
Samedi 4 octobre, une marche en soutiens au gouvernement malgache et une marche contestataire se sont tenues à Antananarivo. Les manifestants demandant le départ du président Andry Rajoelina étaient plus nombreux. Le Conseil chrétien des Églises de Madagascar s'est dit prêt à assurer la médiation entre le pouvoir et les contestataires.
Au dixième jour du mouvement de contestation secouant Madagascar, un millier de jeunes Malgaches, mobilisés par le mouvement en ligne Gen Z, ont fait face aux forces de l'ordre dans la capitale.
Il a fallu des dizaines de grenades lacrymogènes et des véhicules blindés pour repousser les manifestants voulant accéder dans le centre d'Antananarivo au symbolique jardin d'Ambohijatovo, surnommé "Place de la démocratie" pour son importance dans la vie politique malgache.
"Tu vois ce qu'ils nous font ? C'est à cause du président que les gendarmes attaquent les jeunes", maudit Diary Tombontsea, lycéen de 17 ans pour qui Andry Rajoelina est devenu un symbole de détestation.
"Il se fout complètement de nous. Je n'ai pas eu de professeur de math ni d'histoire-géo pendant trois mois parce qu'il ne paie pas les profs", se plaint l'adolescent.
"Voilà dans quoi il met l'argent", tonne le lycéen en montrant la ligne de téléphérique inauguré en juin pour un coût de 152 millions d'euros. L'une de ses stations a été incendiée au premier jour du mouvement le 25 septembre.
"C'est trop cher pour !", dit-il en référence au prix du billet, de 3.000 à 5.000 ariary (60 centimes à 1 euro) dans ce pays où 80% de la population au moins vit avec moins de 15.000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté de la Banque mondiale.
Coup d'État
Plus tôt, des centaines de manifestants ont été refoulées par une cinquantaine de gendarmes dans le quartier d'Ambondrona. Une manifestante y brandissait une pancarte exhortant "Rajoelina, dégage" ("Miala Rajoelina"), devenu le slogan du mouvement.
"À cause des massacres, les manifestants sont de plus en plus en colère. On est là pour nos camarades", explique Ilan Randrianarison, étudiant de 18 ans coiffé d'un chapeau de paille de pirate aux couleurs du manga One Piece, devenu un symbole de la génération Gen Z.
Une référence aux 22 personnes au moins ayant été tuées et aux centaines de blessés depuis le début des manifestations selon un bilan lundi de l'ONU lundi, démenti par le ministère des Affaires étrangères malgache.
"Je viens des bas quartiers, c'est là-bas que les conséquences de la politique du président sont les plus visibles. Pour l'électricité, ma famille ne peut pas s'offrir de groupe électrogène. Pour l'eau, on récupère celle de la pluie", raconte le manifestant.
Ce qui avait commencé comme un ras-le-bol des coupures incessantes d'eau et d'électricité a tourné à la crise politique pour le président Andry Rajoelina, même si le mouvement a perdu en intensité dans la rue par rapport au début de semaine.
Après avoir dénoncé la veille une tentative de "coup d'État", le président a rencontré des représentants du secteur privé ainsi que de l'administration, dont des syndicats.
Il a promis la construction d'un parc solaire de 100 mégawatts, dont 40 mégawatts opérationnels en six mois et la construction sous deux ans d'une station de production d'eau, a indiqué à l'AFP une porte-parole de la présidence.
"Liberté d'expression et de circulation"
Au sortir de la réunion, la principale organisation patronale a appelé à faire de la "liberté d'expression et de circulation" une priorité.
Le Conseil chrétien des Églises de Madagascar (FFKM), présidé par l'archevêque catholique Jean de Dieu Raoelison, s'est dit prêt le 3 octobre à assurer la médiation entre le pouvoir et les contestataires. Deux jours plus tôt, il avait déjà réaffirmé la nécessité "d'encourager les gens à se mettre autour de la table de réconciliation", dans un entretien accordé à Vatican News
Selon lui, la jeunesse réclame des "droits fondamentaux" et la répression ne devrait pas être aussi violente.
"Les jeunes, sans armes, ont voulu réclamer les droits fondamentaux, mais la répression a été très forte, il faut le reconnaître. Il y a eu des morts et même dans l'archidiocèse d’Antsiranana, il y a eu trois morts."
Près de 300 organisations de la société civile ont posé comme condition au dialogue la "cessation immédiate de toute forme de répression" et la garantie d'un "accès libre" au jardin d'Ambohijatovo.
Pour la première fois samedi, une marche de soutien au pouvoir, organisée par la présidence, a défilé réunissant quelques centaines de partisans, certains reprenant le mot d'ordre "Je ne veux pas d'un coup d'État !"
Installé une première fois au pouvoir par les militaires en 2009, à l'issue d'un soulèvement populaire, Andry Rajoelina s'était mis en retrait sous pression internationale en 2014, avant d'être élu à la présidence en 2018 puis réélu en 2023 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.
Le mouvement dépassait le cadre de la capitale samedi : dans la grande ville du nord, Antsiranana, des milliers de jeunes, pour la plupart étudiants, ont défilé samedi, a constaté une équipe de l'AFP.
Cinq jours après le renvoi du gouvernement, aucun nouveau Premier ministre n'a été nommé par le président.
La Rédaction (avec AFP)