Laïcité : Quand les crèches de Noël inquiètent l’Association des Maires de France

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Dans le lot des journées dédiées à un sujet particulier, on trouve à la date du 9 décembre la journée nationale de la laïcité. Un thème cher à l’Association des Maires de France qui vient d’éditer un code de bonne conduite en la matière, lequel suscite polémique, d’autant plus à  l’approche de Noël car il y est notamment question des crèches dans les bâtiments publics. Explications…

La tradition fait éclore en ce moment des crèches rappelant la Nativité, particulièrement dans certaines régions où elles font partie du patrimoine traditionnel. Un grand classique dans un pays de culture chrétienne. Mais qui dérange certains tenants d’une laïcité pure et dure. Au point que l’Association des Maires de France (AMF) a intégré ce point dans un vade-mecum qui contient de nombreuses prescriptions sur la laïcité dans l’espace public. La réaction ne s’est pas faite attendre car c’est un sujet sensible, que la justice juge d’ailleurs de façon contradictoire (*).

Ce guide de bonne conduite laïque estime à ce sujet au chapitre « La neutralité des bâtiments publics » :

« La présence de crèches de Noël dans l’enceinte des mairies n’est pas, du point de vue de l’AMF, compatible avec la laïcité ».   Elle estime qu’« une clarification législative est souhaitable ».

Mais il ne s’agit que de l’un des aspects pointés par ce vade-mecum sur la laïcité qui traite aussi de plusieurs domaines liés à la scolarité, à l’utilisation des édifices religieux dans le domaine culturel, à la mise à disposition des salles communales pour les lieux de cultes, et parle de la neutralité des élus et des agents publics, du parrainage républicain, du mariage civil, des funérailles… pour lesquels à chaque fois est mentionnée une préconisation.

« La traque du religieux »

L’abbé Pierre-Hervé Grosjean, curé de Saint Cyr l’Ecole, Secrétaire Général de la Commission «Ethique et Politique» du Diocèse de Versailles, est monté au créneau, en s’en prenant à l’essence même de ce guide de bonne conduite. Il dénonce  une « traque du religieux » au travers des vieilles traditions chrétiennes, même populaires et culturelles : neutralité radicale des élus lors des offices religieux, soutien des mêmes élus aux manifestations traditionnelles, y compris festives,  ayant gardé un sens spirituel, consignes sur les programmations musicales d’inspiration chrétienne, etc…

Il n’hésite pas à qualifier ce « laïcisme de caricature de la laïcité », laquelle n’a pas vocation à faire disparaître la foi de la société ou de l’espace public. Il estime là que « L’AMF se rend coupable d’abus de pouvoir » 

Et il replace le débat dans le contexte dramatique actuel des attentats terroristes :

« Assumons enfin notre identité, que les terroristes ont voulu justement viser: la France est un pays aux racines judéo-chrétiennes et gréco-latines. Notre identité, c’est celle-là. Une France au clair sur son identité sera au contraire généreuse, forte et accueillante à la diversité. Nos compatriotes musulmans seront les premiers à nous remercier d’être fermes dans nos valeurs face à leurs intégristes, et non qu’on nie ces valeurs ».

Et l’abbé y va aussi de ses préconisations :

« Que Monsieur Baroin et tous les maires de France se désolidarisent vite de ce document. Que les politiques de tous bords nous proposent autre chose que cette guérilla juridique destinée à nous empêcher d’être ce que nous sommes depuis 1500 ans. Luttons contre l’islam radical, sans avoir peur des religions elles-mêmes! Ne doutons pas de la capacité et de la volonté des uns et des autres à vivre ensemble, dès lors que la loi les protège et non étouffe ce qu’ils sont ».

Une pétition pour demander le retrait

Côté politique, deux députés du parti Les Républicains, Hervé Mariton (Drôme) et  Philippe Gosselin (Manche) se sont justement emparés de la contestation, en lançant une pétition dans laquelle ils demandent à l’AMF de « retirer son vade-mecum de la laïcité et toutes les communes à en refuser toute transposition », précisant notamment « Nous partageons la valeur de la laïcité dans la République mais nous refusons qu’elle s’exprime dans un sentiment antireligieux ». (Voir sur le sujet l’interview d’Hervé Mariton pour Info Chrétienne).

D’autres hommes politiques ont aussi fait connaître leur désapprobation à l’égard du document de l’AMF. C’est la cas de Bernard Accoyer, l’ancien président de l’Assemblée Nationale, de Xavier Bertrand, ancien ministre, maire de Saint-Quentin (Aisne) qui a déjà fait savoir qu’il n’appliquera pas ces prescriptions visant les crèches, relevant que « la France est un pays laïque de tradition chrétienne » et que « Nous n’avons à nous excuser de ce que nous sommes, de ce que sont nos valeurs ». Même attitude de maintien des crèches pour le maire d’Ajaccio.

 « Nous ne sommes plus dans la laïcité mais dans un laïcisme qui nourrit le fondamentalisme », estime de son côté le maire de Montfermeil et vice-président du Parti chrétien-démocrate (PCD) Xavier Lemoine.

Au-delà du clivage droite-gauche

Trois maires FN (Cogolin, Fréjus, Luc-en-Provence) ont quant à eux décidé de quitter l’AMF. Mais cette polémique va au-delà d’un clivage droite-gauche puisque ce vade-mecum est porté par François Baroin et André Laignel, respectivement président (LR) et premier vice-président (PS) de l’AMF. Si les élus de droite sont les plus nombreux à réagir, ils ne sont pas unanimes. Des élus socialistes se sont aussi élevés contre cette initiative qui tend à faire des crèches de Noël un sujet de débat. C’est le cas de Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS. De Jean Glavany aussi. Le député PS des Hautes-Pyrénées avait déjà dénoncé une polémique ridicule l’an dernier :

« Le principal problème c’est de faire comprendre à un certain nombre de personnes, y compris à gauche, que le droit à la différence, ça ne peut pas être la différence des droits. Cela veut dire que la laïcité et la République c’est vivre ensemble avec nos différences, de respecter nos différences et de dépasser nos différences ».
(France-info).

Face à cette levée de boucliers, l’AMF, dans un communiqué, souligne que le texte « n’a bien évidemment aucune valeur contraignante, chaque conseil municipal étant libre de ses choix », ayant juste vocation à « nourrir un important débat sur la laïcité prévue en ouverture » de son 98e congrès et (…)  vise simplement à aider les maires en leur donnant toutes les informations possibles et à les alerter sur d’éventuels risques juridiques ».

Mais cette position de l’AMF pose aussi question sur une influence de la franc-maçonnerie. Le Figaro révèle notamment que « plusieurs responsables ont été entendus par le groupe de travail, comme le maître du Grand Orient de France, Daniel Keller » et que  « selon une source bien informée, les responsables religieux ont été entendus en dernier, alors que les propositions avaient déjà été formulées ».

Pointée aussi comme déconcertante et contradictoire, avec cette conception de la laïcité à la française, cette célébration en grande pompe de la « Nuit du Ramadan», à l’hôtel de Ville de Paris en juillet dernier, en présence de la maire, Anne Hidalgo, et du recteur de la grande mosquée de Paris. Etait ainsi fêtée de la rupture du jeûne, avec un concert d’un groupe marocain et un cocktail d’amandes et de lait…

Bref, au travers de la laïcité, les crèches de Noël donnent cette année une nouvelle occasion de s’enguirlander…

Sources : FigaroVox , AMF


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