Les églises chinoises aux États-Unis préfèrent ne pas parler de l’actualité

Les églises chinoises aux ֤États-Unis préfèrent ne pas parler de l’actualité

Après le meurtre de 11 personnes à l’occasion des festivités du Nouvel An chinois par un septuagénaire d’origine chinoise, le 21 janvier dernier, de nombreux pasteurs d’églises chinoises américaines n’en ont pas parlé durant leurs sermons alors qu’il est habituel aux États-Unis de commenter l’actualité durant les services religieux. Un choix motivé par la volonté de se concentrer sur le culte et l’évitement des divisions, constate Christianity Today.

L’église de James Hwang se trouve en Californie du sud, comme l’endroit du massacre de janvier. Le lendemain de la tuerie, la congrégation s’est réunie pour le service dominical, mais le pasteur a évité toute mention de la fusillade durant son prêche et n’en a parlé qu’au moment des annonces pour demander de prier en faveur des victimes et de leurs proches. Et l’approche est à peu près la même parmi les fidèles, souligne-t-il en disant que "la plupart des frères et sœurs ne semblaient non plus pas en parler".

Comment expliquer ce qui pourrait passer pour de l’indifférence ? Kris Wang, ancien d’une église chinoise dans le Michigan explique que "Jésus s’est toujours concentré sur l’Évangile et voulait parler du péché et du jugement". Selon lui, le Christ voulait éviter de  "brouiller l’attention portée à l’Évangile en parlant de l’actualité, de théologie ou de questions politiques"

Ces sujets sont perçus comme des facteurs de distraction mais aussi de division par la majorité des églises chinoises aux États-Unis, et les pasteurs se soucient de maintenir l’unité de leurs fidèles. Sur le principe, Wang n’est pas opposé à parler de l’actualité durant les cultes, mais il craint que cela ne finisse par avoir un effet négatif.

La peur des divisions politiques et l’absence d’engagement "américain"

Le contraste est frappant avec les églises américaines où il est considéré comme normal que le pasteur parle de l’actualité, voire que des débats politiques soient organisés dans les églises ou que des pasteurs soient candidats à des élections voire soutiennent ouvertement des candidats. En 2020, 41 % des congrégations évangéliques ont mentionné que leurs pasteurs avaient parlé du racisme dans leurs sermons, 71 % qu’ils avaient abordé le sujet des élections, et 82 % qu’ils avaient parlé de la pandémie. Rien de tel dans les congrégations chinoises, et cette exception s’explique par le fait que les opinions politiques dans ces églises sont davantage divisées que dans les églises américaines. 

À l’occasion d’un sondage de Lifeway Research publié en novembre 2022, 50 % des protestants pratiquants américains ont répondu qu’ils préféreraient fréquenter une église où l’on partage les mêmes opinions politiques qu’eux tandis que 55 % des sondés ont déclaré qu’ils étaient dans des congrégations politiquement proches d’eux. Les Chinois ont moins le choix de la diversité des églises et préfèrent garder le silence, car des désaccords importants existent entre eux. Ils viennent de Taïwan ou de la Chine continentale, sont divisés sur l’annexion de l’île, soutiennent ou non le gouvernement communiste, a constaté le sociologue des religions Fenggang Yang en 1999. Il interviewait alors des chrétiens venus de cette région du monde à l’occasion de ses recherches pour son ouvrage sur la diaspora chinoise de confession chrétienne, "Chinese Christians in America: Conversion, Assimilation, and Adhesive Identities". Deux décennies plus tard, rien n’a changé, observe Yang qui raconte que lorsque qu’un "a simplement prié pour la situation à Hong Kong, des membres s’en sont immédiatement plaints après le service". Pour éviter les disputes, les pasteurs préfèrent prier pour la paix sans donner de détails, souligne Yang. 

Parmi les autres explications, celle de l’absence d’investissement affectif et linguistique dans le contexte américain. Ils sont « moins susceptibles d’être autant connectés aux nouvelles américaines que les Américains d’origine », selon le pasteur Andrew Ong, dans la baie de San Francisco. Le manque de maîtrise de l’anglais et la présence de leurs familles en Chine ou à Taïwan font qu’ils s’intéressent peu à l’actualité américaine.

Cependant, les générations nées aux États-Unis se sentent plus concernées par ce pays que par ceux d’origine de leurs parents, et les élections de 2020 ont été l’occasion de voir une division entre les pro-Trump et les pro-Biden dans cette communauté.

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ XiXinXing

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