Journée internationale des droits des femmes : deux chrétiennes nigérianes témoignent de la violence de Boko Haram

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Deux Nigérianes chrétiennes victimes des violences de Boko Haram vont témoigner auprès du pape François et d'autres personnalités politiques à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars, l'organisation Aide à l'Eglise en Détresse (AED) a invité deux Nigérianes chrétiennes victimes des violences de Boko Haram à témoigner auprès du pape François et d'autres personnalités politiques.

Maryamu Joseph (19 ans) et Janada Marcus (22 ans) ont toutes deux été prises en charge par les spécialistes du centre de traumatologie de Maiduguri, au nord-est du pays, construit avec l’aide de l’AED.

Maryamu est restée pendant 9 ans aux mains de Boko Haram. Elle n'a que 7 ans lorsque les militants l'enlèvent et la séquestrent dans la forêt de Sambisa.

"Neuf ans de vie en esclavage ! Neuf ans de torture ! Neuf ans d’agonie ! Nous avons tant souffert aux mains de ces gens sans cœur et sans pitié. Pendant neuf ans, nous avons vu couler le sang innocent de mes frères chrétiens, tués par des gens qui n’accordent aucune valeur à la vie. Ils ont assassiné sans remords, comme si c’était une chose normale à faire. Ces neuf années gâchées dans la forêt de Sambisa ne peuvent être oubliées en un clin d’œil. Les mots ne peuvent rendre justice à ce que j’ai vécu."

"Ils ont mis les chrétiens dans des cages, comme des animaux", explique-t-elle à l'AED, "La première chose qu’ils ont faite a été de nous convertir de force à l’Islam. Ils ont changé mon nom en Aisha, un nom musulman, et nous ont avertis de ne pas prier en tant que chrétiens, sinon nous serions tués". 

Un an après son enlèvement, l'horreur continue.

"Quand j’ai eu 10 ans, ils ont voulu me marier à l’un de leurs patrons, mais j’ai refusé. Pour me punir, ils m’ont enfermée dans une cage pendant une année entière. Ils apportaient de la nourriture une fois par jour et la glissaient sous la porte sans jamais ouvrir la cage."

En 2019, ils ont pris son frère et l'ont tué sous ses yeux.

"Sous mes yeux, ils ont pris un de mes frères et ils l’ont tué. Ils lui ont coupé la tête, puis les mains, les jambes et le ventre. Ils ont traité le corps de mon frère comme un poulet avant qu’il ne soit cuit. J’étais dévastée. Je me suis demandée : 'Qui sera le prochain ?'."

Elle s'est sentie abandonnée par Dieu.

"Ce que j’ai vécu m’a éloignée de Dieu. Je trouve qu’il est si difficile de revenir à Dieu. J’ai du mal à lui faire confiance. J’essaie de me dire qu’il est toujours Dieu, mais je n’arrive pas à m’y faire. Je me suis sentie abandonnée par Dieu à cause de ce que j’ai vécu. On dit que Dieu est tout-puissant et qu’il n’est pas partial. Alors pourquoi ne m’a-t-il pas aidée quand j’avais le plus besoin de Lui ?"

Janada Marcus témoigne elle aussi auprès de l'AED. Elle était dans les champs avec sa famille quand les militants de Boko Haram les ont encerclés.

"Quand je les ai vus, de nombreuses pensées ont traversé mon esprit : dois-je m’enfuir ? Si je le fais, qu’adviendra-t-il de mes parents ? Et s’ils nous attrapent avant même que nous ayons commencé à courir ? Devrais-je crier à l’aide ? Quelqu’un viendrait-il à notre secours ? J’ai décidé de rester calme et de laisser Dieu accomplir un miracle. Mais ils nous ont fait l’impensable."

"Ils ont pointé une machette sur mon père et lui ont dit qu’ils nous libéreraient s’il faisait l’amour avec moi. Je n’ai pas pu retenir mes larmes ! Je tremblais, mais je ne pouvais rien faire !", raconte-t-elle.

Ils ont alors pointé une machette sur le front de son père. Mais il a refusé.

"Mon père a baissé la tête pour se soumettre à la mort et a répondu : ’Je ne peux pas coucher avec ma propre chair et mon propre sang, ma propre fille, je préfère mourir que de commettre cette abomination’. En entendant cela, un des hommes a sorti une machette et a coupé la tête de mon père, juste devant nous. La douleur que j’ai ressentie à ce moment-là était insupportable. Le sang de mon père était répandu sur tout le sol. Pouvez-vous imaginer la torture, la douleur que je ressentais à ce moment là ? J’ai supplié Dieu de m’enlever la vie."

Le 9 novembre 2020, elle a été attaquée une deuxième fois par Boko Haram.

"Cette fois, ils m’ont capturée. Ils m’ont emmenée dans la brousse et m’ont gravement torturée, émotionnellement, physiquement et mentalement pendant six jours. J’ai subi beaucoup d’expériences terribles et méchantes - au-delà de toute explication - qui ont fait que ces six jours ressemblent à six ans."

Relâchée, elle retrouve sa mère, qui la conduit au centre de traumatologie, géré par le diocèse de Maiduguri.

"Au début, il m’était presque impossible d’oublier mon passé, mais après avoir passé ces mois au centre, j’ai pu lâcher prise. Après mon processus de guérison, je me suis inscrite à l’université. Je suis très heureuse et je vais tout faire pour obtenir mon diplôme et devenir quelqu’un de bien dans la société."

Elle est elle-même étonnée, mais affirme avoir réussi à pardonner à ses agresseurs.

"Il est difficile de pardonner et d’oublier, et avec tout ce que j’ai vécu aux mains de Boko Haram, je n’arrive même pas à croire que je suis celle qui dit cela, mais je leur ai pardonné dans mon cœur, et je prie pour la rédemption de leurs âmes."

Maryamu Joseph et Janada Marcus seront présentées au pape François à la fin de l’audience générale.

M.C.

Crédit image : Shutterstock / AndriiKoval

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