Bruno, veuf et père courage, élève ses enfants sans haine six ans après l’attentat de Nice

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Six ans après avoir perdu sa femme Mino dans l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, Bruno Razafitrimo, chauffeur de car et chrétien, consacre sa vie à ses deux garçons : « On essaie de vivre naturellement, mais on ne peut pas combler le vide ».

Bruno Razafitrimo était absent de Nice le soir de l’attentat. En ce jour de fête nationale en France, quelque 30.000 personnes s’étaient réunies sur la Promenade des Anglais, le long de la Méditerranée, pour le traditionnel feu d’artifice, dont Mino, 35 ans, et les deux enfants du couple, Amaury, six ans au moment du drame, et Andrew, quatre ans.

C’est dans cette foule qu’a foncé avec un camion Mohamed Lahouaiej-Bouhlel tuant 86 personnes dont la femme de Bruno. Andrew, son plus jeune fils, a eu la vie sauve car « il a lâché la main de sa maman », explique à l’AFP d’une voix douce et posée, cet homme originaire comme son épouse décédée de Madagascar, son île de l’océan indien qu’il a quittée en 2001.

Depuis, Bruno doit être « à la fois le papa et la maman » avec ses deux garçons, dont le plus grand va entrer en cinquième et le deuxième en CM2. Il a consolé bien des chagrins, prenant parfois les enfants dans son lit « les soirs de coups de blues », avait-il raconté l’année dernière à l’AFP qui suit son parcours. « Ca leur est arrivé, surtout Andrew, qui avait 4 ans, de demander ‘Mais maman, elle va quand même rentrer un jour ?' ».

Pris en charge par des psychologues juste après l’attentat, les enfants n’ont désormais plus de suivi. « Pendant la période du Covid, on a continué à avoir des entretiens par téléphone avec des psychologues. Mais après, on n’a plus eu aucun contact ».

Vie « mise de côté »

De leur maman, ils parlent encore souvent, « au présent ». « Moi j’ai perdu mon père à sept ans, eux je suis étonné de tous les souvenirs qu’ils ont gardés d’elle », se félicite Bruno.

« En fait, ils s’adaptent avec cette vie. Et il y a beaucoup d’entraide entre les deux frères, ils se récompensent je pense, ils s’engueulent aussi, mais il y a beaucoup de complicité », sourit Bruno qui admet, en cherchant souvent ses mots, qu’il a « mis un peu de côté » sa vie à lui.

« Je m’occupe de moi mais sans trop penser à moi parce qu’il faut d’abord que je m’occupe d’eux. D’ailleurs, je n’ai pas encore refait ma vie. Ma priorité, c’est les enfants », insiste-t-il.

« Quand il y aura des copains et copines et qu’ils commenceront à entrer dans leur vie d’adulte, peut-être qu’il y aura aussi une nouvelle étape pour moi », ajoute Bruno.

Souvent loin de chez lui quand, au volant de son car, il conduisait des groupes de touristes en excursion, Bruno ne « travaille plus beaucoup, en tout cas plus comme avant: il faut que je fasse à manger le soir ». Il peut tout de même compter sur les amis et la famille quand une mission l’éloigne pour un week-end.

Foi et solidarité

Il élève ses enfants dans l’attention aux autres. Engagé au sein d’une association qu’il a créée, Madacat, il collecte avec eux des dons pour son île natale. Il avoue se « ressourcer » dans cette solidarité.

« Quand on donne un coup de main aux autres, on voit qu’il y a aussi d’autres malheurs ».

Chrétien, Bruno, qui est entré dans un ordre religieux, n’a « jamais eu de haine envers personne », ni même envers Mohamed Lahouaiej Bouhlel, ce Tunisien de 31 ans qui a foncé dans la foule avant d’être abattu par les policiers.

« Que l’on fasse cela au nom d’une religion, c’est incompréhensible. Les gens sont manipulables et je pense que c’est plus de la manipulation, c’est pour ça que je n’ai pas de haine », confie ce père courage pour qui « à un moment donné, il faut tourner la page ».

Encore « partagé » sur sa volonté d’aller témoigner devant la cour d’assises spéciale à Paris, où s’ouvrira le 5 septembre le procès de huit personnes accusées d’avoir aidé l’auteur de l’attentat, Bruno, qui se bat encore avec le Fonds de garantie pour obtenir une indemnisation « décente », n’attend pas « un miracle ou un truc comme ça ».

« Il vaut mieux ne pas en attendre grand chose pour ne pas être déçu. On veut surtout un bon procès, pour tout le monde ».

La Rédaction (avec AFP)


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