Podcast « Les Fils d’Issacar » : Clichy sous-bois, les limites de la laïcité à la française

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Bonjour à tous, je suis Etienne OMNES, nous sommes samedi 18 novembre, et vous écoutez un épisode des Fils d’ Issacar, le podcast de commentaire chrétien de l’actualité.

L’actualité de la semaine repose sur un sujet qui est important pour notre société, mais carrément vital pour les évangéliques. Il s’agit du sujet de la laïcité, qui pour les protestants évangéliques ne signifie rien d’autre que « droit d’exister dans la société ». A cause des guerres de religion très sanglantes et des manœuvres politiques toujours renouvelées, il s’est fallu de peu que les protestants disparaissent complètement de la société française. Si la loi de 1905 a été une grande douleur pour les catholiques, elle a été en revanche une joie et un soulagement pour les protestants, et particulièrement les protestants évangéliques, qui enfin n’avaient plus à craindre que l’Etat ne vienne mettre son nez dans la gestion des religions en France. Sauf que l’arrivée de l’Islam sur la scène public manque de rompre ce fragile équilibre.

Clichy sous-bois : les limites de la laïcité à la française

Tout a commencé à Clichy sous Bois : la communauté musulmane de Clichy bénéficiait là bas d’un bâtiment fourni par la mairie dont le bail est arrivé à terme en février dernier. Les élections municipales étant passées, le nouveau maire de Clichy, René Muzeau des Républicains, a mis fin au bail de la rue Estienne-d’Orves, a récupéré le bâtiment pour en faire une médiathèque. A la place, il a mis à disposition une autre salle, avec un bail de 99 ans, ce qui fait des associations cultuelles musulmanes des quasi-propriétaires de cette nouvelle salle de prière.

Problème : ils ne sont pas satisfaits de la salle, soulignant notamment qu’elle est trop petite et mal placée. En signe de protestation, les musulmans de cette ville font donc leur prière du vendredi dans la rue, toutes les semaines depuis huit mois, afin de faire pression sur les élus.

Vendredi dernier, les choses se sont passées différemment : une contre-manifestation d’une centaine d’élus républicains a gêné le déroulement de cette prière. Vu le profil des manifestants – députés, élus etc…- l’affaire a évidemment fait les gros titres, non sans tensions énormes sur le moment. A l’heure où j’écris ces lignes, l’Union des Associations Musulmanes de Clichy (UAMC) a déposé plainte contre X pour violences aggravées, et contre le maire pour diffamations et incitations à la haine raciale – la plainte habituelle quand on les critique.

Il n’y a pas que les musulmans qui ont été mis en valeur : des associations comme Force Laïque – un groupement d’athées militant – en ont profité pour semer la confusion sur le véritable sens de la laïcité, disant en substance que toute manifestation religieuse dans l’espace public est illégale et illégitime, comme si la laïcité était l’athéisme d’état. A ceux-là, je suggère que puisqu’ils en sont à vouloir effacer toutes marques du fait religieux du paysage, pourquoi n’abattent-t-ils pas tous les platanes de France ? Les arbres sont objets de culte chez les païens, qu’ils suppriment donc tous les arbres !

Depuis les efforts du CNEF et le succès de la campagne « Libre de le dire », nous savons largement en tant qu’évangélique que cette laïcité synonyme d’athéisme n’est pas celle de la loi de 1905, qui règlemente aujourd’hui notre vie religieuse. Le but de 1905 n’était pas de supprimer la religion de l’espace public, mais de supprimer l’intervention de la force publique dans l’espace religieux. Elle est une protection des religions contre l’Etat, en échange d’une neutralité religieuse de celui-ci. Neutralité religieuse, qui je le souligne, ne s’étend pas, ne peut pas s’étendre à l’espace public –rue, place, écoles…-.

Ainsi la loi de 1905 dit :

La République garantit le libre exercice des cultes. – Article 1

La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. – Article 2

En tant qu’évangéliques, nous avons une forte tradition d’indépendance complète vis-à-vis de l’Etat, et nous préférons la liberté à la sécurité financière. Aussi cette loi, qui est bien sûr perfectible et qui parfois nous gêne, reste quelque chose auquel nous sommes attachés… tant que laïcité n’est pas synonyme d’athéisme d’état, encore une fois. Elle est le meilleur compromis possible ici-bas sur les paroles de Jésus :

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »

Mais cette compréhension équilibrée est remise en cause par l’arrivée sur la scène religieuse française de l’Islam, qui n’a pas cette compréhension de distinction entre religion et Etat. Ce ne serait pas un problème aussi lourd si certains maires n’avaient pas décidés de comprendre très étroitement « la République ne subventionne aucun culte ». Comment qualifier, en effet, un maire qui donne un bail très avantageux à une association cultuelle musulmane ? J’attends de voir le jour où le maire d’une grosse ville donnera un bail quasi gratuit de 99 ans à une église évangélique…

Et à côté du laxisme, il y a des maires qui interprète trop largement le « ne reconnait ni ne subventionne aucun culte ».  Le CNEF relaie régulièrement des histoires de maire qui refusent des implantations d’églises évangéliques, de peur de devoir autoriser par la suite un lieu de culte musulman, même s’il n’y a aucun musulman dans cette ville.

A Clichy, le maire semble plutôt coupable d’avoir confondu affaires politiques et affaires religieuses, contre le principe même de laïcité. En intervenant aussi lourdement dans les affaires immobilières des musulmans de Clichy, il a transformé un acteur religieux en un acteur politique, et il s’étonne de voir à présent les religieux faire une démarche politique. Alors en retour,  il a convoqué un rassemblement politique qui dans l’esprit de certains avait une odeur religieuse. Vous trouvez ça confus ? Je crois bien que tout le monde a cette impression.

Dans les débats qui ont suivi, fidèles à la tradition française de nuance et de subtilité qui nous caractérise, deux camps monolithiques et s’insultant l’un l’autre se sont dégagés. D’un côté ceux qui voudraient supprimer la religion non seulement de l’état mais aussi de l’espace public, prêt à gravir les plus hautes montagnes pour desceller les croix qu’on a installé dessus. Pensons notamment à la croix de Ploërmel en Bretagne, dont des athées locaux ont enfin obtenu le descellement.

De l’autre, des partisans d’une permissivité complète de n’importe quelle expression religieuse dans l’espace public, même les plus invasives, même les plus revendicatives. C’est un problème quand on considère la théologie islamique et –osons le dire- leur missiologie. Contrairement au christianisme, l’islam se fixe pour but explicite de dominer l’espace public d’un pays afin d’y appliquer les commandements de Dieu, et ce genre de manifestation publique et de demandes continuelles de concessions font partie d’une certaine philosophie de la mission, qui à terme menace purement et simplement l’équilibre voire l’existences des autres religions en France.

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Dans de telles situations, la tentation est très souvent de faire de nouvelles lois, comme face au voile islamique en 2004, ou bien les propositions de loi contre le burkini l’année dernière. Cette tentation doit être combattue : Premièrement, elle renforce une tendance que nous avons déjà beaucoup trop dans notre société : moins nous avons de pouvoir, et plus nous faisons des lois. Loi que l’on renonce ensuite à appliquer par manque de moyens, ou tout simplement de courage. Ces nouvelles lois ne sont finalement qu’un festival de postures sans lendemains, qui décrédibilise à long terme l’autorité de l’état.

Deuxièmement, considérant le climat passionné et furieux de notre époque, c’est juste une très mauvaise idée que de vouloir changer l’équilibre religieux actuel. Soit nous obtiendrons un texte qui donnera la domination à l’Etat au détriment des religions, un athéisme d’état cette fois ci pleinement incorporé à la République… Ou alors nous obtiendrons un texte qui introduira une sorte de « tout le monde veut prendre sa place » sur la scène religieuse française, ou les évangéliques se retrouveraient très vite dominés soit par le catholicisme, soit par l’islam.

Plutôt que de dégainer de nouvelles lois qui seront liberticides, notre intérêt est plutôt de sauvegarder l’équilibre existant, aussi inconfortable soit-il. Les évangéliques restent ultra-minoritaires, et nous avons besoin à la fois d’avoir notre droit d’exister garanti par l’état, et à la fois d’avoir notre indépendance complète de l’état. C’est ce qui est actuellement acquis par la loi de 1905, lorsqu’elle est correctement interprétée.

Et nous devons en même temps nous garder des fausses interprétations. Vous allez finir par croire que je suis payé par le CNEF mais… ce que je viens d’exposer est la ligne du CNEF, et je ne vois aucune raison de ne pas les soutenir là-dessus.  Nous ne pouvons pas faire d’actions politiques ou spectaculaires comme les prières de rue, mais nous pouvons faire quelque chose  de beaucoup plus puissant : la prière. Avec votre permission, j’aimerais ouvrir le bal :

Seigneur, maintiens l’équilibre fragile dans notre pays, que personne ne domine sur personne.

Père, donne la sagesse à nos gouvernants, qu’ils dirigent et appliquent la laïcité avec justice et égalité.

Seigneur donne nous encore assez de paix pour que ton Royaume progresse.

Merci d’avoir écouté les Fils d’Issacar, si vous l’avez aimé, pensez à vous rendre sur notre page Facebook « Les Fils d’Issacar » et à vous abonner. Si vous l’avez apprécié, merci de le partager. Vous pouvez aussi me retrouver sur phileosophiablog.wordpress.com

Je vous donne rendez vous la semaine prochaine, pour un épisode présenté par Timothée Davi. Bonne semaine à tous.


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