Edward Hopper – Le dernier puritain : un documentaire de la collection Peindre la Bible sur Présence Protestante

Le plus célèbre des peintres américains, celui dont on connaît les tableaux sans toujours se souvenir du nom, était-il protestant ?
"En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes." (Jean 1,4)
Interrogé au sujet de l’un de ses derniers et mystérieux tableaux, Soleil dans une chambre vide (1963), Edward Hopper (1882-1967) déclara : "I’m after me", littéralement : "Je suis après moi". Pourtant, ce tableau ne montre ni "je" ni "moi" : il n’est qu’ombre et, surtout, lumière. La lumière du soleil pénètre dans une pièce autrefois peut-être occupée, vivante, mais aujourd’hui vide.
Que voulait dire Hopper par "Je suis après moi" ? Parlait-il de l’héritage que laisseraient ses tableaux ? C’est peu probable. Hopper était connu pour sa retenue, son refus des effets spectaculaires.
Ce "Je suis" convoque un autre "Je suis", celui que YHWH adresse à Moïse au buisson ardent. Après moi, je suis… Après moi, je rejoindrai Dieu. Et tout s’éclaire. Vu sous cet angle, les propos du peintre de l’Amérique des Temps modernes, connu pour sa vie retirée, prennent tout leur sens. Les tableaux d’Hopper sont des signes. Ils ne décrivent pas, ils représentent. À nous de chercher ce qu’ils signifient.
En hébreu, אוֹת (prononcez "‘owth" ou "ôt") peut se traduire par "signe" : le signe, parfois miraculeux, d’une réalité plus vaste que ce que l’on perçoit à l’œil nu.
"Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel,
pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes (ôt)
pour marquer les époques, les jours et les années." (Genèse 1,14)
Ces signes, les luminaires, traduisent en une expression concrète, matérielle et perceptible l’ordre divin. En cette période estivale où brille le soleil, souvenons-nous de ce verset de la Genèse, apparemment si simple, si fluide. Quoi de plus simple que le rythme des jours et des saisons ? Quoi de plus naturel ?
La réalité du soleil ne peut nous échapper, ni sa lumière ni sa chaleur qui parfois nous écrase. Mais n’oublions pas que le soleil est aussi autre chose : un ôt, un signe.
Au début d’un documentaire qui lui est consacré, Hopper évoque la difficulté qu’il éprouve à retranscrire la lumière du soleil : "Je m’intéresse beaucoup à la lumière. La lumière du soleil est très difficile à restituer en peinture. Les formes ont tendance à obscurcir la lumière elle-même et à la détruire."
Comme les voyelles du nom de YHWH qu’il est impossible de prononcer, la vraie lumière est impossible à reproduire ou à peindre. Toute forme, toute ombre — pourtant nécessaires pour créer du relief et rendre la lumière visible pour nous, les hommes — détourne la lumière de sa pureté.
À la lumière des mots de Hopper, on comprend mieux le sens de ce tableau crépusculaire de 1963 : quand tout disparaît, quand la matière et les formes s’estompent, il ne peut rester que deux choses : l’obscurité, c’est-à-dire le néant, ou bien la lumière, c’est-à-dire la vie. Or, si la lumière est vie, tout ce qui se dresse sur son chemin crée de l’ombre. Ainsi en est-il de nos existences :
"Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière !" (Éphésiens 5,8)
Christophe Zimmerlin
Edward Hopper – Le dernier puritain ? Un documentaire co-écrit par Audrey Lasbleiz et Marie-Laure Ruiz-Maugis, réalisé par Audrey Lasbleiz pour france.tv studio diffusé dimanche 20 juillet, 10h00, sur France 2. Disponible en replay sur france.tv et sur la page Facebook de Présence Protestante.