Vingt pasteurs agressés en Inde : "Il y avait du sang partout"

Vingt pasteurs agressés en Inde "Il y avait du sang partout"

Le 21 juin dernier, une cérémonie chrétienne dans un village tribal du district de Malkangiri (État d’Odisha) a viré au cauchemar : une trentaine de villageois ont violemment attaqué vingt pasteurs, blessant grièvement dix d’entre eux. Malgré des preuves accablantes, aucune arrestation n’a encore eu lieu.

"Je ne pense pas que je vais m’en sortir. Je veux juste que tu saches que je serai avec mon Créateur, et que tu ne dois pas t’inquiéter pour moi." Ces mots ont été prononcés par Sukra Madi à son fils. Ce chrétien de 52 ans fait partie des dix chrétiens hospitalisés après une attaque brutale survenue le 21 juin à Kotamateru, un village isolé de l’État d’Odisha, à l’est de l’Inde. Il est toujours dans un état préoccupant.

Les victimes, une vingtaine de pasteurs venus de quinze villages pour bénir les semences de onze familles chrétiennes locales, ont été attaquées par une foule de 30 à 40 villageois armés de bâtons, pelles, haches et couteaux. Selon Morning Star News (MSN), les agresseurs, adeptes des religions tribales locales, les ont accusés à tort de procéder à des conversions forcées.

"Nous leur avons expliqué à plusieurs reprises que nous étions venus bénir les semences et partager un repas fraternel, mais ils ne voulaient rien entendre", a confié le pasteur Somru Muchaki à MSN.

"Les assaillants étaient des habitants, clairement venus préparés pour la violence."

Le pasteur Manglu Madi, le fils de Sukra, raconte avoir vu son père pris au piège.

"Je tentais de fuir mais j’ai vu qu’ils l’avaient attrapé – comment aurais-je pu l’abandonner ? J’ai réussi à l’emmener dans une maison voisine. Du sang coulait de sa tête et ses vêtements étaient trempés."

"Il y avait du sang partout. Dix personnes ont jeté un chrétien au sol et l’ont roué de coups : pieds, bâtons, couteaux, pelles… tout ce qu’ils trouvaient", a-t-il témoigné.

Plusieurs chrétiens, blessés à la tête, ont dû être hospitalisés d’urgence. Certains ont développé des complications et ont été transférés le 7 juillet dans un hôpital de l’Andhra Pradesh. Le père du pasteur Madi nécessite une intervention chirurgicale coûteuse que la famille ne peut pas se permettre. "Nous prions pour une guérison sans opération", a-t-il déclaré.

Une plainte a été déposée auprès de la police de Malkangiri le 22 juin, identifiant 16 agresseurs. Malgré des preuves vidéos, des rapports médicaux et des photos des blessures, "aucune arrestation n’a été effectuée", a dénoncé l’évêque Pallab Lima auprès de MSN.

Pire encore, la police aurait contraint les victimes à signer un accord de "compromis", sous la pression, le 6 juillet. "Nous ne comprenions pas bien la langue utilisée par les agents", a expliqué le pasteur Muchaki. "Nous pensions signer une demande d’action judiciaire, pas un compromis avec ceux qui nous ont agressés."

Face à cette impunité, plus de 7 000 personnes ont manifesté pacifiquement le 2 juillet pour exiger justice. Finalement, une nouvelle plainte a été déposée, cette fois contre 30 responsables chrétiens, les accusant d’entrave à l’action publique.

"Nous avions des vidéos, des photos, des rapports médicaux et des blessures visibles. C’était suffisant pour que la police agisse. Mais ils ont choisi de ne rien faire", a déclaré le pasteur Muchaki avec amertume. 

Le pays est classé 11e dans l’Index Mondial de Persécution des Chrétiens 2025 de l’ONG Portes Ouvertes. Dans ce pays d’Asie, "les hindouistes radicaux répandent une idéologie intolérante envers les chrétiens et se livrent à la violence et la désinformation avec impunité", précise l’organisation, qui souligne également que "depuis 2014, la persécution contre les chrétiens a considérablement augmenté".

Camille Westphal Perrier

Crédit image : Morning Star News

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