Le 20 novembre dernier, le Secours Catholique a publié son rapport annuel sur l’État de la pauvreté" en France. L’association alerte notamment sur l’appauvrissement presque contenu des ménages, la hausse des maladies impactant le niveau de vie et la précarité "aggravée" des personnes étrangères.
Depuis trente ans, le Secours Catholique publie son rapport statistique sur l’État de la pauvreté en France. En 1994, année du premier rapport, la lutte contre la pauvreté était érigée en "grande cause nationale". Pourtant, l’association constate qu’aujourd’hui, ce sujet ne bénéficie plus de la même attention. Ainsi, un document de l’Insee, publié en juillet dernier, annonçant un taux de pauvreté inédit depuis trente ans, n'a été que peu relayé, alors que plus de 650 000 personnes supplémentaires rentraient dans les critères de pauvreté.
Intitulé "30 ans de regard sur les pauvretés", le rapport 2025 met en lumière les grandes évolutions de la précarité en France. Cette année, il s'appuie sur un échantillon de 60 417 ménages accompagnés en 2024.
"Dans cette période de forte instabilité politique, où les logiques de court terme risquent de l’emporter, prendre du recul est plus que jamais nécessaire. Puisse ce rapport 'État de la pauvreté en France' y contribuer, par une connaissance mieux partagée des constats, au croisement des chiffres et du vécu de personnes concernées", ont écrit le président national Didier Duriez et la déléguée générale Adelaïde Bertrand, en introduction.
Intensification de la pauvreté
En dix points clés, le Secours Catholique retrace les grandes évolutions constatées ces trente dernières années. Entre 2017 et 2023, le taux d’extrême pauvreté a progressé de onze points. Ainsi, 74% des ménages rencontrés par l’association vivent sous ce seuil.
Les femmes et les enfants figurent parmi les plus touchés. Plus d’un adulte sur deux accueillis est une femme et ce sont les mères isolées qui sont particulièrement vulnérables : trois sur quatre vivent dans l’extrême pauvreté et 5% d'entre elles vivent dans la rue avec leurs enfants. Ces derniers restent d’ailleurs les premières victimes de la pauvreté parentale.
Le rapport souligne également l’augmentation significative des adultes de nationalité étrangères accueillis. Ils représentaient 20% des personnes reçues par l'association en 1994 et sont désormais 52,7% en 2024.
Enfin, les personnes souffrant de problèmes de santé, touchant des prestations liées à leur état physique ou vivant avec un handicap représentent 22,8% des personnes rencontrées en 2024, soit une augmentation de plus de sept points par rapport à 1999.
La précarité du logement, l’accès aux prestations sociales, les formes d’emploi ou encore le chômage font partie des nombreuses thématiques abordées dans ce document de plus de 150 pages.
Selon l'association, la société française doit affronter deux fléaux, celui de "l'indifférence" et de "l'impuissance" et doit lutter collectivement contre la pauvreté.
"Dans le combat contre la pauvreté, deux poisons guettent notre société : l’indifférence, fustigée par le pape François, quand l’idée progresse que les personnes en grande pauvreté n’en font pas assez pour s’en sortir ; l’impuissance, quand la persistance de la pauvreté aboutit à l’idée qu’on n’y pourrait rien. À l’heure où la stigmatisation et le fatalisme menacent de gagner, ce rapport factuel entend être une piqûre de rappel. Non pour désespérer, mais pour appeler à un sursaut. Parce que lutter contre la pauvreté n’est pas une utopie : c’est une question de choix collectif."
Les prochaines élections municipales de mars 2026 et l’élection présidentielle de 2027 seront, selon l'association, "un moment clé" pour déterminer la place accordée à la solidarité envers les plus vulnérables.
Mélanie Boukorras