La conversion au judaïsme, objet d’une polémique en Allemagne

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La communauté juive allemande est actuellement agitée par un débat concernant le nombre de convertis au judaïsme dans un pays à la mémoire marquée par la Shoah. Une femme chantre d’une synagogue de Berlin a été démise de ses fonctions après avoir critiqué dans un quotidien national le nombre croissant de conversions.

C’est par une tribune publiée le 22 août dans le journal Die Welt que le scandale est arrivé. L’auteur, Avitall Gerstetter, est la première femme hazzan (équivalent du chantre) en Allemagne. Cette femme, dont le père s’est converti au judaïsme, craint que trop de non-juifs ne rejoignent sa communauté au risque d’amoindrir sa nature, rapporte le Times of Israël.

Gerstetter déclare qu’elle sait qu’il ne faut pas parler des « giur » (convertis) et que la loi juive n’accepte pas de distinction entre les juifs de naissance et ceux qui ont choisi le judaïsme. Mais, selon elle, la règle ne peut ignorer le fait que « le nombre très important de nouveaux juifs a entraîné un changement considérable dans la vie juive allemande. Pendant certains offices, pendant certains discours, j’ai davantage l’impression d’assister à un événement interreligieux que de me trouver dans une synagogue qui m’est pourtant familière depuis mon enfance ».

Les chiffres du Conseil central de protection sociale des Juifs en Allemagne indiquent une moyenne de 80 conversions annuelles sur les 21 dernières années (1697 personnes). Gesa Ederberg, la femme rabbin de la synagogue où officiait Gerstetter, est elle-même une convertie et déplore que l’impact de la tribune sur les fidèles qui ne sont pas d’origine juive :

« Ces membres de notre synagogue qui se sont convertis et qui adorent sa voix magnifique sont stupéfaits. »

La conversion au judaïsme pour expier le passé antisémite de l’Allemagne ?

La tribune de Gerstetter ne conteste pas la légitimité des conversions en soi, mais leurs raisons. En cause, selon elle, une volonté trop répandue d’expier le passé nazi ou de s’identifier aux victimes plutôt qu’aux bourreaux. Elle déplore également que les convertis occupent de nombreux postes de direction au sein de la communauté juive allemande, et craint qu’ils ne soient trop laxistes lorsqu’ils examinent les candidatures à la conversion.

Après la Seconde Guerre mondiale, des milliers d’Allemands ont demandé à rejoindre la communauté juive réduite à 25 000 membres alors qu’elle en comptait 523 000 en 1933. Prudent, le grand rabbin de Berlin a demandé en 1950 la création d’une commission spéciale pour vérifier la sincérité des demandes afin d’éviter que d’anciens nazis ne feignent de se convertir ou que des Allemands ne cherchent à bénéficier des nouveaux avantages réservés à la communauté martyrisée. Beaucoup ressentaient le poids de « la culpabilité, la honte et le choc » liés à la Shoah, explique Barbara Steiner, historienne et elle-même convertie pour épouser un juif.

Le rabbin Zsolt Balla, membre du conseil d’administration de la Conférence rabbinique orthodoxe d’Allemagne, souligne que la conversion peut être un avantage : « Souvent, au sein de nos communautés, les convertis montrent l’exemple. Ils font voir aux membres peut-être moins récents de la communauté ce qu’ils sont supposés faire. » Il ajoute que, dans le cas de personnes issues de familles au passé antisémite, certaines « se rapprochent du judaïsme et se passionnent littéralement pour lui. »

Balla souligne même que, selon le Talmud, les descendants du prince Haman, qui voulait tuer les juifs en Perse au temps de la reine Esther, sont devenus rabbins.

Si Ederberg observe que l’ancienne hazzan pose des questions intéressantes, elle déplore que son propos généralise trop négativement, « comment peut-elle diriger nos prières si c’est là son sentiment ? », se demande-t-elle.

Jean Sarpédon


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