Transhumanisme : la fin de la Femme ?

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L’utopie est en marche, bientôt un utérus artificiel ?

Le XXème siècle a bouleversé la famille, la contraception moderne a permis de se défaire des lois biologiques et libérer les choix de construction de la vie familiale. Les techniques de fécondation ont également créé de nouvelles façons de concevoir des enfants. Le XXIème siècle pourrait être celui de nouvelles avancées dans les processus de fécondation, l’ectogenèse, c’est-à-dire la fécondation hors du ventre de la mère. L’ectogenèse, une technique de fécondation dont la porte fut entrouverte avec la fécondation in vitro, ouvrant à l’être humain de nouvelles perspectives sociétales. Périodiquement l’humanité en se cherchant, se réinvente, se déconstruit et produit un monde de plus en plus artificiel, déshumanisant, déconnecté du réel.

« La distinction progressive entre sexualité et natalité ».

Aldous Huxley auteur du livre ‘Le meilleur des mondes’ écrivait dans la seconde préface de son livre rédigé en 1932 :

« À tout bien considérer il semble que l’Utopie soit plus proche de nous que quiconque ne l’eût pu imaginer, il y a seulement quinze ans. À cette époque je l’avais lancée à six cents ans dans l’avenir. Aujourd’hui il semble pratiquement possible que cette horreur puisse s’être abattue sur nous dans un délai d’un siècle ».

Dans ‘Le meilleur des mondes’, Aldous Huxley imaginait déjà l’ectogenèse , que nous appelons dans la modernité l’utérus artificiel c’est-à-dire un processus de gestation en dehors du corps humain c’est-à-dire faire des enfants sans grossesse, sans accouchement. Or selon Henri Atlan médecin biologiste, philosophe et écrivain français, pionnier des théories de la complexité, les avancées biotechnologiques laissent raisonnablement présager que l’utérus artificiel pourrait voir le jour dans un très proche avenir. Selon le biologiste l’évolution de notre époque, en matière de reproduction du genre humain, est caractérisée par « la distinction progressive entre sexualité et natalité ». Ainsi après la fécondation in vitro, voici l’ectogenèse, c’est-à-dire l’utérus artificiel .

Corroborant notre propos, voici ce que déclare Henri Atlan dans un article publié dans le monde en avril 2005 :

« Certains disent d’ici 10 à 20 ans. Je pense que cela prendra encore 50 ans, ou plus. Mais la mise au point de l’utérus artificiel semble inéluctable. Cette technique, appelée ectogenèse, développée au départ pour des raisons thérapeutiques dans le cadre des traitements de la stérilité, des avortements à répétition ou de la protection des grands prématurés, permettra de développer une nouvelle forme de procréation. Extérieure à la femme. Artificielle.
Ce sera une nouvelle date historique dans l’histoire du corps humain. Un intense débat de société l’accompagnera, sans aucun doute. Nous entrerons dans une problématique qui, à mon sens, rappellera celle de la contraception, ce qui pourra sembler paradoxal, puisqu’il s’agira d’une nouvelle façon d’enfanter. Les femmes auront la liberté de faire des enfants sans grossesse, sans accouchement.
Personne n’est dupe, beaucoup de femmes choisiront d’enfanter de cette manière. Il sera aussi difficile d’empêcher la popularisation de l’ectogenèse, qu’il l’a été d’interdire les méthodes de contraception et l’avortement. L’argument irréfutable sera celui de la libre disposition par chaque femme de son corps. Beaucoup d’entre elles se diront : pourquoi ne pas éviter les risques, les déformations et les désagréments associés à l’enfantement. La fonction maternelle telle que nous la connaissons depuis l’origine de l’espèce humaine, va changer de nature.
C’est l’aboutissement d’une volonté à la fois médicale, thérapeutique et philosophique, de se détacher de certains impératifs biologiques, et d’en éviter les dangers. La séparation entre procréation et sexualité, déjà largement commencée au XXe siècle, ne fait que s’accentuer ».

Une telle avancée relative à la procréation de l’enfant dans un « utérus » assurant les multiples fonctions d’un utérus humain ne peut nous laisser indifférents d’un point de vue éthique, moral, et spirituel.

Sur le plan éthique, la dignité humaine doit être au cœur même de toute réflexion, l’argument de l’aide à la naissance en ayant recours à l’ectogenèse, pose aussi le problème de la relation au corps humain, l’être humain évoluant dans un utérus artificiel est ici réduit à une matière connectée à une autre matière, c’est réduire le fœtus humain à la dimension de l’objet manipulable.

Sur le plan moral, l’ectogenèse pose le problème de la trajectoire d’un individu. Devrions-nous changer la trajectoire génétique et donc l’évolution de l’enfant et son rapport au vivant. N’est-ce pas là une façon d’apprendre à l’enfant, d’être lui-même déconnecté du monde des êtres vivants en lui apprenant dès sa gestation, l’apprentissage de la société cyborg. Sur un plan moral c’est toute la construction psychique de l’enfant qui est posée, né hors du ventre de la mère mais enfanté par la machine qui a été en quelque sorte sa matrice nourricière, qui lui a offert sa protection. L’ectogenèse pourrait être demain une fabrique de barbares, parce que cet enfant n’a pas appris ce qu’est être humain.

Sur le plan spirituel, il nous semble nous chrétiens, que Dieu dans son immense sagesse a pris soin d’offrir à l’enfant l’environnement du ventre d’une maman, Jésus lui-même a été conçu dans le ventre de sa mère (Luc 2:7) . Mais tout ce monde technicien qui nie le rapport à la transcendance, se développe de nos jours, se dessine en parallèle avec l’affaissement de la culture, le délitement des discours philosophiques ou religieux, qui racontaient à l’Homme ses origines, son passé, sa filiation à une histoire, qui lui relataient qui il est, cette culture lui donnait du sens. Mais d’un coup d’un seul la science vient saccager le rapport au spirituel, l’homme est issu d’une machine, débarrassé de toute antécédence.

Or en 2016 ces dimensions éthiques, morales et spirituelles ont été percutées, les biologistes de l’Université de Cambridge ont annoncé être parvenus à cultiver des embryons humains jusqu’à un stade jamais atteint soit treize jours de fécondation in vitro , laissant ainsi augurer des possibilités d’avancement vers un ectogenèse cette fois accomplie.

Pour Tugdual Derville c’est « le déni spirituel qui fait voir l’homme comme une machine qui autorise de le traiter comme un objet … » (Tugdual, Le temps de l’homme pour une révolution de l’écologie humaine).
L’évolution du monde technique n’est ainsi, ni plus ni moins qu’en train de modifier nos rapports à la vie, nos rapports à l’âme même de l’homme, à l’intime, à l’ensemble de nos émotions. Père je me souviens de la naissance de notre fils, de l’étreinte lorsque la sage-femme m’a invité à le prendre dans mes bras, alors que les soins étaient donnés à mon épouse éprouvée mais tellement envahie par l’émotion et la joie maternelle.

L’égalité forcenée qui conduit à « la perte du pouvoir maternel ».

La révolution anthropologique qui s’inscrit dans une réinvention de la nature et dans ce projet d’ectogenèse, concerne l’identité même de la femme, « la perte du pouvoir maternel » comme l’écrit Laetitia Pouliquen (Auteur du livre, Femme 2.0, Féminisme et transhumanisme, quel avenir pour la femme). Nous sommes dans des contextes d’évolution générale de la société où la femme d’une manière générale est incitée à devenir un homme comme les autres.

Les changements en cours, et notamment transhumanistes, peuvent s’associer à une évolution des marqueurs identitaires, et engager un réajustement des équilibres biologiques, des différences entre l’homme et la femme.

Ainsi le monde scientiste, numérique, le cyborg dans lequel nous avons basculé, est de nature à muter le rapport au mystère et à l’altérité en offrant à la femme de nouvelles perspectives, en la faisant évoluer dans une nouvelle dimension de transmutation, une nouvelle expérience de la matière autorisant la fécondation hors de l’utérus féminin.

Avec ce projet de fécondation hors de l’utérus féminin, il ne s’agit ni plus ni moins que :

  • de modifier le corps de la femme
  • de prôner la liberté morphologique, de rendre la liberté à son corps,
  • de dépasser pour les transhumanistes, les mythes biologiques,
  • d’enjamber les barrières biologiques de manière radicale,
  • de donner enfin la possibilité à la femme de vivre une vie débarrassée des contraintes sociales

L’appareil génital destiné à porter un enfant est finalement vu dans l’idéologie cyborg et chez les transhumanistes comme une forme d’assujettissement qui ne permet pas à la femme de vivre pleinement son projet social.

Cette idéologie de l’égalité absolue libérée du prisme de la différence sexuée, des contraintes du corps de par les apports que lui offriront demain les évolutions de la science, pousseront la femme à être finalement n’importe quel homme. Cette dimension de la représentation de la femme vécue dans cette perspective idéologique et scientifique est de fait une inversion des représentations féministes passées, elle ne conduit ni plus ni moins qu’à l’effacement même de la femme en termes d’identité.

La nouvelle idéologie féministe fondant en quelque sorte l’incitation de la femme à devenir n’importe quel homme, ôte finalement à la femme toute dimension touchant son altérité, sa différence. Il en résulte alors pour la femme une perte de la complémentarité, une perte des fonctions qui permettent l’imbrication harmonieuse des identités quand elles évoluent dans la concordance. Une harmonie qui a été en effet pervertie depuis la chute de l’homme et de la femme rendant parfois impossible cette complémentarité épanouissante.

Le péché c’est-à-dire la séparation d’une relation vivante avec Dieu a généré comme l’écrivait le Pape François « la méfiance et la division entre l’homme et la femme ». Le rapport homme et femme s’en est trouvé menacé par des abus réciproques, de l’outrance chez l’homme, de l’outrance également chez la femme, de rapports injustes et d’arrogance humiliante. Les souffrances entre hommes et femmes ont jalonné l’histoire de l’humanité, les dérèglements liés à cette disharmonie de la conjugalité ont conduit parfois à de la révolte légitime et à l’émergence des courants féministes. Les identités fondées sur le socle de l’altérité ont été sérieusement affectées, malmenées. Les femmes finalement revendiquant d’être traités socialement comme égales des hommes.

Nous ne contestons pas le souhait social de la femme d’être traitée dans un rapport égal à l’homme, nous pointons plutôt la perte de repères qui résultent de la complémentarité en regard de la différence qui permet d’imbriquer les rapports harmonieux homme et femme.

Lorsqu’enfin nous parlons de complémentarité de la femme vis-à-vis de l’homme, l’auteur n’attribue pas à la femme un rôle inférieur à l’homme, nous sommes persuadés de l’équivalence complémentaire des identités homme et femme. Les textes bibliques le soulignent avec vigueur, l’homme et la femme sont à l’image et à la ressemblance de Dieu (Genèse 1:27) . L’apôtre Paul que l’on qualifie à tort de sexiste en déclarant qu’en Christ, il n’y plus ni homme, ni femme, n’a pas défendu l’égalité absolue, mais plutôt la nécessité qu’ensemble les rapports homme et femme s’harmonisent.

Tout notre propos dans ce texte est de souligner les rôles différents de l’homme et de la femme que ces derniers jouent en fécondant l’enfant à naitre. Or dans des contextes d’idéologies de recherche de l’égalité à tout prix et d’évolution des techniques, c’est l’identité même de la femme qui se trouve menacée.

Pour Leatitia Pouliquen,

« Il est intéressant à mentionner … combien l’identité sexuelle est attaquée dans une approche matérialiste et technologique du corps de la personne humaine »

A nouveau, Leatitia Pouliquen rappelle que le concept de post gender a été bien exposé par le futuriste et éthicien canadien George Dvosky dans un essai intitulé : ‘Au-delà de la binarité de genre’. « Celui-ci », rappelle l’auteur de Femme 2.0, affirme que « le postgender est une extrapolation des moyens mis à disposition par la technologie pour éroder le rôle biologique psychologique et social du genre et développe une argumentation soutenant l’idée que cette érosion sera libératrice ». Les promoteurs, militants du post gender postulent en effet que le genre est une limitation arbitraire et inutile du genre humain, rien que ça !

Si l’idéologie transhumaniste est d’imposer une refonte du corps biologique de l’être humain, autrement dit du genre, ce serait pire qu’une catastrophe écologique, ce serait un désastre pour la pérennité de l’espèce humaine en termes d’identité et de sens dans les rapports entre les hommes et les femmes, le transhumanisme ne serait alors qu’une forme d’aliénation de l’être humain, une manière de déconstruire l’homme, un projet de déshumanisation.

Or, nous savons du reste qu’il existe un lien indicible entre le fœtus et la mère, qui dépasse la dimension sensorielle, pendant la grossesse la mère et l’enfant sont indissociablement reliés. L’enfant progressivement devient sensible à son environnement fœtal et aux touchers de ses parents. Il interagit avec la mère. L’utérus artificiel semble dès lors un non-sens car il détruit le rapport à l’affectif, la proximité in utéro n’est certainement pas absente de la complicité qui s’installe ensuite entre l’enfant et sa mère. Et comment ne pas aborder, la transmission in utero entre la mère et l’enfant qui se déroule durant les 9 mois de grossesse, a-t-on déjà tout découvert à ce sujet ?

L’éveil de ce fœtus à la vie, car in utero il sent, il entend et il se familiarise avec ce monde qui va l’accueillir : il goute les saveurs, il entend les battements du cœur de sa mère, il est littéralement conçu ! Pour les futurs parents, la ‘maturité’ qui vient à l’issu de ces 9 mois lors de l’arrivée de l’enfant, après avoir tourné autour de ce ventre comme on tourne autour d’un nouveau monde, semble être aussi une étape importante dans le fait de ‘devenir parents’. A-t-on seulement une idée de la construction sensorielle qui intervient durant ces 9 mois pour le futur développement moteur et cérébral de l’enfant à naître ? Sauter cette étape semble un crime en devenir pour l’enfant, contrôlé par des machines et des capteurs… devra-t-il l’être toute sa vie ?

L’ectogenèse, le projet de l’utérus artificiel et l’avènement de l’enfant sans identité, sans filiation, la fin de la mère...

En 1982 est née Amandine, le premier enfant conçu par insémination in vitro. Comme nous l’indiquions précédemment, c’est l’ensemble d’un processus de procréation qui est en train d’être refondé sous nos yeux. Toutes les techniques et processus de procréation, de transformation du corps humain ne sont pas sans poser des problèmes moraux fondamentaux.

Nonobstant et selon Ubs Scherber, directeur de recherche au centre cardiovasculaire suisse de l’hôpital universitaire de Berne, les études menées sur des enfants nés par fécondation in vitro montrent de subtils dysfonctionnements cardiovasculaires et métaboliques . Il n’est pas inconcevable d’imaginer les perturbations métaboliques que pourraient alors engendrer la fécondation par ectogenèse.

Pour les tenants de l’évolution de l’espèce humaine, la nature est nécessairement changeante et la transformation de l’espèce humaine est alors inéluctable, l’essence même de l’homme est d’évoluer, il peut être alors le maitre de son évolution et devenir lui-même Dieu.

Il y a cette obsession faussement humaniste de diminuer, de réduire la douleur voire de l’éliminer, de conjurer le sort ou cette soi-disant malédiction du livre de la genèse où Dieu déclare à la femme, « Tu enfanteras dans la douleur ». Par opposition au message biblique, l’humanité scientiste s’est mise en quête de contre carrer la parole prononcée par Dieu, de réparer l’injustice, comment rendre alors l’accouchement moins douloureux, comment contrôler les anomalies génétiques, comment réguler les naissances pour pallier les problématiques démographiques, comment faire engendrer un être humain sans défaut, sans troubles, sans maladies.

Mais si l’ectogenèse devait aboutir puisque des essais cliniques ont déjà été tentés sur des fœtus de chèvre au Japon, nous pouvons imaginer alors les bouleversements qu’engendreraient une telle démarche.

L’humanité en franchissant le Rubicon que lui autoriserait le pouvoir prométhéen de la technique, serait tentée d’éliminer les faibles (ou ceux qui sont considérés comme tels, ce qui est déjà le cas aujourd’hui avec les avortements fortement conseillés dans certains cas de trisomie), d’effacer le sens même de la vie, de gommer la femme. L’ectogenèse serait d’une certaine manière une épée à double tranchant, libérant la femme certes, mais la dégradant en ruinant son identité et son destin de mère mais en altérant, en putréfiant le destin de l’enfant, lui faisant perdre le sens de sa filiation.

Au fond le transhumanisme est une utopie suicidaire, une forme d’anti féminisme qui prône l’artificialisation de la procréation, en enlevant à la femme ce qui fait sa singularité, sa dimension sexuée. Quel avantage la femme pourrait-elle tirer d’être semblable à un homme... ? Faut-il à ce point ressembler au masculin alors que paradoxalement toute l’identité de la femme fut que l’on reconnaisse sa différence, et que l’on respecte cette différence, qui finalement a largement contribué à marquer la culture et l’épanouissement même de l’enfant. Que serait enfin cet enfant sans la femme, si l’éducation de l’enfant est confiée à une nourrice Cyborg ?

Article coécrit avec Bérengère Sériés.
Le texte produit est extrait de notre livre à paraitre en Août 2017 « La déconstruction de l’homme ».


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