ll y a quelques semaines, Grace Jin Drexel a perdu tout contact avec son père, pasteur de l'une des plus grandes associations protestantes de Chine. Puis elle a appris, terrifiée, son arrestation par les autorités chinoises dans le cadre d'un tour de vis contre les groupes religieux non autorisés.
"J'ai littéralement envoyé des messages à tous mes contacts, demandant 'qu'est-ce que je fais ?'", raconte dans une interview à l'AFP la jeune femme de 31 ans.
Le 10 octobre, Jin Mingri, qui se fait aussi appeler Ezra, a été interpellé pour "usage illégal de réseaux d'information", aux côtés de pasteurs et fidèles dans plusieurs provinces chinoises et la capitale Pékin.
"Aucune famille n'a pu voir les détenus", affirme sa fille depuis Washington.
Jin Mingri a créé en 2007 "L'Église de Sion", l'une des plus grandes associations protestantes de Chine. Mais avec ses 1.500 membres, l'organisation attire l'attention des autorités et finit par être dissoute en 2018.
Elle parvient tout de même à prospérer par la suite et se développe sur internet, organisant des offices via visioconférences sur Zoom et de petits rassemblements dans une quarantaine de villes chinoises.
"Nous appelons le gouvernement chinois à se pencher sur l'affaire et réaliser que potentiellement, il y a une erreur", exhorte Grace Jin Drexel.
Ses frères et elle sont citoyens américains, et elle passe aujourd'hui une grande partie de son temps à militer pour la libération des détenus.
Selon elle, la majorité des pasteurs arrêtés sont défendus par un avocat. Son père a pu rencontrer son conseil à deux reprises, mais Grace Jin Drexel reste préoccupée par sa détention : "Nous voulons le voir. Nous sommes inquiets au sujet de ses médicaments et de sa santé".
"Il a un diabète de type 2, et au début le centre de détention ne lui donnait aucun médicament", ajoute-t-elle.
Très émue, elle assure cependant que son père reste "optimiste", comme elle a pu le lire dans l'une de ses dernières lettres.
"Il disait simplement aux membres de sa famille de ne pas s'inquiéter pour lui et qu'il se consolait dans le fait qu'il souffre avec le Christ", raconte-t-elle.
"Liberté religieuse"
"Mon père a créé l'Église de Sion afin qu'elle soit indépendante et qu'elle ne soit pas contrôlée par le Parti communiste chinois (PCC)", détaille Jin Drexel.
"Nous n'étions pas contre le gouvernement. Nous voulions simplement prendre nos propres décisions sur des sujets simples comme par exemple, combien de fidèles peuvent venir (à l'église) ?".
Mais en 2018, plusieurs années après l'arrivée au pouvoir du président chinois Xi Jinping, les autorités renforcent la surveillance des groupes religieux, se méfiant de toute organisation qui pourrait menacer son autorité.
Selon Grace Jin Drexel, l'Église de Sion est dissoute en septembre 2018, après le refus des dirigeants de l'Église d'installer des technologies de reconnaissance faciale dans les lieux de culte. Dès lors, sa famille déménage aux États-Unis, sauf son père qui décide de rester auprès de ses fidèles en Chine.
Aujourd'hui, il fait l'objet d'une interdiction de voyager et n'a pas vu sa famille depuis sept ans, explique-t-elle.
La jeune femme a elle aussi été interdite de voyager, après être allée rendre visite à son père en Chine. Bloquée pendant 11 mois, elle a finalement pu quitter le territoire en 2020.
Aux États-Unis, l'affaire a fait réagir plusieurs élus, certains présentant notamment au Congrès une résolution condamnant le PCC pour ces détentions. Le chef de la diplomatie Marco Rubio a lui aussi critiqué ces arrestations, dénonçant "une répression".
"C'est une question de liberté religieuse", conclut Grace Jin Drexel. "Il s'agit simplement de la dignité humaine et du fait que le gouvernement chinois veut tout contrôler chez tout le monde, y compris ce qui est intime : sa propre religion".
La Rédaction (avec AFP)