Portes Ouvertes : retour sur 30 ans de persécution des chrétiens dans le monde

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L’ONG Portes Ouvertes, qui soutient les chrétiens persécutés à travers le monde, a présenté le 17 janvier son rapport global sur les violences et la discrimination subies par les chrétiens, notamment ces 30 dernières années.

C’est à la Maison d’Alsace, à Paris, que Portes Ouvertes a présenté son rapport qui sort chaque début d’année. L’Index destiné aux parlementaires, aux médias et au grand public, recense et analyse depuis 1993 l’évolution de la persécution dans le monde, pays par pays. À l’occasion de cet anniversaire tri décennal, l’ONG a non seulement abordé la situation de la dernière année, ainsi que les changements connus depuis 30 ans. Et ils ne sont globalement pas positifs.

Fondée en 1955 par Anne Van der Bijl, un Néerlandais plus connu sous le nom de Frère André, Portes Ouvertes se consacrait d’abord surtout à la persécution des chrétiens dans les pays communistes. Quelques années avant la chute de l’URSS, le régime soviétique a commencé à changer ses lois et a permis l’importation et l’impression d’exemplaires de la Bible. Après l’effondrement du rideau de fer, la préoccupation pour les chrétiens persécutés s’est déplacée vers le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique, des terrains moins connus que l’Europe communiste, obligeant l’ONG à repenser l’analyse des informations.

Une volonté de sérieux méthodologique pour atteindre une exigence académique

Cette réorientation a conduit Portes Ouvertes à développer son un outil d’analyse de la persécution. « Il fallait appréhender avec justesse la persécution dans de nombreuses autres cultures, avec des moteurs différents. C’est dans ce contexte qu’a été créé l’Index », explique l’organisation.

Plus de 4 000 personnes dans le monde sont impliquées dans sa confection, notamment en faisant remonter des données du terrain, sans distinction entre les dénominations chrétiennes protestantes traditionnelles et évangéliques, catholiques et orthodoxes.

Quatre périodes marquent l’évolution de l’Index. Les premiers rapports, de 1993 à 1998, reposaient sur la publication des questionnaires originels, annuels, avec des mises à jour ; ceux de 1999 à 2001 proposaient un questionnaire adapté, couplé avec des feuilles de calcul ; les suivants ont intégré des croisements entre les questionnaires du terrain et des analyses d’experts externes (2002-2012), la mise en place des sphères de vie (2013), l’augmentation du barème de points attribuables par question (2014 à 2016), et l’ajustement de la méthodologie ainsi que la réorganisation des questions quant aux sphères de vie.

Les sphères de vie regroupent les situations où les chrétiens rencontrent de l’hostilité (vie privée, vie familiale, vie sociale, vie civile, vie ecclésiale), par exemple le rejet de la famille, l’absence de liberté religieuse, de liberté de changer de religion, la discrimination dans l’accès à l’emploi ou à la santé, ou encore la liberté de culte.

Ces révisions régulières ont été motivées par le souci de « refléter le plus fidèlement possible la réalité de la persécution des chrétiens ». Cette préoccupation a conduit à revoir en profondeur de l’outil « afin d’accroître sa qualité académique, sa transparence et son objectivité », souligne l’ONG.

Cette méthodologie couplée à un vaste réseau de collaborateurs permet à Portes Ouvertes de rendre compte d’informations détaillées et précises « jusqu’au niveau du village, par exemple sur des faits de persécution qui n’ont pas de répercussion médiatique ».

30 ans d’évolutions sur le terrain

Cet Index qui porte sur les 50 pays les plus hostiles aux chrétiens voit régulièrement son classement modifié. Certains pays restent cependant toujours dans le groupe de tête, comme la Corée du Nord, la Somalie ou encore l’Afghanistan.

En trois décennies, certains noms de chrétiens ont été médiatisés au niveau mondial, et les gouvernements occidentaux ont fait pression sur les pays dont ils sont citoyens afin d’obtenir qu’ils ne soient pas exécutés. Les figures d’Asia Bibi, une Pakistanaise - condamnée à mort en 2009 à la suite d’une accusation de blasphème avant d’être libérée en 2019 et accueillie au Canada -, ou celle du pasteur iranien Youcef Nadarkhani – condamné à mort en 2010 pour apostasie sont les plus connus.

D’autres comme Slimane Bouhafs, condamné en Algérie pour « insulte envers l’islam et son prophète » sur Facebook ou Ramses Boules Hermina, un copte tué au couteau en Égypte le sont moins.

L’évolution de la persécution dans le monde musulman est à la hausse dans certains pays et à la baisse dans d’autres. Si des chrétiens sont attaqués par des civils en ֤Égypte, il convient de souligner que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a fait bombarder un camp de l’État islamique en Libye en 2015 après que les djihadistes eurent décapité 20 chrétiens coptes.

Sissi ne cesse d’affirmer que les chrétiens sont autant égyptiens que leurs compatriotes musulmans. Cette approche est à l’opposée de certaines des critiques formulées à l’endroit des chrétiens qui sont considérés comme étrangers dans leurs propres pays, par les autorités ou la société.

De 40 à 76 pays où la persécution est forte ou extrême

S’il y a des évolutions à l’intérieur des pays, par exemple le retour à une forte persécution en Chine, sous Xi Jinping, après des années de relative accalmie, ou le déploiement de l’hostilité envers les chrétiens jusqu’au niveau gouvernemental en Inde sous le pouvoir du BJP, parti nationaliste aryen, Portes Ouvertes en observe également dans le nombre de pays touchés.

« En trente ans, on est passé de 40 à 76 pays où la persécution des chrétiens est forte ou extrême », déplore l’ONG. Autre sujet d’inquiétude, elle souligne l’augmentation de plus de 25 % en trois décennies du score moyen des 50 pays les plus dangereux pour les chrétiens : la moyenne est aujourd’hui de 74 points alors que la persécution extrême se situe à 81 points.

Afrique subsaharienne, Asie centrale et Amérique latine

Cette extension géographique et cette augmentation du niveau de la persécution s’expliquent en grande partie par le djihadisme. Les islamistes frappent de plus en plus en Afrique, notamment subsaharienne : cette région ne comptait qu’un pays connaissant une persécution extrême en 1993, la Somalie - contre trois aujourd’hui -, deux avec une persécution très forte – actuellement 12 - et quatre avec une persécution forte – 11 selon le dernier index. Parmi les pays africains, 15 de ces pays ne sont entrés dans l’Index qu’à partir des années 2010, dont 12 surtout en raison de la persécution islamique.

En Asie centrale – sauf au Kirghizistan - et en Turquie, la persécution croît. Mais également sur des terres traditionnellement chrétiennes comme en Amérique latine où certains gouvernements se montrent hostiles aux chrétiens vus comme des dissidents – par exemple au Nicaragua où le président Daniel Ortega réprime la présence chrétienne. Portes Ouvertes constate également que des groupes criminels attaquent les chrétiens vus comme des obstacles à leurs activités : depuis 2019, la Colombie n’est plus le seul pays où ils s’en prennent aux chrétiens, il a été rejoint par le Mexique, Cuba et le Nicaragua.

L’ONG souligne que la pandémie du Covid-19 a été l’occasion de restreindre les libertés des chrétiens, par exemple au Qatar ou en Chine où toutes les églises n’ont pas été rouvertes à la levée des confinements.

Frère André est décédé le 27 septembre dernier à l’âge de 94 ans.

Jean Sarpédon


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