L’association chrétienne Lazare, qui propose des colocations entre jeunes actifs et SDF, lance une nouvelle campagne

association-chretienne-lazare-campagne-colocation-SDF.png

« Ils voient un colocataire où n’était qu’un SDF » : ce détournement des mots du cantique de Noël « Minuit, chrétiens » aurait pu être leur devise. Ce ne sont pas des lazaristes, mais leur volonté de retisser du lien social en faisant vivre ensemble des personnes de la rue et des jeunes actifs et étudiants, est inspirée de leur foi chrétienne. Leur association porte le nom de Lazare, ce personnage pauvre mentionné par le Christ qui vivait devant la porte d’un riche égoïste. Déjà soutenue par Vianney ou Nagui, l’association vient de lancer une nouvelle campagne.

Visages et voix marquées par des années de rue, divers anciens sans-abri essaient de définir une stratégie entrepreneuriale pour venir en aide aux jeunes actifs isolés, dans une vidéo de campagne humoristique, bourrée d’anglicismes de la publicité, qui ne peut que toucher même ceux qui détestent ces barbarismes.

En effet, le contraste est saisissant entre leur manque d’assurance devant la caméra et leur emploi de termes du monde de l’entreprise tels « fit to market », « p.o.c. ». C’est ainsi que l’association Lazare présente son projet qu’elle encourage à relayer.

 

Recréer du lien entre les isolés sortis de la rue et ceux du monde actif ou étudiant

Le ton est donné, la solitude des jeunes actifs est comparée avec humour  à l’abandon des animaux : « Pendant les vacances, ils seront encore 200 000 abandonnés dans les open spaces. Sans famille, oubliés par leurs amis mariés, ils prendront leurs vacances plus tard. »

Un employé de la SPA (Société Protectrice de l’Amitié) désigne Louis, un jeune actif, que l’association a recueilli et qui « était plutôt carencé », ne se nourrissant « que de sushis et de planches de charcuterie depuis des mois » avant d’être recueilli et « amadoué avec des galettes de riz ».

Créée en 2010 par de jeunes catholiques, Lazare est « une réponse évangélique aux problèmes de précarité », selon les mots d’Étienne Villemain, l’un des fondateurs de l’association. Une initiative qui a plu aux lazaristes de Saint-Vincent-de-Paul à Paris qui ont spontanément proposé leur bâtiment dans le XVe arrondissement à l’association.

« Nous n’avions plus les moyens de mettre ce bâtiment aux normes, mais nous ne souhaitions pas le vendre », selon le supérieur provincial Gilles Pelletier qui précise que la congrégation n’a pas pour mission « de faire de l’argent mais d’aider les pauvres ». Lazare verse une participation financière pour les charges, et chaque colocataire paie 150 euros par mois.

Car les loyers sont identiques pour tous ceux qui partagent un même bâtiment. À Nantes, les colocataires paient 300 euros. Un peu partout Lazare reprend en main des immeubles inhabitables ou en construit pour y héberger des colocations allant généralement de six à 10 personnes. Dans l’immeuble du XVe arrondissement, une douzaine d’anciens SDF et de jeunes actifs vivent à des étages différents selon leur sexe. Autre particularité, chaque foyer est chapeauté par une famille bénévole qui veille au bon ordre et à la convivialité.

À Nantes, Loïc Luisetto a quitté la robe d’avocat pour devenir délégué général de Lazare. Avec son épouse et leurs enfants, ce catholique convaincu habite dans une maison de l’association après avoir travaillé dans les favelas au Brésil. « À la rue, les gens crèvent surtout de solitude », souligne-t-il, mettant implicitement en avant la raison de ces lieux de connexion. Les SDF et nombre de jeunes actifs et d’étudiants partagent cette solitude qui ruine l’âme.

L’expérience est concluante, les témoignages sont satisfaisants, comme celui de Charlotte : « Sylvie, une amie de Lazare et nouvelle coloc m’a ouvert sa porte, écoutée, conseillée, mise en sécurité et surtout m’a redonné confiance. Je suis rentrée en mode survie à Lazare et aujourd’hui j’ai retrouvé un sens à ma vie. »

Ceux qui le souhaitent peuvent participer aux laudes, moment de prière matinal, explique Béatrice, l’épouse de Loïc. En effet, si l’association n’a pas de but prosélyte, elle effectue son travail en évitant l’écueil de l’activisme social qui évacuerait le témoignage chrétien, livrant une manifestation de charité identique à celle prônée par l’encyclique « Dieu est amour » de Benoît XVI.

« Vous n’êtes pas appelé à réussir, mais à être fidèle » est la devise de Lazare. Loïc Luisetto ne le sait que trop bien, lui qui, avec sa famille et les colocataires, a été fidèle à Antoine, mort d’une overdose à 28 ans, quelques mois après son départ : « À vue humaine, nous n’avons pas réussi mais je crois que nous lui avons été fidèles jusqu’à son dernier hommage, et c’est ce que le Christ nous demande. »

L’association a déjà ouvert 10 centres en France, six sont en cours d’ouverture et 10 sont à l’étude. Elle en a également ouvert un à Mexico.

Jean Sarpédon

Crédit image : capture d’écran vidéo YouTube / association Lazare

Dans la rubrique Mission >



Les nouvelles récentes >