Tribune : selon l’Ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, "les Arméniens du Haut-Karabagh ont décidé de partir volontairement"

Selon l’Ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, "les Arméniens du Haut-Karabagh ont décidé de partir volontairement"

"Ces gens [les Arméniens, ndlr] ont décidé volontairement de ne pas continuer à habiter dans le Haut-Karabagh. Ils avaient le choix, parce que le Gouvernement d'Azerbaïdjan leur a proposé de ne pas quitter leur lieu de résidence. [Il] a dit qu'il allait garantir tous leurs droits, liberté et sécurité."

Cette nouvelle déclaration erratique est proférée par nulle autre que Leyla Abdullayeva, Ambassadrice d'Azerbaïdjan en France, le 2 octobre 2023 sur France Info.

En moins de 10 jours, la quasi-totalité de la population arménienne du Haut-Karabagh s’est massée à l'entrée du corridor de Latchine, unique route reliant l’enclave arménienne à l’Arménie.

Ils sont donc plus de 100.000 à avoir traversé la frontière “de leur plein gré”, abandonnant ainsi les terres sur lesquelles ils vivaient depuis l’Antiquité.

Que l’ambiance devait être belle, tout le monde partant ainsi déménager dans la joie et la bonne humeur, les yeux pétillants de bonheur, le sourire jusqu’aux oreilles, vers l’Arménie.

Laissant derrière eux, leurs maisons, leurs fermes, leurs animaux, leurs souvenirs, leur tissu social, la tombe de leurs parents. Et souvent aussi celle de leurs enfants.

Et encore… fallait-il pour cela éviter les soldats azéris qui, non content de les voir fuir, jouissaient encore à terroriser les populations en tirant en l’air. Mais il n’y a pas de sujet. L’Azerbaïdjan annonce fièrement avoir libéré ces territoires des "terroristes arméniens" qui occupaient "leurs" terres.

Pour qui voudra chercher un tout petit peu sur internet ce qui s’est passé depuis le 19 septembre dernier, il en trouvera dans tous les registres :

- Décapitations de soldats arméniens

- Violences sur des personnes âgées invalides

- Viols sur des femmes de tous âges

- Mutilations sur des personnes vivantes ou mortes.

Les terroristes, ce n’est décidément plus ce que c’était.

Prenons un exemple. L’école-garderie Basmajian, à Askeran, soutenue par les Associations Missionnaires Arméniennes des Etats-Unis et du Canada, a été la cible d’un raid des militaires azéris, qui ont massacré des enfants de la plus horrible manière.

Mais apparemment, il fallait absolument libérer ces terres de ces terroristes arméniens.

Ajoutons encore les destructions d’églises et monastères pluri-centenaires voire millénaires, qui ont déjà été entrepris. Et les tirs de mitraillettes sur les khatchkars, ces croix finement ciselées en pierre, traversant les âges, témoins de la foi de la première nation chrétienne du monde.

Ces fameuses terres azéries que l’Azerbaïdjan, ayant tellement à cœur le bien-être de la population arménienne, a pris soin de décorer, siècle après siècle, de dizaines de clochers dans des écrins de verdure plus inaccessibles les uns que les autres.

Mais dans sa communication publique, Madame l’Ambassadrice affirme, le regard impeccablement maquillé, que "ce que veut l’Azerbaïdjan, c’est vivre en paix avec ses voisins."

Y a-t-il encore une seule bonne raison de faire confiance aux autorités de cet état qu’Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission Européenne qualifiait le 18 juillet 2022, de "partenaire fiable" ?

Lorsque l’Europe se chauffera encore cet hiver au gaz azéri, tâchons de reconnaître, émanant de nos chaudières, l’odeur piquante du sang arménien qui, seul, abandonné des instances internationales, a lutté héroïquement, de toutes ses forces, pour protéger le monde de l’émergence d’une nouvelle bête monstrueuse.

On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

Pascal Portoukalian

Pascal Portoukalian est un chrétien Français d’origine arménienne, résident en Arménie depuis août 2022.

Crédit image : Screenshot/ Twitter

Dans la rubrique International >



Les nouvelles récentes >