore inachevé, le patrimoine immobilier de la congrégation s'élève à 5 millions d'euros, à condition que "les biens soient effectivement vendables", relève Magalie Besse, qui concède une "crainte sur le financier".
Alain Esquerre, lui, demande une "vraie enquête" financière. "La congrégation a des biens immobiliers dans 15 pays, elle raconte ce qu'elle veut, on se moque de nous", réagit-il.
A ce jour, la congrégation indique avoir versé 900.000 euros à plus de 20 victimes et qu'une vingtaine de dossiers sont en cours de traitement.
Pour M. Esquerre, l'État ne "doit pas s'exonérer" de ses responsabilités, tout "comme l'Église", après avoir laissé des établissements sous contrat "en roue libre pendant des décennies".
Il attend en outre toujours les moyens d'enquête promis en février par l'ancien Premier ministre François Bayrou, accusé par ailleurs d'avoir menti sur sa connaissance des violences commises au sein de l'établissement où ont été scolarisés plusieurs de ses enfants et où sa femme enseignait le catéchisme.
Pour les victimes de violences physiques, exclues du champ d'indemnisation de la CRR, un "mécanisme" de calcul doit encore être défini, selon la directrice.
Seules deux plaintes sur les plus de 200 déposées depuis février 2024 ne sont pas prescrites. Un seul ex-surveillant de Bétharram a été mis en examen pour viol et agression sexuelle, sur un total de quinze prêtres, presque tous décédés, et quatre laïcs mis en cause de 1957 à 2004.
La Rédaction (avec AFP)