"Chrétien infidèle" : en Syrie, deux églises menacées dans un climat d'augmentation des actes antichrétiens

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En Syrie, des tags menaçant de mort les chrétiens ont été inscrits sur deux églises début novembre. Depuis la chute de Bachar el-Assad, les violences commises contre cette minorité se multiplient dans le pays. "Leur objectif est de nous faire fuir. Notre devoir est de rester", a déclaré le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient.

Entre le 8 et le 9 novembre, la devanture de l’église Saint-Élie de Maared, située à une trentaine de kilomètres au Nord-Est de Damas, a été taguée d’une inscription antichrétienne, selon l’ONG Portes Ouvertes (PO).

"Chrétien infidèle, il n’y a aucune autre divinité que Dieu (Allah). Après Saint-Élie de Dweila, c’est au tour de Saint-Élie de Maared."

En citant l'église Saint-Élie de Dweila, les extrémistes ont souhaité rappeler aux chrétiens l'attentat-suicide du 22 juin dernier, au cours duquel vingt-deux chrétiens avaient été tués et plus de soixante blessés. Il s’agissait de la première attaque contre des chrétiens depuis le départ de Bachar el-Assad. Une attaque qualifiée de symbole du "nettoyage ethno-religieux" des chrétiens dans le pays, selon Nuri Kino, le fondateur de A Demand for Action, une organisation qui milite pour une meilleure protection des minorités au Moyen-Orient.

"Dans l’église dévastée, les secours ont découvert une véritable scène de guerre : des corps atrocement mutilés d’hommes, de femmes et d’enfants mêlés aux bancs brisés", a rapporté l’association SOS Chrétiens d’Orient, dans un communiqué de presse.

Le 6 novembre dernier, c'est l’église Saint-Cyrille, à Damas qui a été visée. Des caméras de sécurité ont dévoilé un jeune homme escalader l’église dans la nuit, avant d'écrire : 

"Il ne restera plus de polythéistes en Syrie, si Dieu le veut. Notre rencontre est proche, porcs de la croix.

(Dans l’islam, la trinité, Père-Fils-Saint Esprit, n’est pas acceptée, et les chrétiens sont considérés comme "polythéistes", adorant ainsi plusieurs Dieu NDLR.)

Il aurait également vandalisé l’intérieur de l'édifice. Selon PO, l’assaillant semblait connaître "la configuration des lieux".

"Leur objectif est de nous faire fuir. Notre devoir est de rester."

Depuis la chute de Bachar el-Assad et l'arrivée au pouvoir du président syrien de transition, Ahmed al-Charaa, les violences contre les chrétiens dans le pays se multiplient. En septembre, une famille chrétienne a été braquée à son domicile, un jeune homme a été battu et torturé et plusieurs maisons ont été incendiées. En octobre, la violence s’est poursuivie : deux jeunes hommes, Wissam Mansour et Shafiq Mansour, ont été tués par quatre hommes en moto, le 1er octobre. Dix jours plus tard, un père de famille du nom de Maher Shakir el-Kablan est également assassiné, rapporte SOS Chrétiens d’Orient.

Les églises sont aussi la cible des extrémistes : un incendie volontaire s'est déclaré dans l’église Saint-Michel à Soueïda et une tentative d’attentat à la voiture piégée contre l’église maronite de Tartous, a été déjoué in extremis.

En réaction, le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient a rappelé que le rôle du gouvernement Syrien est "d’assurer la sécurité de tous ses citoyens, sans exception ni discrimination".

"Leur objectif est de nous faire fuir. Notre devoir est de rester."

Lutter contre l'État islamique

Le 10 novembre, le président syrien s’est rendu à la Maison Blanche à Washington afin de rencontrer Donald Trump. Il s’agit du premier président de son pays à se rendre aux États-Unis. Au cours des discussions, le président américain a suspendu une nouvelle fois la loi César, qui imposait des sanctions américaines contre le pouvoir de Bachar al-Assad.

En réaction, la Syrie a officiellement rejoint la coalition internationale de lutte contre l'État islamique. "La Syrie deviendra ainsi le 90e membre de la coalition contre Daech, s'associant aux États-Unis pour éliminer les derniers foyers de Daech et mettre un terme à l'afflux de combattants étrangers", a déclaré un responsable américain.

Une décision saluée mais également critiquée par certains qui estiment que les États-Unis devraient en faire plus afin de protéger les chrétiens. En tant que "défenseur des droits de l’homme", ils devraient "formuler des exigences" à la Syrie, a expliqué Nuri Kino. Selon lui, Donald Trump devrait émettre une pression diplomatique afin de protéger les églises du pays et nommer un envoyé spécial pour la liberté religieuse dans le pays.

"Ce sont les mesures minimales requises pour empêcher la disparition, sous notre responsabilité, d'une communauté vieille de 2 000 ans."

Fin octobre, le président syrien a également visité l’église Mariamite dans la vieille ville de Damas et a rencontré le patriarche d’Antioche et de tout l’Orient des Grecs orthodoxes, Jean X Yazigi. "Cette visite reflète le souci commun de renforcer les valeurs nationales et de consolider la cohésion entre les citoyens de la patrie", a écrit le média syrien Sana.

Avant le début de la guerre civile en 2011, environ deux millions de personnes étaient de confession chrétienne, soit environ 10% de la population totale. Selon les estimations de l’organisation Aide à l’Église en Détresse, il n’en resterait que 540 000.

Mélanie Boukorras

Crédit image : Portes Ouvertes (La devanture de l’église Saint-Élie de Maared.)

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