Convention citoyenne sur la fin de vie : les Français sont-ils réellement informés ?

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Le 13 septembre dernier, le Conseil consultatif national d’éthique a rendu public un avis intitulé « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité ». Dans la foulée, le président Emmanuel Macron a annoncé l’organisation d’un débat citoyen en vue d’obtenir des propositions sur le sujet. Il s’agit de discuter de l’aide active à mourir. La Convention citoyenne qui en débattra commencera ses travaux le 9 décembre prochain alors que, selon une récente étude, les Français sont mal informés sur le sujet.

Un récent avis publié par le Conseil d’éthique (CCNE) envisage la possibilité d’une aide active à mourir, tout en rappelant l’important du développement de l’offre des soins palliatifs. À d’autres reprises, l’organisme avait préconisé la possibilité de l’euthanasie, par exemple dans son avis 63 de 2000 parlant d’engagement solidaire et d’exception d’euthanasie. Toutefois, en 2013, le Conseil soulignait dans son rapport 121 que le maintien de l’interdiction faite aux médecins de « provoquer délibérément la mort » protège les personnes en fin de vie, et qu’il serait dangereux pour la société que des médecins puissent participer à « donner la mort ».

Par ailleurs, divers avis et rapports de l’organisme ont déjà souligné le défaut d’information du personnel médical et du public. Ainsi, l’avis 121 constatait la méconnaissance de la loi Leonetti de 2005 visant à éviter d’une part l’euthanasie, d’autre part l’acharnement thérapeutique :

« Il n’est guère surprenant que la loi - alors qu’elle est appelée à renouveler profondément la prise en charge des patients en fin de vie - soit méconnue, peu ou mal appliquée dès lors que son adoption n’a pas été accompagnée par une politique adéquate de formation des professionnels de santé et que l’information (à l’initiative des pouvoirs publics, mais aussi des médias) n’en a pas permis une appropriation suffisante par les citoyens. »

Les Français majoritairement indifférents à leur fin de vie, mais favorables à l’euthanasie

Selon un sondage BVA pour le pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, réalisé entre le 23 septembre et le 1er octobre 2022, les Français ne se sentent majoritairement pas concernés par le sujet et ont même du mal à le définir, 30 % d’entre eux pensant qu’il s’agit des dernières années de vie.

23 % des moins de 35 ans seulement se sentent concernés, alors qu’il s’agit par exemple des plus concernés par la mortalité routière avec les plus de 70 ans. De fait, seuls 45 % ont réfléchi à ce qu’ils préfèrent et seulement 43 % l’ont évoqué avec leurs proches. 22 % déclarent éviter le sujet avec un médecin.

Surtout, 57 % des Français ne connaissent pas la possibilité des directives anticipées qui permettent d’exprimer ses volontés dans le cas l’on serait inconscient ou incapable d’exprimer sa volonté. 65 % des sondés  ont une idée précise de ce qu’est la notion de personne de confiance tandis que 23 % pensent savoir ce que c’est mais n’en ont pas une idée précise. Mais ce manque d’intérêt n’empêche pas de répondre massivement en faveur de l’euthanasie lors de sondages sur le sujet.

Ainsi, un sondage IFOP par questionnaire auto-administré en ligne les 4 et 5 octobre 2022 pour l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) indique que 78 % des personnes souhaitent que la Convention citoyenne encourage un changement de la loi avec la légalisation de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté. Le chiffre est de 61 % chez les catholiques pratiquants, les fidèles des autres confessions ne sont pas précisés. Contrairement à l’avortement ou la peine de mort, c’est le sujet où le clivage est le moins marqué.

Le fort pourcentage en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté est constant, d’autant qu’ils sont présentés comme des morts dignes face à des vies devenues insupportables, alors que l’information sur les soins palliatifs est lacunaire et que les centres spécialisés sont perçus comme des mouroirs.

Sans connaissance de l’offre de soins palliatifs, les sondés ont tendance à préférer envisager une telle issue, d’autant que personne ne souhaite mourir sans dignité. La fiction a nourri les débats, mais également le récit médiatique dans diverses affaires telles que celle de Chantal Sébire qui demandait en 2007 que le président Nicolas Sarkozy intervienne en sa faveur, alors qu’elle souhaitait mourir. De plus, les récits fictifs ou médiatiques n’énoncent que peu l’exactitude des moyens mis en œuvre pour abréger la vie.

Un débat pourtant complexe

Dans un article intitulé « Fin de vie : du bon usage des sondages », le journal La Croix donne la parole au docteur Vincent Morel, chef de service au CHU de Rennes et président du conseil scientifique de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Le médecin engage les Français à décrypter les sondages « pour comprendre ce qui se joue de complexe dans les réponses de nos concitoyens ».

Nourris des représentations médiatiques biaisées et de sondages qui peuvent être orientés et qui soulignent des termes comme « maladie incurable, souffrance insupportable – qui renvoient, chez les bien portants, à une représentation dramatique de la fin de vie pas toujours ajustée aux réalités qui se vivent par les patients et les équipes soignantes », les Français se prononcent de façon abstraite. Pourtant, observe le docteur Morel, « dans les services de soins palliatifs, 5 à 6 % seulement des personnes peuvent exprimer, à un moment, le souhait de mourir, mais un sur dix persiste dans sa demande d’euthanasie ».

Dans un communiqué de presse, la Sfap a indiqué le 13 octobre dernier que 85 % des acteurs des soins palliatifs, bénévoles et professionnels, se disent défavorables à toute forme d’aide active à mourir, et que 83 % d’entre eux déclarent que ce type de geste ne peut être considéré comme un soin.

Jean Sarpédon


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