Belém, nord du Brésil. Dans quelques jours, la 30ᵉ Conférence des Nations unies sur le climat doit s’y ouvrir, dix ans après l’Accord de Paris. Les États doivent revoir leurs engagements, alors que la crise environnementale s’enracine et que les inégalités explosent. Dans ce tumulte diplomatique, des organisations chrétiennes (dont A Rocha et le SEL) rappellent que le climat n’est pas seulement une affaire de quotas de carbone, mais aussi de foi et de justice.
Au cœur de l’Amazonie, la COP30 s’annonce comme un test. Les dirigeants devront prouver que leurs promesses ne sont pas des mots creux. Les catastrophes climatiques s’enchaînent, la confiance s’effrite. Au milieu de ce théâtre des puissants, la présence chrétienne reste discrète, mais porte une autre voix. Celle d’une espérance enracinée dans la fidélité de Dieu qui inspire la compassion et la solidarité entre les peuples.
Parmi ces acteurs de foi, le Christian Climate Observers Program (CCOP) occupe une place singulière. Présente à chaque conférence climat depuis plusieurs années, cette initiative nord- américaine se définit comme "une présence chrétienne non confessionnelle plaidant pour la création de Dieu à la COP30 de Belém" souhaitant former "la prochaine génération d’observateurs chrétiens des Nations unies, dans une perspective de foi et de mission".
Le CCOP réunit des participants venus de plus de trente pays : pasteurs, étudiants, responsables d’ONG ou chercheurs. Il s’appuie sur un réseau de partenaires chrétiens accrédités auprès de l’ONU, parmi lesquels A Rocha International ou encore l’Alliance évangélique mondiale. Ces structures partagent leurs accréditations pour permettre à de nouveaux observateurs d’accéder au cœur de la conférence, d’assister aux sessions ouvertes, de rencontrer les délégations et de comprendre le fonctionnement concret du processus onusien.
Comme le souligne le co-directeur du programme, Lowell Bliss :
"Aussi sûrement qu’une molécule de CO₂ reste cent ans dans l’atmosphère, il y aura une COP 29, 30, 31, etc. Le rôle des observateurs d’ONG ne cessera de croître. L’efficacité avec laquelle vous influencerez les décideurs, ou la fidélité avec laquelle vous porterez les ressources du Christ, dépend de la vision et de la formation que vous cultivez dès maintenant."
J’assiste moi-même, en ligne, aux sessions de préparation. Après plusieurs webinaires sur les bases institutionnelles "Qu’est-ce qu’un observateur ?", "Comment fonctionne l’Accord de Paris ?", "Comment communiquer depuis la COP ?", vient le temps d’une rencontre plus intérieure. L’animateur nous invite à dire en un mot ce que nous ressentons face à l’état du monde. À l’écran s’affichent les mots suivants : colère, perplexité, inquiétude, impuissance, débordement, frustration. "Accueillez ces émotions. Même quand nous avons l’espérance, nous pouvons être en colère. Jésus aussi s’est indigné. L’important est de les reconnaître et d’en faire une force d’action", nous dit-on.
Ce moment de silence et de partage résume l’esprit du CCOP, ne pas nier la peur ni la colère, mais les transformer en discernement et en engagement. Cette année, le thème choisi est tiré de l’Évangile de Luc, il s’agit de "calculer la dépense". Dans une lettre adressée aux participants, l’équipe écrit :
"Si vous voulez suivre le Christ dans l’action pour le climat, vous devez ‘calculer la dépense ‘. Certains perdront des amitiés, d’autres seront accusés d’être naïfs ou “woke”. Mais la fidélité demande du courage."
Les membres du CCOP sont avant tout des témoins. Leur présence à la COP sera marquée par l’écoute, la prière et le dialogue. Ils observeront les négociations, suivront les ateliers, et relayeront ce qu’ils vivront auprès de leurs réseaux. Leur démarche repose sur une conviction simple : la foi peut nourrir une action lucide et ancrée dans la compassion. "Vous êtes des observateurs chrétiens du climat parce que l’Esprit du Christ ressuscité agit en vous", rappelle encore la lettre envoyée à chacun.
La conférence de Belém se tiendra dans un contexte paradoxal. Alors que le Brésil promet de renforcer la protection de l’Amazonie, il relance en parallèle des projets d’exploration pétrolière. Les financements promis aux pays du Sud tardent à se concrétiser. Et les voix des populations déjà touchées par le dérèglement climatique se font entendre avec urgence. Pour beaucoup, la COP30 sera un test, celui de la sincérité des engagements et de la solidarité internationale.
Dans ce paysage saturé de chiffres, de sigles et de promesses, la présence chrétienne peut sembler anecdotique. Pourtant, elle porte un message essentiel : la conversion écologique ne se fera pas sans conversion du cœur. À Belém, les chrétiens du CCOP ne viendront pas prêcher mais témoigner, de cette espérance active qui croit encore à la possibilité de réparer, de guérir et de se relever, pour mieux avancer ensemble.
A Rocha et le SEL tous deux engagés dans la sensibilisation et le plaidoyer pour la justice climatique, se feront les relais de cette présence chrétienne à la COP tout au long de la conférence, pour partager les initiatives, les témoignages et les visages d’une foi en action au service de la création.
Camille Westphal