COP30 : Au Sud, l’Église se lève pour la création

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Nous sommes à quelques semaines de la COP30, qui se tiendra à Belém du 10 au 21 novembre. Pendant 10 jours, les regards se tourneront vers les négociations internationales. Mais sur le terrain, dans les villages et les paroisses du Sud global, l’action est déjà en marche. Des Églises, des ONG et des communautés chrétiennes innovent pour répondre à la crise climatique qui frappe de plein fouet les plus pauvres. À l’invitation d’A Rocha et du SEL, lumière sur ces initiatives locales qui incarnent concrètement la justice sociale et climatique.

Selon Andrew Leake, responsable de l’initiative environnementale de Compassion International, association partenaire du SEL, le lien entre pauvreté et écologie est évident.

"Nous avons été appelés à libérer les enfants de la pauvreté, explique-t-il. Mais pour le faire, nous devons comprendre leur environnement, car leur bien-être dépend directement de sa qualité."

Dans un monde où les vagues de chaleur, les sécheresses et les inondations se multiplient, les enfants pauvres paient le prix fort. Au Togo, une mère confie qu’il fait si chaud la nuit que ses enfants refusent de dormir sous la moustiquaire, s’exposant ainsi davantage aux moustiques. "Quand ils arrivent à l’école, ils sont déjà épuisés, transpirants, et peinent à se concentrer", poursuit-elle. Derrière ces anecdotes se dessine une réalité concrète : la chaleur extrême aggrave l’insécurité alimentaire, provoque des déplacements, et alimente les tensions sociales.

Face à ces défis, Compassion s’appuie sur ce qu’elle appelle les "trois essentiels" : la nourriture, l’eau et l’énergie. Au Kenya, de petits barrages de sable retiennent les pluies torrentielles et rechargent les nappes phréatiques. En Haïti, des pompes et des panneaux solaires alimentent les Centres de Développement de l’Enfant et du Jeune. Et partout, l’agroécologie s’impose comme une solution durable : travailler avec la terre, et non contre elle. "Oui, la tâche est immense", admet Andrew Leake, mais il existe des solutions.

"Et quand on montre aux gens comment s’adapter, on leur rend aussi l’espoir."

Kenya : planter des arbres pour faire renaître la terre

À Matioli, dans l’ouest du Kenya, cet espoir s’enracine littéralement. Benson, directeur d’un centre de parrainage Compassion, a lancé il y a quelques années un vaste programme de reboisement. Son objectif : restaurer les sols érodés par des années de monoculture et de déforestation, et redonner aux jeunes le goût de la terre.

"L’érosion des sols m’inquiétait. Des sols appauvris conduisent à de mauvaises récoltes, et donc à une mauvaise nutrition", raconte-t-il. Avec l’aide de son Église, il mobilise les adolescents pour planter des arbres dans les cours, les champs, et même autour des écoles.

En quelques années, plus de 50 000 arbres ont été mis en terre. "Nos parents ont entendu parler de cette démarche à l’église, et ils se sont mis à planter eux aussi", témoigne Jimson, un jeune du centre.

Aujourd’hui, l’érosion a diminué, les récoltes se redressent, et l’espoir a repris racine. "On nous rappelle souvent que c’est grâce aux arbres que nous avons un bon climat et de l’air pur", dit Gilbert, 10 ans. "Je suis heureux de prendre soin de la création de Dieu." Pour Benson, cette conviction biblique est au cœur de son engagement :

"Prendre soin de la création, c’est garantir la survie de l’humanité."

Bénin et RDC : résister aux inondations et à la faim

Au Bénin, les partenaires du SEL comme Bethesda et DEDRAS font le même constat : le changement climatique est devenu une réalité tangible. Les saisons ne suivent plus le calendrier, les récoltes diminuent, et les écoles sont parfois fermées pendant des semaines à cause des inondations. "Mes enfants restent à la maison pendant deux mois sans aller à l’école parce que notre école est inondée chaque année. [...] La terre est devenue pauvre par l’ensablement et aussi la dévastation de mon champ chaque année", confie un agriculteur local.

Dans le même pays, les pêcheurs voient leurs prises chuter tandis que les familles manquent de nourriture. "Cette situation complique énormément les efforts de lutte contre la pauvreté", reconnaît le Dr Victor Gbedo, conseiller technique de l’ONG Bethesda. En République démocratique du Congo, Marc Mputu, coordinateur de l’organisation GTAAR, décrit les mêmes dérèglements : chaleur étouffante, pluies diluviennes, crues du fleuve Congo et exode rural. "Des mouvements migratoires, en particulier d’exode rural dû aux conséquences de la sous productivité agricole et de l’insécurité alimentaire." explique-t-il. Les partenaires du SEL multiplient les campagnes de sensibilisation dans les paroisses, et les plaidoyers pour faire entendre la voix des plus vulnérables.

Burkina Faso : faire reverdir le Sahel

Au Burkina Faso, Henri et Marthe Girard ont fait du soin de la création un mode de vie. Installés depuis plus de trente ans à Guiè, ils ont fondé l’ONG Terre Verte, avec un rêve fou : reverdir le Sahel. Leur méthode, inspirée à la fois par la science et par la foi, repose sur la création de "parcelles bocagères" entourées de haies, de mares en contrebas pour retenir l’eau, et sur la pratique du zaï, ces trous remplis de compost où sont semées les céréales. Résultat : des récoltes deux à trois fois supérieures à celles des méthodes traditionnelles et des familles qui peuvent passer la saison sèche sans craindre la faim.

"Ma foi m’a aidé, d’un point de vue personnel, à accomplir ce projet : ma motivation a gagné en profondeur, j’y ai puisé une force et une inspiration nouvelles [...] pour que l’être humain vive de façon plus harmonieuse avec le milieu naturel qu’il est appelé à cultiver et conserver."

L’espérance venue du Sud

Ces initiatives ont un point commun : elles naissent de la foi et du terrain. Elles prouvent qu’il n’y a pas d’opposition entre développement et écologie, entre justice sociale et justice climatique. De Nairobi à Cotonou, de Kinshasa à Ouagadougou, les Églises locales nous rappellent que "la terre appartient à l’Éternel" (Psaume 24.1) et que "garder et cultiver" la création (Genèse 2.15) est une mission donnée à tous.

Alors que la COP30 promet un "agenda de l’action" centré sur les plus vulnérables, les partenaires du SEL apportent un témoignage précieux : celui d’une espérance active.

Pendant toute la conférence, A Rocha et le SEL poursuivront leur collaboration pour relayer ces voix, ces visages et ces solutions venues du Sud. Car l’avenir de la planète ne se décide pas seulement dans les salles de négociation, mais aussi dans ces champs reboisés, ces écoles restaurées et ces communautés qui choisissent de prendre soin, avec foi et persévérance, de la maison commune.

Camille Westphal

Crédit image : Shutterstock / buradaki

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