Un pasteur kidnappé au Nigeria dans un contexte d’augmentation des enlèvements

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Une bande armée retient toujours le pasteur nigérian, Audu Issa James, malgré le paiement de la rançon par sa famille. Entre 2015 et 2025, 145 responsables chrétiens ont été kidnappés. 

Après le repas du soir, le 27 août dernier, le pasteur Audu Issa James souhaite bonne nuit à son épouse Beshi et à deux de ses enfants, avant d’aller se coucher. Vers 23 heures, des aboiements le réveillent.

Quatre hommes armés font irruption dans le village d'Ekati, dans l'État de Kwara, au centre nord du Nigeria, et se dirigent vers le presbytère. James tente de résister, mais les assaillants sont trop forts. Les bandits exigent l'argent de l'Église évangélique Winning All Ekati, mais le pasteur ne l’a pas. Ils lui lient les mains, lui bandent les yeux et l’enlèvent.

James, 65 ans, n'est qu'un des 145 responsables chrétiens enlevés au Nigeria entre 2015 et 2025. Selon l’Index de l’organisation Portes ouvertes, au moins 2 830 chrétiens ont été kidnappés au Nigeria en 2024, "bien plus que dans d'autres pays la même année".

Les ravisseurs sévissent également dans les États voisins : le pasteur Ayodeji Akesinro a été enlevé à son domicile à Upenme, dans l'État d'Ondo, au sud du pays, le lendemain de l’enlèvement de James. Un autre groupe a enlevé le pasteur Friday Adehi après le culte du 24 août de la Christian Evangelical Fellowship of Nigeria, à Itobe, une ville de l'État de Kogi, au centre-nord.

"Nous ne savons même pas avec certitude ce que veulent [les ravisseurs]", déclarait Gabriel Dunia, évêque catholique d'Auchi. Il s’exprimait suite à l'attaque du Petit Séminaire de l'Immaculée Conception à Ivhianokpodi, le 10 juillet : des hommes armés ont tué un agent de sécurité et enlevé trois séminaristes. "Nous constatons une tendance croissante aux attaques dirigées contre les communautés et les institutions chrétiennes", ajoutait-il.

En juin, des bandits armés ont également troublé la paix à Patigi. Des chasseurs locaux ont tenté de repousser l’assaut, mais leurs fusils artisanaux n’ont pas fait le poids face aux armes sophistiquées des assaillants. Au moins 15 chasseurs ont été tués, puis les bandits ont enlevé des agriculteurs et des commerçants.

"Cela durait depuis un certain temps avant que cela n'arrive à mon père", observe Theophilus, le fils de James, âgé de 34 ans.

La menace vient aussi de l’intérieur : de jeunes hommes de 18 à 25 ans se vantent de gagner de l’argent en indiquant aux ravisseurs les villageois aisés.

Dix jours avant son enlèvement, James avait mis en garde les jeunes de son église contre ce danger. L'église avait également collecté des dons pour certains de ses projets, attirant l'attention des ravisseurs et faisant d’elle une cible.

Le matin du 28 août, les ravisseurs contactent la famille, exigeant une rançon de 100 millions de nairas (57000 euros) — une somme impossible à réunir pour les villageois.

Après des heures de négociations, les ravisseurs réduisent leur demande de moitié. La famille obtient un accord pour 5 millions de nairas (2 500 euros), réglés le 7 septembre. Elle a vendu tout ce qu'elle pouvait et a emprunté à des proches. Le 9 septembre, des amis de la famille déposent la somme sur un chemin forestier d’Ekati. Mais les ravisseurs se rétractent et réclament le solde de 45 millions de nairas (25 584 euros).

"Ils ont refusé de le libérer. Baba est toujours avec eux", rapporte Theophilus à Christianity Today.

"Notre mère a eu le cœur brisé."

Les ravisseurs n’hésitent pas à tuer leurs otages après paiement. En juillet, ils ont exécuté au moins 35 personnes enlevées dans un village de l’État de Zamfara (nord), malgré la réception d’une rançon d’un million de nairas (560 euros).

Le gouvernement a déclaré que les meurtriers seraient traduits en justice, mais il n’a procédé à aucune arrestation.

Théophile reste sous tension en attendant un autre appel :

"Il va falloir leur dire [aux ravisseurs] que nous n'avons plus d'argent. Nous avons tout vendu."

Les enlèvements se sont intensifiés dans la région pétrolière du delta du Niger au début des années 2000, lorsque des miliciens ont commencé à enlever des travailleurs du secteur pétrolier contre rançon et à des fins politiques. Depuis, la pratique s’est répandue dans tout le pays.

Selon une étude menée par SBM Intelligence, une société de recherche géopolitique basée au Nigeria, au moins 4 700 personnes ont été enlevées et des rançons d'un montant de 2,56 milliards de nairas (1,7 million de dollars américains) ont été payées entre juillet 2024 et juin 2025. SBM a accusé le gouvernement nigérian de ne pas avoir démantelé les réseaux de bandits et de ne pas s'attaquer aux causes profondes des enlèvements.

Des groupes extrémistes comme Boko Haram et des miliciens peuls enlèvent également des chrétiens dans des zones reculées. Leur objectif inquiétant, selon le missionnaire Isaac Agada, est de semer la peur et de freiner les efforts missionnaires.

"Une fois qu’ils découvrent que vous êtes chrétien ou qu’il s’agit d’une communauté chrétienne, vous devenez une cible privilégiée. Et si vous êtes missionnaire ou pasteur, vous êtes encore plus exposé."

La Commission américaine sur la liberté religieuse internationale a exhorté le Nigeria à s’attaquer à "l’impunité" dont bénéficient les auteurs de ces crimes et à prendre des mesures face au problème de la violence entre musulmans et chrétiens dans le pays.

Plus de deux ans après le début du mandat du président nigérian Bola Tinubu, les critiques affirment que le gouvernement n’en fait pas assez pour tenir ses promesses en matière de sécurité.

"L’incapacité [du gouvernement] à recueillir et à utiliser efficacement les renseignements a aggravé les défis sécuritaires actuels", affirme Opialu Fabian, consultant en sécurité.

En 2022, une loi a interdit le paiement de rançons pour les personnes kidnappées et instauré une peine minimale de 15 ans de prison pour les contrevenants. L’enlèvement est passible de la peine de mort si la victime est tuée, ou de la prison à vie si elle survit.

Mais la centralisation de la police entrave l’application de ces mesures. La Nigeria Police Force (NPF) reste sous contrôle fédéral, et les gouverneurs n’ont aucun pouvoir sur elle — une restriction justifiée par la crainte d’abus politiques.

Début septembre, le gouverneur de l'État de Zamfara, Dauda Lawal, a dénoncé l’impuissance du gouvernement national à lutter contre les bandits. À Shinkafi, des forces de sécurité ont refusé d’intervenir sans autorisation fédérale, malgré une attaque en cours.

"Nous ne pouvons rien faire au-delà de nos pouvoirs", a-t-il déclaré.

"Si aujourd’hui j’avais autorité sur les forces de sécurité, je vous assure que nous mettrions fin au banditisme à Zamfara en deux mois."

Gideon Para-Mallam, missionnaire chrétien basé dans l'État du Plateau, estime que les gouverneurs d’États devraient être habilités à lutter contre le banditisme dans leurs circonscriptions. Il soutient que l'incapacité du gouvernement nigérian à reconnaître la persécution des chrétiens explique en partie pourquoi il n'a pas apporté de changements structurels à son appareil sécuritaire.

"Le pire, c'est le déni de la réalité des persécutions contre les pasteurs", estime le missionnaire.

"Il y a très peu de compassion envers eux."

Emmanuel Nwachukwu

Un article de Christianity Today. Traduit avec autorisation. Retrouvez tous les articles en français de Christianity Today.

Crédit image : Shutterstock / ariyo olasunkanmi

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