Sentiment de ne pas s’être réellement convertis, désir de liberté sexuelle : des jeunes évangéliques québécois quittent leurs églises

Sentiment de ne pas s’être réellement convertis, désir de liberté sexuelle  des jeunes évangéliques québécois quittent leurs églises

Au Québec, des jeunes nés de parents évangéliques de la première génération se désaffilient, peu convaincus d’être convertis malgré leurs efforts ou parce qu’ils ne sont plus en phase avec les églises en matière de sexualité.

Benjamin Gagné est l’auteur d’un mémoire de maîtrise à l’Université de Montréal intitulé "La désaffiliation chez les évangéliques de deuxième génération au Québec: conversions et pureté sexuelle inatteignables". Ses conclusions ont été publiées en janvier dernier dans la revue Sciences religieuses.

L’auteur n’a sélectionné que six hommes et six femmes, de 18 à 35 ans. En raison du petit nombre de sujets, l'étude ne vise pas l’exhaustivité mais à obtenir une compréhension significative de "certaines des logiques sociales dans le processus de désaffiliation évangélique".

Alors que le dernier recensement situait, en 2011, les évangéliques entre 150 000 et 200 000 individus, les départs des jeunes des assemblées évangéliques ne passent pas inaperçus. La difficulté de les recruter pour une étude réside dans le fait que les désaffiliés ne se trouvent pas dans des endroits précis. Un appel sur Facebook et l’aide d’une association d’église et d’une congrégation ont permis d’en trouver.

L’inquiétude d’être né de parents convertis

Les parents de ces jeunes sont des convertis de la première génération, lors du réveil dans les années 1970, rompant avec la tradition familiale en choisissant leurs propres croyances.

Mais dans la décennie suivante, "les grands idéaux collectifs, tout comme le mouvement évangélique, [ont perdu] de la vitesse. Au début des années 2000, les congrégations évangéliques comptent surtout sur le taux de natalité plus élevé que dans le reste de la population et "une meilleure rétention des jeunes dans le milieu".

Cependant, alors que les parents témoignent de leur conversion marquant une profonde rupture entre leur passé et leur nouvelle vie, les jeunes qui ont grandi dans ce milieu ne savent pas forcément dater leur conversion, la décrire, et peuvent éprouver de l’inquiétude lorsqu’ils se comparent à la première génération :

"Ce qu’on entendait dans l’église [. . .] le discours qui était mis de l’avant pis qui avait une tribune à ce moment-là, c’était le discours des premières générations de chrétiens. Qu’eux, tout allait mal dans leur vie, pis ils sont venus en contact avec Jésus, pis il y a l’évangélisme et là ç’a été la révolution dans leur vie ! (Fannie, 32 ans)"

Tourmentés "par le déficit d’expérience de conversion", les participants racontent qu’ils ont multiplié les "prières de conversion". Toutefois, seuls trois d’entre eux ne sont pas parvenus à se rassurer dans leur enfance. Avant 14 ans, Fannie se demandait toujours avant : "OK ! Mais moi je suis convertie ?"

Sexualité et désaffiliation

Neuf des participants déclarent que la sexualité a été déterminée leur désaffiliation, après avoir vécu dans le contexte de la purity culture importée des États-Unis où un accent très fort est mis sur l’abstinence sexuelle hors-mariage et la répartition des rôles dans le couple.

Gagné souligne que ce n’est pas la "critique d’une moralité stricte" qui surprend, mais "sa surreprésentation dans les récits des interrogés". L’idéal de pureté sexuelle "agit comme l’un des mécanismes les plus puissants de l’appartenance évangélique" ("tout ou rien"), et le choix de ne pas le suivre implique une rupture fondamentale.

Ces jeunes sont frustrés par la purity culture qui, contrairement aux autres approches strictes de la sexualité, conditionne le bonheur, notamment spirituel, à la chasteté. Devenus adultes, certains se désaffilient et vivent leur sexualité comme ils l’entendent. Trois des quatre qui se sont mariés ont été déçus par leur idéal, ont divorcé et rompu avec l’église.

Trois d’entre eux ont vu leur départ comme une libération, car "ils n’ont plus à négocier avec cette trajectoire de la purity culture, ni à chercher à produire une expérience significative de conversion religieuse."

 Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ JoaoCachapa

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