Pakistan : la Cour suprême acquitte un chrétien condamné à mort depuis 23 ans pour blasphème

Pakistan la Cour suprême acquitte un chrétien condamné à mort depuis 23 ans pour blasphème

Après plus de vingt ans passés dans le couloir de la mort pour blasphème, Anwar Kenneth, chrétien pakistanais de 72 ans, a été acquitté par la Cour suprême en raison de son état mental. Une décision rare dans un pays où les minorités religieuses sont particulièrement vulnérables aux lois sur le blasphème.

La Cour suprême du Pakistan a ordonné, mardi 25 juin, l’acquittement d’Anwar Kenneth, un chrétien condamné à mort en 2002 pour blasphème. Âgé de 72 ans, cet ancien cadre du département des pêches du Pendjab a passé 23 ans derrière les barreaux, bien que plusieurs rapports médicaux aient attesté de ses problèmes mentaux, selon Morning Star News.

L’avocat de Kenneth, Rana Abdul Hameed, a salué cette décision rendue par un collège de trois juges, malgré les pressions exercées par des avocats affiliés à des groupes islamistes. "C’est très regrettable qu’un homme âgé ait été emprisonné pendant plus de deux décennies en dépit de sa santé mentale. Cette décision permettra de mettre en lumière la situation d’autres détenus dans des affaires similaires", a-t-il déclaré.

Anwar Kenneth avait été condamné pour avoir envoyé une lettre à des responsables religieux et diplomatiques, en 2021, dans laquelle il affirmait que les non-musulmans ne reconnaissent pas la prophétie de Mahomet. Il avait été jugé coupable au titre de l’article 295-C du code pénal pakistanais, qui prévoit la peine de mort pour tout blasphème contre le prophète de l’islam. Refusant tout avocat, Kenneth avait à l'époque déclaré que "Dieu était son défenseur".

En 2014, la Haute Cour de Lahore avait confirmé la sentence, bien qu’un conseil médical gouvernemental ait établi que l'accusé souffrait de troubles psychiatriques. Son appel est resté en suspens pendant des années. Ce n’est qu’en 2024 que la Cour suprême a sollicité l’avis du Conseil de l’idéologie islamique ainsi que de deux organismes chrétiens pour évaluer le contenu de la lettre.

Interrogé par Morning Star News en mars 2024, la soeur de Kenneth, Reshma Bibi décrivait son frère comme "un érudit de la Bible" qui "participait souvent à des discussions théologiques avec ses amis musulmans et des responsables religieux". "Il exprimait aussi ses convictions et ses valeurs chrétiennes par ses lettres, mais il n’a jamais manqué de respect envers une figure religieuse. C’est l’une de ces lettres qui a été utilisée pour le faire taire", avait-elle ajouté.

Ce cas relance le débat sur l’application controversée des lois sur le blasphème au Pakistan. Morning Star News révèle que le Center for Social Justice a recensé 344 nouvelles affaires de blasphème en 2024, dont seulement 6 % concernaient des chrétiens. Le rapport dénonce "l'instrumentalisation flagrante" de ces lois qui favorisent "la persécution, l’intolérance religieuse et de graves violations des droits humains".

Le Pakistan est classé 8e dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens publié par l’ONG Portes Ouvertes qui indique que "les chrétiens sont considérés comme des citoyens de seconde classe".

Camille Westphal Perrier

Crédit image : Morning Star News

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