Multiplication des agressions contre les chrétiens en Israël par des juifs ultra-orthodoxes

Multiplication des agressions contre les chrétiens en Israël par les juifs ultra-orthodoxes

Insultes, profanations de lieux chrétiens, crachats en direction des chrétiens, les violences de juifs ultra-orthodoxes à destination de ces derniers sont devenues un vrai phénomène de société en quelques mois et ne relèvent plus des faits divers. Un colloque intitulé “Pourquoi certains juifs crachent-ils sur les gentils ?” s’est tenu la semaine dernière, au cours duquel des Israéliens juifs ont dénoncé ces attaques.

“Si vous êtes un chrétien vivant au Moyen-Orient, il n’y a qu’un seul endroit où vous serez en sécurité. Il n’y a qu’un seul endroit où la communauté chrétienne est prospère, florissante, croissante. Cet endroit, c’est l’État d’Israël.”

C’étaient là les mots du Premier ministre Benjamin devant les sionistes chrétiens de Rio de Janeiro en décembre 2018, rappelle le Times of Israel dans son édition du 2 avril 2023.

Il existe un choc des images entre les discours et la réalité de la rue, souligne le quotidien israélien qui rappelle que le compte officiel d’Israël sur Twitter montrait le chef du bureau de la diplomatie numérique au sein du ministère des Affaires étrangères, David Saranga, en train de faire “une promenade magique de Noël” dans la Vieille Ville de Jérusalem peu avant les fêtes de l’an dernier, alors que les actes d’hostilités se multiplient à l’encontre des chrétiens dans le pays qui se heurtent à l’apathie des autorités.

Une accumulation des agressions

Le mois précédent la promenade de Saranga, en novembre, deux soldats israéliens avaient été arrêtés pour avoir craché sur l’archevêque de l’Église arménienne et deux autres pèlerins durant une procession. Quelques jours après Noël, début janvier, la police avait arrêté deux adolescents juifs qui avaient endommagé des tombes dans le cimetière protestant sur le mont Sion. Fin avril, un juif a attaqué des prêtres avec une barre de fer au tombeau de la Vierge Marie à Gethsémané.

Les crachats ne sont pas récents et datent de plusieurs décennies, mais ils se multiplient comme en témoignait déjà le Frère Nikodemus, un moine bénédiction, dans La Croix en 2014 concernant les agressions près du Cénacle, où eut lieu la dernière cène du Christ et de ses disciples :

“crachats et insultes sur notre passage sont quotidiens.”

À côté de ce témoignage de Frère Nikodemus, La Croix mentionne la profanation de tombes dans un cimetière attenant au monastère en octobre 2013, ainsi que l’inscription en mai de la même année des mots “Jésus est un singe” et la dégradation de plusieurs véhicules en mai de la même année.

De nombreuses agressions sont médiatisées, mais bien d’autres passent sous les radars, comme celle à l’encontre d’un prêtre handicapé qui a essuyé des crachats de deux jeunes juifs. Cela est dû au fait que “la police tente de dépeindre chaque agression comme un événement isolé, [...] de dépeindre les attaquants comme psychiquement instables”, selon Amir Dan, porte-parole du supérieur majeur franciscain en Terre sainte.

Néanmoins, les agressions ont fait l’objet d’assez de gros titres pour que le problème de société soit médiatiquement considéré comme tel, notamment après l’émeute du 28 mai. Ce jour-là, des juifs orthodoxes s’en sont pris à des centaines de touristes évangéliques américains venus prier près du mur des Lamentations, les accusant de vouloir convertir les juifs, alors même que ce n’était pas le but de leur séjour.

Si la question du supposé prosélytisme en l’espèce est à distinguer de celle de la simple présence chrétienne historique en Israël, les diverses manifestations et violences à l’encontre des personnes et des biens relèvent de la même idée, celle de l’extranéité du christianisme et d’une vision des chrétiens comme des ennemis à travers le temps.

Fin mars, des centaines d’enfants des écoles catholiques de Jérusalem ont participé au traditionnel défilé le long de la Via Dolorosa, comme ils le font chaque année pendant les 40 jours du carême. Cette fois-ci, ils arboraient tous un foulard rouge avec l’image d’une statue du Christ qu’avait brisée en février un touriste juif américain dans l’église de la Flagellation, la deuxième station du chemin de croix.

Les élèves étaient accompagnés par les deux religieux catholiques les plus influents de la région, le patriarche Pierbattista Pizzaballa et le supérieur majeur de Terre sainte, Francesco Patton. Prenant la parole, ce dernier a dénoncé non seulement cette profanation, mais les violences en général :

“Nous sommes horrifiés et nous sommes blessés par les nombreux incidents de violence et de haine qui ont récemment pris pour cible la communauté catholique en Israël. Nous attendons du gouvernement israélien et de la police qu’ils agissent de manière déterminée pour s’attaquer à ce phénomène grave, et nous leur demandons instamment de le faire.”

De son côté, le Père Matthieu, secrétaire du patriarche grec orthodoxe Theophilus III, a fait part au Times of Israel de son absence d’espoir :

“Rien ne changera, avant que quelqu’un ne se fasse tuer.”

Un colloque tenu par des juifs israéliens pour dénoncer les violences anti-chrétiennes

Le 16 juin dernier, s’est tenu à Jérusalem un colloque intitulé “Pourquoi certains juifs crachent-ils sur les gentils ?” [les non-juifs, NDLR]. Devant une assistance comptant de nombreux religieux chrétiens en tenue écclésiastique, des universitaires juifs israéliens ont tenté d’alerter l’opinion publique sur la hausse des violences.

Lors de cette réunion, Yonatan Moss, professeur de religions comparées à l’université hébraïque de Jérusalem a d’abord fait le constat d’une augmentation de nombre de crachats de juifs sur les chrétiens, avant d’affirmer qu’il s’agit d’une inversion des rapports entre les deux communautés au Moyen ge, mais que rien dans la loi juive ne justifie de tels comportements :

“Mais voici que, devant nos yeux, la table est en train de tourner et que les victimes deviennent les bourreaux. La multiplication de ces actes s’accompagne de la passivité des autorités: nous souhaitons agir pour aider à changer la vie quotidienne des chrétiens à Jérusalem.”

Les autorités de Jérusalem n’ont d’ailleurs pas manifesté de sympathie à l’égard du colloque qui, initialement prévu dans le Musée de la tour de David, a dû être déplacé vers le séminaire du patriarcat arménien, un peu plus loin, en raison de pressions politiques à l’initiative d’Arieh King, un des sept vice-maire de la municipalité, déjà à la tête de la manifestation du 28 mai.

Durant le colloque ont été projetées des images de juifs de tous âges, des deux sexes, seuls ou en famille, en train de cracher en direction des religieux chrétiens. Des agressions condamnées même par des hauts responsables juifs comme le rabbin sépharade Shlomo Amar qui, s’il n’a pas participé au colloque, s’est exprimé sur le sujet après les manifestations contre les touristes évangéliques :

“Nous avons été désolés d’apprendre par des religieux non-juifs qu’un certain nombre de jeunes Juifs et certains qui prétendent craindre Dieu les persécutent avec des malédictions, des blasphèmes et plus encore, alors qu’ils marchent dans les rues de la ville. Il ne fait aucun doute que ce sont des personnes irresponsables, qui ne respectent pas du tout la Torah et ses voies, qui ont agi de la sorte. Nous annonçons qu’un tel comportement est strictement interdit.”

Les organisateurs de la conférence ont mis en place une ligne téléphonique et un site Internet, le Religious Freedom Data Center pour répertorier les cas d’agressions afin de les signaler. Un avocat a rappelé que la justice condamne ces comportements s’ils sont prouvés et qu’une enquête aboutit à une mise en examen.

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock / Nina Mikryukova

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