Une odeur d'hydrocarbures accueillait les délégués l'an dernier à la conférence climatique de l'ONU à Bakou. C'est la moiteur amazonienne que respireront à partir de lundi à Bélem les 50.000 participants de la COP30, chargés d'empêcher l'effondrement de la coopération mondiale sur le climat.
Inflexible, le président Luiz Inacio Lula da Silva a maintenu l'événement ici malgré le manque d'hôtels.
Son ambition : que l'Amazonie ouvre les yeux des négociateurs, observateurs, entreprises et journalistes, dans cette ville où les habitants utilisent leur parapluie contre le soleil brûlant du matin et contre la pluie tropicale de l'après-midi.
"Il serait plus facile d'organiser la COP dans un pays riche", a déclaré Lula avant l'événement. "Nous voulons que les gens voient la situation réelle des forêts, de nos fleuves, de nos peuples qui y vivent."
La forêt amazonienne, qui joue un rôle essentiel contre le réchauffement climatique par l'absorption de gaz à effet de serre, subit en même temps nombre de fléaux : déforestation, orpaillage, pollutions, trafics et exactions en tous genres contre les populations, notamment indigènes.
Si les Brésiliens s'activent diplomatiquement depuis un an, ils sont en retard sur la logistique. De nombreux pavillons de pays étaient encore en chantier dimanche.
"Il y a une grande inquiétude sur le fait que tout soit prêt à temps au niveau logistique", confie à l'AFP une source proche de l'ONU. "Connexions, micros, on craint même un manque de nourriture", ajoute-t-elle.
L'incertitude concerne surtout le fond de ce qui doit être négocié pendant deux semaines: le monde peut-il s'unir pour répondre aux dernières projections catastrophiques de réchauffement ?
Comment éviter un clash entre pays riches et monde en développement ?
Où trouver l'argent pour aider les nations frappées par des cyclones et des sécheresses, comme la Jamaïque ravagée en octobre par l'ouragan le plus violent depuis près d'un siècle, ou les Philippines frappées par deux terribles typhons en deux semaines ?
Et que cache la "feuille de route" sur les énergies fossiles mise sur la table par Lula jeudi lors du sommet de chefs d'État ? L'industrie et les pays pétroliers ont repris du poil de la bête depuis qu'à Dubaï en 2023 de nombreux pays ont signé la "transition" vers la sortie progressive des énergies fossiles.
"Comment allons-nous le faire ? Y aura-t-il un consensus sur la façon de procéder ? C'est l'un des grands mystères de la COP30", a éludé dimanche André Correa do Lago, le président brésilien de la conférence.
Sans Trump
Depuis 30 ans, les pays membres de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée dans ce pays au sommet de la Terre de Rio de Janeiro, négocient chaque année pour renforcer le régime climatique.
L'effort a culminé avec l'accord de Paris en 2015, qui engage le monde à limiter le réchauffement à 2°C par rapport à la période préindustrielle, et à continuer les efforts pour le contenir à 1,5°C. Il ne s'était pas arrêté pendant le premier mandat de Donald Trump (2017-2021).
Mais le chef de l'ONU, Antonio Guterres, reconnaît depuis quelques semaines qu'il est "inévitable" que ce seuil soit franchi prochainement, appelant désormais à ce que le dépassement soit le plus court possible.
Ce qui implique de faire enfin baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre, principalement dues à la combustion du pétrole, du gaz et du charbon.
Un groupe de petites îles bataille pour que soit inscrit à l'ordre du jour le besoin de formuler une réponse à cet échec.
"1,5°C n'est pas qu'un chiffre ou un objectif, c'est une question de survie", dit à l'AFP Manjeet Dhakal, conseiller du groupe des pays les moins développés à la COP. "Nous ne pourrons cautionner aucune décision qui n'inclue pas de discussion sur notre échec à éviter 1,5°C."
Les États-Unis, première économie du monde et 2e émetteur mondial de gaz à effet de serre, sont absents pour la première fois de l'histoire de ces réunions.
Donald Trump n'ignore toutefois pas totalement la COP30 ni la déforestation : il a dénoncé dimanche sur son réseau social le "scandale" de l'abattage d'arbres dans la région de Bélem pour y construire une route récemment, réagissant à une intervention diffusée sur Fox News.
La Rédaction (avec AFP)