Cent vingt ans de laïcité : se souvenir d’une loi de compromis

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Alors que la France célèbre les cent vingt ans de la loi du 9 décembre 1905 qui a promulgué la séparation des Églises et de l’État, l’historien Vincent Genin revient sur le principe de laïcité. 

En France, la laïcité est devenue, depuis une trentaine d’années, l’habillage moral d’une véritable crise de conscience. Comment vivre, après la décolonisation, à l’heure de la mondialisation et dans un ordre international qui relègue la France au second rang ? Des réflexes de défense ou de repli peuvent en partie expliquer l’exaltation de certains sentiments nationaux, l’exhumation d’une histoire, son idéalisation, qui vont jusqu’à transformer le passé en patrimoine et l’histoire en image d’Épinal : il en est ainsi de la laïcité.

Une laïcité unique ?

Aujourd’hui, pour parler de laïcité, il conviendrait de revenir au droit, à l’histoire, à la signification des termes et aussi des mythes colportés par certaines paroles politiques, la presse, l’opinion publique et parfois les intellectuels. La laïcité est-elle une "exception française", comme on l’entend souvent ? Au cœur même de la République, il existe différents régimes de laïcité, qu’il s’agisse du cas d’Alsace-Moselle ou de plusieurs territoires ultramarins souvent occultés dans un désir de conception uniforme de la laïcité à la française. Certains observateurs "universalistes",  tenants d’une laïcité dite "républicaine" (attachée davantage à l’unité qu’à la diversité) estimeront que le régime du Concordat, dont les principes persistent à Strasbourg ou à Metz, est contraire au principe de laïcité, étant donné que les cultes y bénéficient d’une subvention publique. C’est oublier que le Conseil constitutionnel, en 2013, a reconnu la compatibilité du régime d’Alsace-Moselle avec le principe de laïcité !

Une exception illusoire

Allons plus loin. Ce mythe de l’exception française, ce culte de l’unité, de l’absolue singularité de la France, si séduisant, si romantique soit-il, fait bon marché de nos voisins étrangers. Doit-on rappeler qu’en 1905, lors des débats préalables au vote de la loi, Aristide Briand, son artisan, énumérait les exemples étrangers ? Une philosophie politique complexe de la loi était alors possible, et l’on sait ce que "l’idée laïque" doit à la tradition athée de la libre pensée, mais aussi au christianisme, qu’il soit catholique ou protestant.

À l’occasion des cent vingt ans de la loi de 1905, dans un contexte social et politique qui semble favoriser la conflictualité plus que le compromis, il est important de faire œuvre de clarification, de sortir des sentiers battus et de contribuer à aborder cette laïcité non comme un culte de plus mais simplement comme une garante de neutralité, de dialogue, de fermeté s’il le faut, de compréhension aussi. Car il n’est guère de politique sans compromis.

Vincent Genin, École pratique des hautes études, PSL/Sciences Po Paris

Article à retrouver en intégralité ici. La Fédération de l’Entraide Protestante (FEP) rassemble les acteurs protestants de l’action sociale, médico-sociale et sanitaire en France avec pour mission de contribuer à une société plus juste et plus solidaire.

Crédit image : Shutterstock / Photomann7 


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