Les théories du complot sont-elles bibliques ?

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Les théories du complot existent depuis toujours, il est tentant de considérer qu’un événement ou des circonstances problématiques puissent s’expliquer par un complot secret perpétré par des conspirateurs puissants. Ces derniers temps, on observe que les théories du complot se généralisent aussi du côté des chrétiens. 

Pour Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch qui alerte sur ce phénomène depuis plusieurs années, il s’agit d’une « pathologie de la démocratie ». Dans un entretien pour le quotidien La Croix, il appelle la société à prendre la mesure de ce qu’il considère comme un véritable « fléau ».

Un étude  de Lifeway Research publiée le 26 janvier 2021 rapporte que près de la moitié des pasteurs américains entendent des théories du complot dans leur église.

Sur le site Evangelical Focus, Pier Francesco Abortivi, chrétien italien, s’intéresse également à ce phénomène au sein de l’église, il tente de l’expliquer et surtout de l’explorer d’un point de vue biblique dans un papier intitulé : Les théories du complot sont-elles bibliques ?

Selon lui, l’Église connaît aujourd’hui une « réelle division » avec d’un côté, ceux qui diffusent les théories du complot et de l’autre, ceux qui considèrent ces théories « comme le fruit d’une certaine ignorance ». Le principal canal de diffusion étant les réseaux sociaux. Pier Francesco Abortivi souligne qu’il est justement particulièrement difficile d’avoir « des discussions constructives et calmes sur les réseaux sociaux ».

Les réseaux sociaux produisent également un autre problème, un mécanisme créé par des plateformes comme Facebook, par lequel toutes les actualités, informations et publications présentées sur nos écrans, tendent à confirmer des préconceptions déjà bien établies. Il en résulte des personnes toujours plus convaincues d’avoir raison et une église partisane et divisée, même « sur des questions non fondamentales ».

Mais venons-en au fait, les théories du complot sont-elles un concept biblique?

Il cite d’abord quelques exemples de conspirations dans la Bible (Néhémie 6 et Matthieu 28). Il s’agit de deux passages qui montrent des mensonges visant à discréditer les juifs ou maintenir un contrôle religieux sur eux.

Il évoque également l’incendie de Rome attribué aux chrétiens par Néron, une thèse encore soutenue par certains historiens aujourd’hui. Ainsi que le texte antisémite « Les Protocoles des Sages de Sion », écrit au début du XXe siècle en Russie qui dénonce un prétendu plan judéo-franc-maçon pour conquérir le monde. Une théorie qui s’est immédiatement avérée fausse, mais qui a été utilisée pendant des décennies dans les cercles fascistes et néo-fascistes pour justifier la persécution antisémite.

Les théories du complot chez les chrétiens

Pier Francesco Abortivi définit la théorie du complot selon la définition de Wired, « Une explication alternative infondée et profondément ancrée sur la façon dont les choses se passent, invoquant souvent une force obscure et malveillante préparant la dissimulation. »

Une définition qu’il apprécie car elle indique pourquoi « tant de croyants, même matures peuvent être pris dans le ‘zèle du complot' ».

Parce qu’en tant que chrétiens, « nous vivons notre foi comme une alternative à ce monde » il peut être facile de se considérer parmi les quelques individus qui « possèdent la vérité ». Ici, l’auteur ne parle pas de la vérité liée à la Bible ou au Christ mais plutôt, à un sens absolu de vérité sur tous les sujets. Le risque étant de créer une culture anti-scientifique et anti-autorité qui n’a rien à voir avec l’amour de la vérité et la soumission à l’autorité que la Bible nous enseigne dans tant de passages.

L’auteur ajoute que la conspiration et les généralisations se rejoignent souvent, créant des « simplifications excessives qui ne parviennent pas à expliquer la réalité de ce qui se passe autour de nous, qui est généralement plus complexe que nous ne le souhaiterions ».

Parce que notre foi « doit être forte et militante », nous sommes appelés à proclamer de manière radicale ce que nous croyons (évangélisation). Et il va sans dire que nous croyons à l’existence d’une force dominante sombre qui veut, en quelque sorte,  contrôler le monde: le prince du mensonge. L’auteur estime qu’effectivement, mis bout à bout, ces éléments montrent combien il peut être facile pour les chrétiens de passer de « Je crois en Christ » à « Je crois en telle ou telle théorie ».

Il est certainement légitime de croire qu’il y a des gens qui se rassemblent pour planifier des complots maléfiques contre d’autres personnes, en fait c’est une réalité qui a toujours existé à la fois bibliquement et historiquement. Pier Francesco Abortivi évoque à ce propos le Psaume 83 qui dit que les hommes méchants complotent contre ceux que Dieu protège.

L’erreur d’après lui, consiste cependant à penser que ces complots ne seront jamais dévoilés et qu’ils réussiront toujours, ce qui exclut de l’équation la protection et la souveraineté de Dieu.

Il cite Benjamin Franklin, qui disait que « trois peuvent garder un secret, si deux d’entre eux sont morts ». Ce qui signifie que les complots restent rarement dans le secret et finissent par être dévoilés.

« Notre Dieu est souverain et nous protège » ajoute l’auteur en évoquant la Bible. Il est écrit dans Proverbes 11:21 : « Les méchants ne resteront pas impunis, mais ceux qui sont justes seront libérés. » et dans Proverbes 24: 19-22 : « Ne vous inquiétez pas à cause des méchants et ne soyez pas envieux des méchants, car le méchant n’a aucun espoir futur, et la lampe des méchants sera éteinte. Craignez le Seigneur et le roi, mon fils, et ne vous joignez pas aux fonctionnaires rebelles, car ces deux-là enverront une destruction soudaine sur eux, et qui sait quelles calamités ils peuvent apporter ? ».

Pourquoi les chrétiens ont-ils tendance à croire aux théories du complot ?

Alors, qu’est-ce qui peut pousser de nombreux chrétiens à adopter des théories parfois plausibles, mais dans d’autres cas, résolument fantaisistes ? Pier Francesco Abortivi distingue au moins cinq aspects généraux qui amènent les chrétiens à croire aux théories du complot :

1. Besoin de justice. En tant que croyants, nous désirons une plus grande justice sociale et un monde qui suit la volonté de Dieu dans le domaine moral. Le choc avec notre réalité corrompue des choses peut nous conduire à embrasser des croisades qui visent à « redresser » les choses en utilisant les armes de la lutte politique ou de la violence verbale sur les réseaux sociaux, plutôt que des armes spirituelles.

2. Peu de discernement. Nous faisons confiance à des sources non vérifiées ou à des personnes peu fiables. Cela peut arriver non seulement à des personnes peu instruites, mais aussi à celles qui sont qualifiées et matures, car les problèmes sont souvent en fait complexes et notre attrait naturel pour la schématisation nous amène à accepter des explications faciles.

3. Surestimation de nos capacités. L’humilité est un excellent antidote à la présomption d’omniscience, et les croyants ne sont pas plus intelligents que le reste du monde simplement parce qu’ils croient en Dieu. Nous pouvons certainement avoir un plus grand discernement spirituel que le reste du monde, mais seulement si nous sommes enracinés dans la parole de Dieu, si nous écoutons la voix du Saint-Esprit en nous.

4. Mentalité de siège. En tant que chrétiens, nous sommes à contre courant de la société. Cela amène parfois à se méfier de tout et de tout le monde et en particulier de tout ce qui est officiellement imposé d’en haut. Ce qui peut nous amener à vivre dans un état de peur et de suspicion.

5. La Peur. Le manque de contrôle sur la réalité environnante produit de l’anxiété. Cela est encore plus vrai en période de transformation et de crise comme celle que nous traversons. Les théories du complot sont une réponse simple à un besoin légitime de sécurité intérieure. Une fois que nous identifions un ennemi, nous trouvons une paix temporaire dans le fait que nous pouvons garder un œil sur lui.

Conclusion

Pier Francesco Abortivi conclut que si les Écritures nous invitent à prêter attention à ce qu’il se passe autour de nous et à surveiller les complots de l’ennemi, notre lutte « n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. » (Éphésiens 6:12)

Il estime également qu’il y a toujours eu des groupes de personnes qui cherchent à contrôler, manipuler, diriger des peuples ou des communautés afin d’obtenir de l’argent, du pouvoir, de la renommée (voir Psaume 35: 19-20), mais  que derrière chaque plan pervers, il y a le vrai ennemi, que la parole de Dieu décrit comme un ennemi spirituel. C’est pourquoi nous devons le combattre avec des armes spirituelles, par la prière avant tout, nous dit Pier Francesco Abortivi.

Il ajoute que réduire notre vie chrétienne à l’effort politique est un manque de foi qui nous pousse à mettre notre confiance en notre force personnelle ou collective. Et cela est vrai, d’après lui, même lorsque nous le faisons au nom de Dieu ou au nom de la morale chrétienne. Le problème étant que cela produit un mauvais conseiller : la peur.

De plus, nous sommes appelés à évangéliser et non à moraliser nous rappelle l’auteur de ce plaidoyer. 

Il ne s’agit pas pour autant de porter un message uniquement centré sur la paix et l’amour affirme-t-il, mais de vivre pleinement le message de l’Évangile, qui n’est révolutionnaire que lorsqu’il renverse les valeurs de ce monde dont la plus importante est : le bien de mon prochain passe avant le mien.

Camille Westphal Perrier

Article initialement publié le 1er février 2021


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