Mariages forcés en Afghanistan, femmes et fillettes doivent subir, fuir ou mourir

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En 2013, la mort de fillettes afghanes mariées de force était relayée par Mustafa Kazemi correspondant de guerre en Afghanistan. En 2015, la situation n’a pas changé pour ces jeunes femmes afghanes. Certaines ont pu fuir leur pays pour dénoncer ces abus ou vivre dans des pays où elles ne craignent pas d’être tuées par leur mari ou leur propre famille musulmane.

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En Suisse, une femme afghane est réfugiée avec ses deux enfants. Elle a fui son mari, son mariage forcé, son pays et sa famille afin que sa fille ne subisse pas le même sort qu’elle. «J’ai quitté l’Afghanistan pour que ma fille puisse avoir accès à l’éducation», souligne cette mère de famille illettrée qui n’a jamais fréquenté l’école. Après une enfance vécue dans l’insouciance et un apparent bonheur, à l’âge de 9 ans elle peut être mariée ! Fini les jeux d’enfant, elle vit recluse dans la maison avec sa mère. Trois ans plus tard, ses parents sont obligés de la marier à un homme âgé de 24 ans.

Si ces mariages forcés peuvent être considérés comme une traite humaine, les fillettes sont vendues à leur futur mari, dans le cas d’Alina Alizada la famille est obligée de céder face à la menace d’hommes armés.  A 14 ans, elle donne naissance à sa fille. Devant le refus de son mari à sa demande de scolariser l’enfant, elle prend la décision de partir. La jeune femme de 18 ans, avec ses deux enfants, son fils vient de naître, prend le chemin de la Suisse en passant par l’Iran et la Grèce. Elle est installée à Nyon et a obtenu en août 2015 un titre de séjour long (permis B).

Malgré la distance, venant en Suisse, son mari a essayé de la reprendre sans y arriver. Et maintenant sa sœur qui a refusé d’être mariée de force se trouve aussi en Suisse. Après avoir subi la pression familiale, avoir été blessée au couteau pour son refus d’être mariée à un homme de 48 ans, enceinte et donc risquant d’être lapidée en public, elle est partie pour vivre avec l’homme qu’elle aime. 18 mois d’errance, pour ce jeune couple avec un bébé avant d’arriver en Suisse et de pouvoir rencontrer sa sœur ainée.

Si dans certains pays musulmans, les droits des femmes sont mieux respectés, dans beaucoup de pays où l’islam s’est radicalisé, la promotion de la pédophilie et du viol via des fatwas, conformes à la charia, autorisant le mariage des fillettes à partir de 8 ans est toujours d’actualité. Certains musulmans éclairés essayent de s’opposer à de tels comportements considérant la femme comme un objet, comme un animal qui appartient à son mari.Si des femmes ont eu le courage et la possibilité de partir ainsi, d’autres subissent.

Des fillettes sont mortes sur leur lit de noces, comme cette fillette de 8 ans dont le correspondant de guerre Mustafa Kazemi a relaté l’histoire. Morte dans d’abominables souffrances pour assouvir les instincts bestiaux d’un mollah de 50 ans à qui elle a été vendue. Le jour suivant la publication du récit par Mustafa Kazemi sur son mur Facebook, les législateurs afghans bloquèrent une proposition de loi sur « l’élimination de la violence contre les femmes ». Celle-ci aurait permis de pénaliser le mariage avec des fillettes de 8-9 ans et de relever l’âge légal du mariage à 16 ans. Pour ces législateurs, cette proposition de loi sur le droit des femmes était anti-islamique, anti-charia. Dès lors, il était inutile d’en discuter.

« Je lui ai demandé: comment peux-tu vendre ta fille? Elle m’a répondu que c’était une tradition ». Sonita Alisadeh

A 18 ans, une afghane Sonita Alizadeh est devenue le symbole de cette lutte contre les mariages forcés. Elle a eu la chance de pouvoir séjourner en Iran où, adolescente, elle a créé un clip vidéo dénonçant ces actes de barbaries. Alors que ses parents ont tenté de la marier de force deux fois de suite, la jeune femme a réussi à échapper à son destin et cartonne sur YouTube, avec son tube « Brides for sale » (« Mariées à vendre »).

A 16 ans, pour la deuxième fois, sa famille veut essayer de la marier de force, la vendre à un homme pour 9000 dollars. Terrorisée par cette décision, elle s’oppose à ses parents, à sa mère en particulier :

« Je lui ai demandé: comment peux-tu vendre ta fille? Elle m’a répondu que c’était une tradition ». Une tradition qui a la peau dure en Afghanistan, où les talibans appliquent la loi ultra rigoriste de la charia.

Sonita décide alors d’exprimer sa colère dans une chanson qu’elle publie sur YouTube. Elle murmure :

« Laissez-moi vous murmurer mes mots, pour que personne ne m’entende parler de la vente de vos filles. On ne doit pas entendre ma voix, car elle est contre la charia. Les femmes doivent rester silencieuses, c’est la tradition de notre ville.» pour finir par hurler afin de « combler le silence des femmes. Je crie pour un corps épuisé et enfermé dans sa cage. Peut-être que la fuite et le suicide sont terriblement stupides. Mais que faire quand on n’a pas de soutien ? Je souhaite que vous sachiez que les femmes ne sont pas à vendre ».

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Suite à cette vidéo, des milliers de personnes vont l’encourager et se mobiliser. Une organisation va prendre contact avec elle. Et sans rien dire à sa famille, elle obtient un visa pour les Etats Unis où elle arrive en janvier 2015. Elle étudie maintenant sur le campus de la « Wasatch Academy » dans l’Utah.

Le 9 octobre 2015, elle était invitée au « Women in the World summit » de Londres et lors d’une conférence, elle est revenue sur son histoire et sur le sort réservé aux filles en Afghanistan. « Dans mon pays, une bonne fille doit se taire, ne doit pas parler de son avenir, et écouter sa famille même si on lui dit d’épouser untel ou untel. Une bonne fille est comme un chien avec lequel on joue », explique-t-elle.

Selon l’ONU, 15% des Afghanes sont mariées avant l’âge de 15 ans, une tradition illégale. De tous les mariages organisés dans le pays, entre 60 et 80% sont en réalité forcés. Un rapport de Human Rights Watch, basé sur les statistiques fournies par le Ministère de l’Intérieur afghan, signale que 600 femmes, victimes d’abus sexuels et de violence domestique, ont été accusées de « crimes moraux », pour avoir essayé d’échapper à leurs bourreaux et condamnées à la prison. Des actes de barbaries contre les femmes sont encore courants en Afghanistan et dans d’autres pays où la charia est appliquée. Une des dernières chansons de Sonita rend d’ailleurs hommage à Farkhunda, une jeune femme de 27 ans battue à mort à Kaboul en mars 2015.

Un jour, elle pense retourner dans son pays et faire du rap pour défendre le droit des femmes. Elle sait qu’il est dangereux d’être une femme militante dans un pays profondément conservateur, mais, dit-elle,

« mon pays a besoin d’une personne comme moi ». « Ma famille, ils ont changé d’avis », dit Sonita. « Si je peux changer leurs esprits avec ma musique, alors peut-être que je peux changer le monde »

Nathanaël Bechdolff

Source : 24heures (Suisse) et End Child Marriage

Un film documentaire Sonita a été réalisé par l’iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami, voir la bande-annonce du film ici.


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