"Je pense qu’un génocide moderne est en cours" : entretien exclusif avec un pasteur nigérian
Selon l'ONG Portes Ouvertes, le Nigeria est le pays dans lequel le plus de chrétiens sont tués en raison de leur foi. Récemment, Donald Trump a classé le pays comme particulièrement préoccupant et a menacé d’intervenir pour lutter contre "les meurtres de chrétiens". InfoChrétienne s’est entretenu avec le pasteur Fred Williams, basé dans une région particulièrement touchée par la persécution.
InfoChrétienne : Pourriez-vous vous présenter ?
Fred Williams : Je m’appelle Fred Williams et je suis pasteur dans le nord du Nigeria, plus précisément dans la région centre-nord, dans l’État de Plateau. Cette région est l’un des endroits les plus dangereux du Nigeria pour les chrétiens, avec une persécution constante et des attaques ciblées.
InfoChrétienne : En tant que pasteur, quels sont les principaux défis auxquels vos fidèles sont confrontés en tant que chrétiens ?
Fred Williams : Dans le nord du Nigeria, notamment à Jos North et dans d’autres régions de l’État de Plateau, il est extrêmement dangereux d’être chrétien. Les membres de l’église sont menacés rien qu’en allant à l’église. Certaines personnes ont été tuées pour avoir participé aux cultes, et des églises ont été attaquées pendant les prières et la communion.
Mais le danger ne se limite pas aux bâtiments religieux. Les maisons et les villages sont aussi attaqués et les chrétiens sont ciblés dans leur vie quotidienne. La persécution n’est pas occasionnelle, elle est continue et permanente.
InfoChrétienne : Avez-vous personnellement, ou votre communauté, été confrontés à la persécution ?
Fred Williams : Oui, à de nombreuses reprises. Mon église et de nombreuses communautés chrétiennes environnantes ont subi des attaques répétées et prolongées au fil des années, et cela continue encore aujourd’hui.
Le niveau de violence est difficile à décrire avec des mots : assassinats, enlèvements, destructions, horreurs. Des villages entiers ont été touchés, des vies et des moyens de subsistance ont été perdus. C’est dévastateur et constant.
InfoChrétienne : Le 31 octobre, le président américain Donald Trump a ajouté le Nigeria à la liste des "pays particulièrement préoccupants" en matière de violations de la liberté religieuse. Êtes-vous d’accord avec cette décision ?
Fred Williams : Je suis totalement d’accord. Pendant trop longtemps, la voix des chrétiens massacrés a été réduite au silence. Il est important que le monde s’exprime. Même au moment où cette annonce était faite, de nouveaux massacres avaient lieu dans le Plateau, et d’autres fosses communes étaient creusées. Cette décision met en lumière une crise qui avait besoin d’être reconnue.
InfoChrétienne : Qu'attendez-vous concrètement du gouvernement nigérian ?
Fred Williams : Nous attendons du gouvernement qu’il protège ses citoyens, quelle que soit leur religion. Concrètement : mettre fin aux massacres et aux violences, assurer une sécurité réelle, stopper les enlèvements et les déplacements massifs, défendre les innocents, en particulier dans le nord et le centre du Nigeria, dans des régions telles que le Sud du Kaduna, l’État du Plateau et Benue.
Nous demandons simplement justice et protection. Et puis surtout pouvoir avoir le droit fondamental de vivre sans peur.
InfoChrétienne : Utilisez-vous le mot "génocide" pour décrire les massacres de chrétiens dans votre pays ?
Fred Williams : Je pense qu’un génocide moderne est en cours, quel que soit le terme que l’on choisisse d’employer. L’ampleur est énorme : des milliers de morts, des millions de déplacés, des communautés détruites, des moyens de subsistance anéantis.
Que l’on parle ou non de génocide, c’est un scandale, et le monde doit le reconnaître.
InfoChrétienne : Donald Trump a déclaré qu’il pourrait intervenir militairement si le gouvernement nigérian ne parvenait pas à protéger les chrétiens. Pensez-vous que ce soit une bonne idée ?
Fred Williams : Je ne peux pas me prononcer sur la stratégie militaire ou les motivations politiques. Ce que je peux dire, c’est ceci : nous réclamons justice. Nous voulons que les massacres cessent, quoi qu’il en coûte. Si la pression internationale, même la menace d’une intervention, pousse le gouvernement nigérian à enfin protéger ses citoyens, alors cela pourrait aider.
Mais notre prière est simplement que des vies innocentes soient sauvées et que cette violence cesse.
InfoChrétienne : Comment expliquez-vous que les chrétiens continuent de garder leur foi malgré les menaces et la persécution ?
Fred Williams : Parce que nous sommes chrétiens, et nous avons découvert qu’au milieu de la haine, des ténèbres et de la terreur, l’amour du Christ est plus fort. Je dis souvent :
"L’amour est plus violent que la terreur".
L’amour de Jésus nous donne la force de persévérer et de rester fidèles, même face à la mort, à la peur et à la souffrance. Les chrétiens du Nigeria ont montré une résilience remarquable, restant attachés au Christ quel qu’en soit le prix.
InfoChrétienne : Quel message souhaitez-vous adresser à vos frères et sœurs en France ?
Restez fermes et souvenez-vous des paroles de Jésus :
"J’étais nu et vous m’avez vêtu ; j’étais en prison et vous m’avez visité."
Lorsque vous soutenez les croyants persécutés, vous soutenez le Christ lui-même. Parlez. Priez. Soyez la voix de ceux qui n’en ont pas.
Que l’amour courageux et désintéressé du Christ nous pousse à prendre soin non seulement des persécutés, mais aussi des persécuteurs afin qu'eux aussi puissent rencontrer l’amour de Jésus. L’amour change tout.
Propos recueillis par Mélanie Boukorras
