Le risque de sécheresse sera fort cet été 2022

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Quel risque de sécheresse menace les nappes d’eau souterraine – on parle à ce propos de sécheresse hydrogéologique – cet été 2022 en France métropolitaine ?

Ce risque se définit par la possibilité d’atteindre, d’ici août-septembre 2022 : des niveaux bas à très bas, une situation plutôt rare ; des niveaux sous les seuils d’alerte définis par arrêtés préfectoraux sur des piézomètres représentatifs.

Pour cet été, les prévisions sur les nappes se révèlent assez pessimistes.

Carte de France métropolitaine montrant les risques de sécheresse pour l’été 2022
Carte du risque sécheresse sur les nappes d’eau pour l’été 2022.
BRGM, CC BY-NC-ND

Le risque de sécheresse (en rouge foncé sur la carte, « risque très fort ») est en effet avéré sur le Sud-Est et concerne les nappes des calcaires karstifiés de la Provence, les nappes alluviales et des formations tertiaires de la Côte d’Azur. Ce risque affecte également le Centre-Ouest, dont les nappes des calcaires jurassiques de Charentes, de la Brenne et du Poitou ; la nappe des sables cénomaniens du Perche et du Maine et la nappe de la craie séno-turonienne de Touraine.

Sur ces secteurs, des restrictions d’eau souterraine ont déjà été mises en place et il est peu probable que la situation s’améliore durant les prochaines semaines.

Les secteurs à « risque fort »(en rouge clair sur la carte) abritent des nappes dont les niveaux sont déjà sous les normales. Leur situation pourrait se dégrader rapidement, en conséquence soit de l’absence de pluies suffisantes, soit d’une forte sollicitation par pompages.

Enfin, les niveaux des nappes identifiées comme à risque « très faible » (en vert foncé sur la carte) à « faible » (vert clair) devraient rester satisfaisants durant tout l’été. Il s’agit de nappes inertielles peu sensibles à la sécheresse de l’année en cours, ou de nappes réactives ayant bénéficié d’une recharge satisfaisante.

Des tensions pourraient cependant apparaître localement, en cas de forte sollicitation des eaux souterraines par les prélèvements.

En complément, les données issues de cette carte ont été compilées à l’échelle départementale avec les données sur le déficit pluviométrique, la sécheresse des sols et la sécheresse hydrologique par le ministère de la Transition écologique, afin de définir les territoires présentant un risque de sécheresse.

Gros plan sur l’état des nappes au 1ᵉʳ mai 2022

La situation des nappes en fin de période de recharge, soit au 1er mai 2022, dépend de la situation des nappes au début de la période de recharge (entre octobre et novembre 2021), des pluies infiltrées en profondeur durant l’automne et l’hiver 2021-2022 (recharge apparente) et de la cyclicité des nappes.

Série de cartes pour montrer la dynamique de recharge des nappes d’eau souterraine
Impact de la recharge sur la situation des nappes au 1ᵉʳ mai 2022.
BRGM, CC BY-NC-ND

L’année 2021 s’est caractérisée par une période de recharge 2020-2021 excédentaire et par plusieurs épisodes inhabituels de recharge de mai à juillet.

À l’automne 2021, la situation des nappes, alors en début de période de recharge, était favorable avec des niveaux au-dessus des normales (voir sur la carte de gauche ci-dessus, les secteurs bleus et verts). Seules la Corse, la Provence et la région de Montpellier-Nîmes affichaient des niveaux sous les normales, du fait de l’absence de recharge conséquente depuis 2020 (sur la carte de gauche, les secteurs jaunes et orange).

Les nappes se rechargent essentiellement durant l’automne et l’hiver, lorsque la végétation est en dormance. Or, la recharge apparente 2021-2022 a été déficitaire sur la plupart des nappes (voir sur la carte du haut ci-dessus, les nuances de rouge). À l’échelle du territoire, elle n’a été que de 70 % de la recharge apparente normale. La période de recharge s’est terminée en janvier-février 2022 sur une grande partie du territoire, soit avec 2 à 3 mois d’avance. Seules les nappes du sud de l’Occitanie ont bénéficié d’une recharge légèrement excédentaire (sur la carte du haut, les nuances de bleu).

Le bénéfice provisoirement engrangé dans les nappes grâce à la recharge excédentaire de 2020-2021 s’est donc estompé avec les déficits pluviométriques enregistrés durant l’hiver et le printemps 2021-2022.

Cependant, l’impact de ce déficit de recharge est différent selon la cyclicité de la nappe, c’est-à-dire sa réactivité à l’infiltration d’une pluie.

Les nappes inertielles (craie, formations tertiaires et formations volcaniques) ont une cyclicité pluriannuelle (voir sur la carte du bas ci-dessus, la couleur verte). Leur inertie, caractérisée par des écoulements lents, permet de conserver des niveaux peu dégradés à la sortie de l’hiver malgré la recharge déficitaire.

Au contraire, les nappes réactives à cyclicité annuelle (alluvions, calcaires jurassiques et crétacés, grès triasiques et socle) sont très sensibles au déficit de pluie efficace (voir sur la carte du bas ci-dessus, la couleur bleue). Leur situation s’est donc dégradée rapidement en fin d’hiver et durant le printemps.

En conséquence, seules les nappes inertielles et les nappes réactives ayant bénéficié d’une recharge proche des normales (75 à 125 %) montrent des niveaux proches, voire supérieurs aux normales, au 1er mai 2022 (sur la carte de droite ci-dessus, les secteurs verts et bleus). Une grande partie des nappes enregistrent des niveaux modérément bas à très bas, conséquence de la recharge déficitaire (sur la carte de droite ci-dessus, les secteurs oranges et rouges).

Comment la carte de la sécheresse est élaborée

L’élaboration de la carte du risque sécheresse repose sur l’état initial des nappes après la période de recharge hivernale 2021-2022, sur des prévisions saisonnières de Météo France, sur les prévisions saisonnières issues de modèles hydrogéologiques ainsi que sur l’expertise des hydrogéologues régionaux du BRGM.

Série de cartes expliquant la méthodologie des hydrogéologues
Détail de la méthodologie utilisée pour élaborer la carte du risque sécheresse.
BRGM, CC BY-NC-ND

À partir du printemps et durant l’été, la hausse des températures, la reprise de la végétation, et donc l’augmentation de l’évapotranspiration, limitent l’infiltration des pluies vers les nappes. Entre mai et octobre, sauf événements pluviométriques exceptionnels, la vidange se poursuit habituellement et les niveaux continuent de baisser jusqu’à l’automne. L’évolution de la situation des nappes dans les prochains mois de 2022 dépendra donc de pluies efficaces qui parviendront à s’infiltrer en profondeur, des prélèvements en eau et de la résistance des nappes à la sécheresse.

Concernant les nappes inertielles, les précipitations ne devraient pas engendrer une recharge notable, sauf événements pluviométriques très exceptionnels. La situation des nappes inertielles devrait se dégrader lentement durant les prochains mois, ou plus rapidement sur les secteurs fortement sollicités.

Sur les nappes réactives, en cas de précipitations insuffisantes, la vidange devrait se poursuivre et la situation devrait alors continuer à se dégrader. Les épisodes pluviométriques importants pourront néanmoins provoquer des recharges momentanées, permettant alors de soutenir les niveaux (pause temporaire de leur baisse) voire, très ponctuellement, d’entraîner une hausse des niveaux.

Les prévisions saisonnières de Météo France privilégient un scénario plus chaud que la normale sur l’ensemble du territoire et plus sec que la normale sur la moitié Sud.

En conséquence, la carte du risque sécheresse a été construite sur une hypothèse pessimiste, en considérant que la situation des nappes devrait continuer à se dégrader durant les prochains mois. Il n’est cependant pas exclu que des perturbations océaniques traversent la France et engendrent des épisodes de recharge importante. Les campagnes d’irrigation pourraient également influencer la situation des nappes.

Afin de protéger nos ressources en eau, il est indispensable de suivre les mesures d’économie de cette ressource vitale. Ces mesures permettent de garantir des niveaux d’eau dans les nappes suffisants pour alimenter en eau potable la population et pour réguler le débit des cours d’eau.

Violaine Bault, Ingénieur hydrogéologue, BRGM et Marc Laurencelle, Chercheur en hydrogéologie, BRGM

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Crédit image : Shutterstock.com / Gaman Mihai-Radu


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