Pakistan : instrumentalisation des lois sur le blasphème, les minorités religieuses en première ligne

Pakistan  instrumentalisation des lois sur le blasphème, les minorités religieuses en première ligne

En 2024, le Pakistan a connu un nombre sans précédent d'accusations de blasphème, selon un rapport du Center for Social Justice. Les minorités religieuses, dont les chrétiens, continuent de subir de graves atteintes à leurs droits, entre accusations infondées, violences extrajudiciaires, conversions forcées et discriminations institutionnalisées.

Un rapport publié par le Center for Social Justice (CSJ), relayé par Morning Star News, révèle qu’en 2024, le Pakistan a enregistré un nombre record de 344 nouveaux cas de blasphème. Ce chiffre illustre une utilisation accrue des lois sur le blasphème, souvent dénoncées pour leur usage abusif.

Selon le rapport annuel Human Rights Observer, 70 % des personnes accusées sont musulmanes, 14 % sont issues de la communauté ahmadie, 9 % hindoues et 6 % chrétiennes.

La section 298-A, qui punit l’irrespect envers des figures religieuses de l’islam, a été la plus utilisée avec 128 personnes inculpées. Viennent ensuite la section 295-A (atteinte aux sentiments religieux) avec 106 cas, et la section 298-C, qui vise spécifiquement la communauté ahmadie, avec 69 inculpés. Les sections 295-B (profanation du Coran) et 295-C (insultes envers le prophète Mahomet) ont été invoquées dans 62 cas.

La province du Pendjab concentre 62 % des cas, suivie du Sindh (30 %), du Khyber Pakhtunkhwa (5 %), d’Azad Jammu-et-Cachemire (2 %) et de Gilgit-Baltistan (1 %). Parmi les districts les plus touchés figurent Tharparkar (Sindh) avec 35 cas, Sheikhupura (Pendjab) avec 32, Lahore avec 28, Rawalpindi avec 13 et Larkana avec 11.

Dix personnes accusées de blasphèmes assassinées

En 2024, dix personnes accusées de blasphème ont été tuées de manière extrajudiciaire par des individus ou des foules, dont six dans la province du Pendjab. Depuis 1994, 104 personnes ont été tuées à la suite d’accusations de blasphème, dont 26 chrétiens, 67 musulmans, 7 ahmadis, 1 hindou, 1 bouddhiste, et deux dont la religion est inconnue. Le Pendjab concentre 69 % de ces meurtres.

Le rapport souligne également la question des conversions forcées de jeunes filles issues des minorités religieuses. Entre janvier 2021 et décembre 2024, 421 cas ont été recensés, dont 282 hindoues, 137 chrétiennes et 2 sikhes. 71 % des victimes étaient mineures. La majorité des cas ont eu lieu dans la province du Sindh (69 %), suivie du Pendjab (30 %).

Par ailleurs, le CSJ dénonce des politiques pénitentiaires discriminatoires : les détenus issus des minorités religieuses sont privés des remises de peine accordées aux musulmans. Les manuels scolaires continuent également de promouvoir un contenu religieux islamique dans des matières non religieuses, ce qui affecte l’égalité des droits des élèves issus des minorités.

Le rapport signale enfin que malgré l’introduction du projet de loi sur la Commission nationale pour les minorités en 2025, peu de progrès ont été faits. Sur 186 projets de loi présentés au parlement, seuls 23 concernaient les droits humains, et un seul portait sur les minorités.

Selon l’ONG Portes Ouvertes, le Pakistan est classé 8e dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2025. Elle affirme que "les chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde classe et subissent de plein fouet les lois antiblasphème".

Camille Westphal Perrier


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