En Suisse, le nombre de suicides assistés continue à augmenter

En Suisse, le nombre de suicides assistés continuer à augmenter

En Suisse, le suicide assisté est autorisé depuis 1942, et ce sont des associations qui s’occupent de la fourniture des produits létaux ainsi que des démarches administratives. Dans un contexte social de plus en plus inquiétant où le suicide n’est pas réellement découragé, la solidarité se défait, les demandes pour bénéficier du suicide assisté augmentent. Plus d’un millier de personnes sont décédées par ce biais l’an dernier, ce qui interroge sur le modèle de société.

Bien que le Conseil fédéral suisse dise préférer "miser sur la prévention, les soins palliatifs et une prise en charge coordonnée" et présente un plan d’action pour la prévention du suicide, la pratique continue à se développer, après une légère baisse en 2016, et concerne surtout les femmes ainsi que le montrent les données de 2023 de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) qui les fournit par tranches de deux années et n’a pas encore établi celles de l’an dernier. Par exemple, 422 femmes pour 320 hommes en 2014, 529 pour 399 en 2016 ou 510 hommes pour 741 femmes en 2020.

Alors que le gouvernement affiche sa volonté de mettre en place des structures d’écoute dédiées aux personnes qui désirent abréger leur vie, diverses associations peuvent fournir une potion létale aux personnes désirant se suicider, dès lors que leur aide n’est pas mue par l’égoïsme. Parmi les plus connues, Dignitas ou Exit dont le nombre d’adhérents croît.

En 2022, ce sont "plus de 17 000 personnes" qui ont rejoint Exit, portant le nombre de ses adhérents à 154 118, son record depuis sa création en 1940. Parmi elles, 3 401 ont adhéré durant cette période à sa branche romande, un peu plus du dixième de ses 33 411 membres. Exit affirme que 1 125 patients sont décédés l’an dernier après suicide assisté dans en Suisse, 973 en 2021 et 913 en 2020, un dernier chiffre nettement en deçà des 1 251 annoncés par l’Obsan.

Selon l’association, les demandes de suicide sont dues "au vieillissement de la société et à l’augmentation du nombre de personnes atteintes de maladies graves et de handicaps". L’âge moyen des patients décédés par suicide assisté l’an dernier était de 79,6 ans, et de 78,2 ans en 2021. Parmi les visages connus, celui du réalisateur Jean-Luc Godard qui a choisi de mourir à 91 ans alors qu’il n’était pas malade, mais épuisé. Une médiatisation qui risque d’encourager à solliciter l’assistance de ces associations.

Parmi les adhérents, des étrangers qu’accepte Dignitas dont 90 % des membres n’habitent pas en Suisse. L’association comptait 11 856 membres l’an dernier, 832 de plus qu’en 2021. La plupart d’entre eux viennent des États-Unis (+389), d’Allemagne (+164) ou du Royaume-Uni (+95). S’il y a bien plus de membres que de personnes qui se suicident dans ce cadre au cours de l’année, c’est parce que "de nombreuses personnes s’inscrivent à l’avance, en prévision d’une maladie future".

Des données qui interrogent sur la vision du monde

Des chiffres qui ne peuvent qu’amener à se demander quels sont les soubassements de telles demandes. "Que transmet la société, explicitement ou implicitement, pour qu’à un moment les gens se disent qu’il vaut mieux mourir que vivre, qu’ils n’ont plus leur place parmi nous ?", se demande le Dr Michaël Gonin, doyen et professeur d’éthique à la HET-PRO, une école de théologie située à Saint-Légier, dans le canton de Vaud.

"Une partie des personnes qui font appel au suicide assisté ont l’impression de faire un cadeau à la société, car elles se voient comme une charge pour elle et pour leurs proches qu’elles ont le sentiment d’accabler", observe cet éthicien qui nous interpelle par cette question culturelle :

"Pourquoi cette approche n’existe-t-elle pas dans d’autres sociétés ?"

Alors que l’on pourrait penser à l’individualisme, le Dr Gonin y voit une compréhension dévoyée de la solidarité de ceux qui préfèrent mourir.

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ Hyotographics


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