Du 7 octobre à la guerre à Gaza, des chrétiens auprès des victimes

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Des églises en Israël et en Égypte fournissent de la nourriture, de l’aide et une oreille attentive à ceux que la violence a désemparés. "Aujourd'hui, 600 membres de l'église visitent chaque semaine 5 000 foyers palestiniens au Caire", raconte Fawzi Khalil, directeur des ministères de secours de l'église Kasr el-Dobara du Caire.

Les images de l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et de ses conséquences resteront à jamais gravées dans la mémoire d’Israël Pochtar.

Pochtar, pasteur de la communauté Beit Hallel dans la ville d’Ashdod, en Israël, se souvient des sirènes qui, tôt le matin, l’ont réveillé en sursaut. Depuis son appartement au 30ᵉ étage, il regardait par la fenêtre : des roquettes arrivaient depuis Gaza, à 37 kilomètres au sud. De la fumée s’élevait des bâtiments de la ville voisine d’Ashkelon.

En consultant les réseaux sociaux, il est tombé sur des vidéos montrant des terroristes du Hamas tuant des policiers israéliens. Il a d’abord cru à de fausses informations.

Ce n’est qu’en voyant les nouvelles du massacre par le Hamas d’une douzaine de personnes âgées israéliennes rassemblées pour un voyage à la mer Morte qu’il a pris la mesure de l’horreur en cours. Au bilan final : 1 200 morts, 251 otages, des preuves de viols, de tortures et de familles entières brûlées vives.

En conduisant son fils vers une base militaire toute proche pour prendre son service dans le cadre de la mobilisation massive qui a suivi, Pochtar a vu la peur dans les yeux des soldats : "Personne ne souriait, personne ne plaisantait", se souvient-il. Après avoir prié pour son fils et lui avoir dit au revoir, il a fondu en larmes.

Il a ensuite commencé à réfléchir aux moyens par lesquels son église pourrait servir une population terrorisée et désemparée.

Quatre mois plus tard, Fawzi Khalil, directeur des ministères de secours de l'église Kasr el-Dobara du Caire, s’est rendu à la frontière entre l’Égypte et Gaza. Là, il a vu la souffrance des réfugiés palestiniens.

À Cheikh Zuweid, une ville égyptienne frontalière, un centre sportif transformé en hôpital de campagne accueillait environ 300 blessés alignés sur le sol, beaucoup amputés. La scène rappelait à Khalil une séquence du film Autant en emporte le vent, où des centaines de soldats gisaient au sol d’une gare.

Il entendait des gémissements et des cris de douleur, regrettant de n’avoir aucune formation médicale. "Alors, le Saint-Esprit a parlé à mon cœur : 'Donne-leur simplement à manger'", raconte-t-il.

Il est retourné à Kasr el-Dobara, la plus grande église protestante du Moyen-Orient, avec plus de 9 000 membres, et a lancé un ministère auprès des réfugiés palestiniens.

Deux ans plus tard, Gaza est en ruines. Des dizaines d’otages israéliens – dont 20 présumés vivants – sont toujours détenus. Selon le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, qui ne distingue pas civils et combattants, plus de 67 000 Palestiniens sont morts. Sur la scène internationale, Israël s’isole toujours plus, à mesure que de plus en plus de pays occidentaux reconnaissent un État palestinien.

Fin septembre, lors de la visite de Benjamin Netanyahou à la Maison-Blanche, le président américain Donald Trump a présenté un plan de paix en 20 points, donnant "trois ou quatre jours" au Hamas pour l’accepter ou faire face à "une fin très triste".

Israël a immédiatement accepté le plan : libération de tous les otages dans les 72 heures suivant l’accord du Hamas, contre la libération de 250 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité et de 1 700 autres arrêtés après le 7 octobre. Les pays arabes et musulmans s’engageraient à désarmer le Hamas – une condition que le groupe a toujours rejetée. Un comité de responsables étrangers, présidé par Trump, superviserait un gouvernement transitoire.

Vendredi dernier, le Hamas a accepté certaines parties du plan, dont la libération des otages et la fin de son pouvoir à Gaza, mais a déclaré que d'autres points nécessitaient des discussions plus approfondies. Des négociations indirectes se sont poursuivies cette semaine entre Israël et le Hamas en Égypte pour tenter d'aplanir leurs désaccords [et ont finalement abouti à la signature par les deux parties de la première phase du plan de paix américain].

Dans un climat qui reste teinté de nombreuses incertitudes, les chrétiens de la région continuent à transmettre un message d’espérance. Pochtar et Khalil ont tous deux déclaré avoir été témoins de l'œuvre de Dieu à travers la souffrance.

Avec un financement obtenu début 2024 auprès de World Relief, Khalil a commencé à organiser des missions hebdomadaires dans le nord du Sinaï avec des équipes de son église du Caire. Ils distribuaient nourriture, vêtements, couvertures et médicaments aux Palestiniens arrivés en Égypte avec peu de ressources.

Un journaliste de Gaza lui avait signalé cinq Palestiniens à aider au Caire. L’église leur a fourni de quoi manger et payer leur loyer. Rapidement, la nouvelle s’est propagée :

"Ces cinq personnes ont parlé à 50 autres personnes de cette église qui est venue leur rendre visite, a pleuré avec eux et leur a donné à manger", raconte Khalil. "Et ces 50 personnes en ont parlé à 500 autres." Aujourd'hui, 600 membres de l'église visitent chaque semaine 5 000 foyers palestiniens au Caire.

On estime qu’en 2024, l’Égypte accueillait environ 100 000 réfugiés palestiniens ; Khalil pense que ce chiffre a doublé. La plupart d'entre eux ne disposent pas des documents nécessaires pour travailler ou inscrire leurs enfants à l'école, souligne-t-il.

Dans l'une des salles de conférence de Kasr el-Dobara, Khalil accueille Imam Saad, une Palestinienne qui a travaillé dans le domaine de la santé féminine pendant 25 ans dans un hôpital de la ville de Gaza. Ses yeux trahissent la peine qu’elle a portée pendant deux années en tant que réfugiée, inquiète pour sa famille survivant au Caire sans revenu.

Une personne à Gaza l'a mise en contact avec l'église pour obtenir du soutien. "Vous nous avez respectés en tant que Palestiniens", dit-elle à Khalil, lui témoignant sa gratitude.

L'église évite les distributions massives d'aide. "Nous savons qu'au fond d'eux-mêmes, ils ont besoin de prière et ont besoin que vous pleuriez avec eux", explique Khalil.

"Ils ne pleurent pas lorsqu'ils sont réunis dans une grande salle, mais, dès qu'on leur rend visite chez eux, ils pleurent sans cesse, et on entend beaucoup de leurs histoires."

Lors d’une de ces visites, il a rencontré un jeune homme paralysé par une balle dans le cou, vivant avec son grand-père. Il était parvenu à traverser la frontière et vivait au Caire avec son grand-père, qui s'est mis à pleurer à l’arrivée de Khalil. Le grand-père a confié qu'il craignait que son petit-fils ne soit laissé seul après sa mort et qu'il était heureux de voir quelqu'un prêt à l'aider.

"Je lui ai dit : 'L'église, c'est ta maison'", raconte Khalil, les larmes aux yeux. L'église lui a fourni un fauteuil roulant spécialisé pour l'aider au quotidien.

En deux ans de service auprès des réfugiés – majoritairement musulmans – Khalil assure que jamais l’aide de l’église n’a été refusée.

Parallèlement, en Israël, des bénévoles de la congrégation Beit Hallel, fondée par Pochtar il y a 17 ans, rendent également visite aux personnes à domicile. Durant la première année de guerre, un groupe de 120 membres de l'église a aidé les personnes âgées et les jeunes mères dont les maris étaient appelés à servir dans l'armée israélienne.

Portant casques et gilets militaires, les équipes ont distribué de la nourriture, de l'eau et d'autres produits de première nécessité lorsqu'il était trop dangereux pour les habitants de quitter leur domicile ou leurs abris antiaériens. Au cours des 24 derniers mois, le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen et le régime de Téhéran ont lancé des dizaines de milliers de roquettes, de missiles et de drones sur des centres de population en Israël.

"La difficulté, c’est de devoir courir la nuit au refuge avec ses enfants, surtout pour ceux qui ont moins de moyens et vivent dans des appartements modestes", expliquait Pochtar au début de la guerre.

"Alors, nous leur apportons nourriture, prières et encouragements."

Plus récemment, l’église a livré des vivres, des gilets pare-balles, des matelas et d’autres fournitures aux soldats. Plus de 1 000 membres des forces de sécurité israéliennes ont été tués, dont le fils d’un ancien de sa communauté, mort lors de l’attaque initiale du Hamas.

Pochtar affirme que la guerre a poussé de nombreux Israéliens à chercher Dieu.

"Beaucoup ont perdu confiance dans le gouvernement et l’armée, mais cela les a conduits à chercher une aide d’en haut."

Son église accueille de plus en plus de personnes en quête de réponses spirituelles. Il note aussi un autre phénomène : de nombreux jeunes Israéliens se marient.

"Cette guerre a aidé beaucoup de gens à reconsidérer leur vie, et beaucoup demandent leur petite amie en mariage et se marient", raconte Pochtar.

"Et maintenant, nous assistons à un baby-boom."

Aujourd’hui, lorsqu’il regarde Gaza par sa fenêtre, Pochtar voit rarement des roquettes tirées depuis l’enclave. Les lumières y sont plus rares, deux tiers des infrastructures ayant été détruits par l’offensive israélienne.

Il prie pour ses deux fils encore engagés dans l’armée et pour la libération des otages.

L’avenir effectif du plan de paix de Trump reste incertain. Mais Pochtar comme Khalil prient tous deux pour que les esprits changent dans la région.

"Si les Juifs deviennent chrétiens et les musulmans deviennent chrétiens, alors la paix de Dieu règnera", affirme Khalil.

"Je veux que le leader du Hamas connaisse le Christ et vive en paix. Et le dirigeant juif de droite le plus radical, je veux qu'il connaisse le Christ et vive en paix."

Jill Nelson

Un article de Christianity Today. Traduit avec autorisation. Retrouvez tous les articles en français de Christianity Today.


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