Comprendre la persécution : dans les coulisses de l’Index mondial 2026

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Comme chaque année, entre novembre et décembre, les équipes de l’ONG Portes Ouvertes préparent l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens. À cette occasion, InfoChrétienne a rencontré Guillaume Guennec, codirecteur de l’organisation, afin d’évoquer le processus d’élaboration de cet outil essentiel pour comprendre les dynamiques de persécution.

InfoChrétienne : Pouvez-vous nous présenter l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens, expliquer son objectif et son origine ?

Guillaume Guennec : L’Index existe depuis 1993 : nous préparons aujourd’hui sa 33ᵉ édition. À l’origine, il s’agissait d’un outil interne destiné à Portes Ouvertes pour avoir une vision de la persécution chrétienne. L’objectif est d’établir un classement des pays où les chrétiens sont les plus persécutés, afin de savoir où concentrer notre aide.

Nous avons ensuite réalisé que c’était aussi un bon moyen de communiquer sur la persécution. Le destinataire principal c’est l’Église : informer l’Église universelle de la souffrance des membres du corps de Christ, pour qu’elle puisse prier pour eux. Comme l’Index est un très bon outil de communication, avec des données chiffrées, il nous permet également de nous adresser aux médias et aux politiques, car c’est un document d’expertise. Grâce à notre réseau de terrain constitué depuis 70 ans et à nos partenaires locaux, nous pouvons faire remonter les faits de persécution.

La période d’étude va d’octobre 2024 à septembre 2025. L’Index concerne tous les chrétiens : protestants, évangéliques, catholiques, orthodoxes, convertis, expatriés ou toutes personnes se disant chrétiennes sans appartenance confessionnelle. Nous ne parlons pas seulement de violence, mais aussi de discrimination et d’oppression dans la vie quotidienne.

Nous évaluons cinq domaines de vie dans l’Index : le domaine privé (par exemple : a-t-on le droit de posséder une Bible ?), le domaine familial (comment la famille réagit-elle à une conversion ?), le domaine social (discrimination à l’embauche, à l’université, accès aux services publics), le domaine civil (les lois protègent-elles la liberté religieuse ?), et le domaine ecclésial (les églises peuvent-elles fonctionner librement et être reconnues ?). À cela s’ajoute la violence. Chaque domaine comporte une dizaine de questions, et un score sur 100 permet d’établir le classement.

InfoChrétienne : Quels sont les éléments qui composent cet Index ?

Guillaume Guennec : Il s’agit d’abord d’un classement des 50 pays où les chrétiens sont les plus persécutés, avec les scores détaillés pour chaque domaine. Cela permet de comparer avec l’année précédente et de voir où la situation s’est dégradée. On y trouve aussi une carte avec un code couleur, un élément clé pour visualiser rapidement l’état de la persécution.

Des profils pays expliquent les raisons de la persécution (nationalisme religieux, États autoritaires qui perçoivent les chrétiens comme un contre-pouvoir, extrémismes islamiques) et les formes qu’elle prend (meurtres, églises brûlées, discriminations). Nous cherchons aussi à déterminer si chaque catégorie de chrétiens est persécutée de la même manière.

L’Index présente des chiffres de violence à l’échelle mondiale : combien de chrétiens sont confrontés à la persécution, tués, emprisonnés ou kidnappés, toujours en raison de leur identification à la foi chrétienne. S’ils se trouvaient "au mauvais endroit au mauvais moment", et subissent des violences sans rapport avec leur foi chrétienne, ils ne sont pas comptabilisés.

En plus des 50 pays du classement, d’autres sont concernés : pour l’Index 2025, 78 pays présentent un niveau fort de persécution, touchant 380 millions de chrétiens.

InfoChrétienne : En ce mois de décembre, vous êtes en pleine préparation de la prochaine édition : comment ce travail se déroule-t-il concrètement ? Sur quelles données vous fondez-vous et quelles équipes y contribuent ?

Guillaume Guennec : La première étape consiste à contacter les bénévoles et prestataires : les graphistes pour la mise en forme, l’imprimeur, les relecteurs chargés de vérifier les chiffres, les couleurs et l’orthographe. Ainsi, je vérifie que tout le monde est disponible.

Ensuite, j’établis un chemin de fer : le nombre de pages, les parties introductives où nous présentons l’ONG et la méthodologie. Nous analysons les chiffres. Puis, pour chaque pays, nous rédigeons un profil d’une page résumant la situation.

Nous recevons d’Open Doors International les résultats bruts, c’est-à-dire le classement à la mi-novembre, puis les éléments graphiques, les profils pays, etc. Les données sont transmises par le terrain, vérifiées par les analystes, puis relues par les équipes internationales avant d’être envoyées aux bureaux de Portes Ouvertes.

Une fois les informations reçues, nous les traduisons et les synthétisons. Elles servent au rapport, mais aussi au magazine et au dossier de presse, car en parallèle de la rédaction nous préparons les événements. C’est donc beaucoup d’organisation. Nous présentons aussi l’Index à l’Assemblée nationale, au Conseil de l’Europe, au Sénat…

Le livre est imprimé début janvier et arrive quelques jours avant la conférence de presse. Il est ensuite disponible dans la boutique, au prix de neuf euros. La sortie officielle aura lieu le 14 janvier. L’Index est remis au ministère des Affaires étrangères et aux députés et sénateurs présents lors des présentations. Les principales informations seront disponibles sur le site.

Vendredi 16 janvier, un YouTube Live, accessible à tous, présentera les résultats, le classement, l’état de l’Église persécutée et les sujets de prière.

InfoChrétienne : Pourquoi est-il essentiel pour les chrétiens de prendre connaissance du contenu de l’édition 2025 ?

Guillaume Guennec : L’Index est fait pour eux. La grande question, c’est de savoir si on vit la réalité contenue dans 1 Corinthiens 12.12 : “Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.

Est-ce que nous souffrons réellement avec les chrétiens persécutés et est-ce que nous nous réjouissons de leurs victoires et de leur persévérance ? Si nous ne savons pas ce qu’ils vivent, nous ne prierons pas, nous ne soutiendrons pas, et nous ne serons pas encouragés par leur témoignage. C’est une réalité spirituelle à vivre.

Frère André disait qu’il ne voulait pas être un membre artificiel, une “jambe de bois” qui ne ressent rien. Notre soutien et notre prière grandissent à mesure que nous nous identifions à l’Église persécutée.

Propos recueillis par Mélanie Boukorras

Crédit image : Portes Ouvertes (funérailles au Nigeria après une attaque de Boko Haram)

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