Focus sur les chrétiens évangéliques en France
En pleine croissance mais souvent mal compris, les évangéliques, branche du protestantisme, se caractérisent par une multitude d'églises qui toutes accordent une place prépondérante à la Bible.
Les évangéliques - et non pas évangélistes - sont une branche du protestantisme qui donnent une grande importance à la Bible, explique l'historien au CNRS Sébastien Fath. L'accent est mis sur le rôle missionnaire et "les évangéliques consacrent beaucoup de temps et de moyens à répandre l’Évangile autour d’eux", ajoute le Conseil national des évangéliques de France (Cnef).
Plusieurs courants cohabitent, dont le plus important est le pentecôtiste, avec des réseaux implantés en Afrique et en Amérique du Sud. Il existe aussi des courants charismatique, piétiste et adventiste.
Plus d'un millon de membres dans l'hexagone
Sébastien Fath estime à 1,1 million (en 2021) le nombre d'évangéliques en France "soit 54% du protestantisme". Selon lui ils pourraient représenter aujourd'hui "près de 2%" de la population.
Parmi eux, le Cnef chiffre à 750.000 environ le nombre de pratiquants (soit 15 fois plus qu'en 1950). Une "croissance réelle, remarquable", affirme Erwan Cloarec, le président du Cnef, qui assure représenter 70% des évangéliques.
Il compte aussi 2.300 églises en France, dont la moitié créée au cours des trente dernières années. Elle sont très présentes dans les quartiers populaires: 94 en Seine-Saint-Denis, 80 dans les Bouches du Rhône notamment.
Leurs valeurs
La foi évangélique s'appuie sur le caractère normatif de la Bible et sur l'importance de la conversion personnelle (on ne naît pas chrétien, on le devient). D'où "un cadre de valeurs assez fort", explique Sébastien Fath:
"Ils vont défendre les valeurs familiales, le droit des immigrés, refuser le sexe extra-conjugal, militer plutôt pour une vision hétéronormée de la société..."
Ce qui peut trancher avec la théologie plus libérale existant chez une partie des protestants luthéro-réformés.
Petite salle et mega-church
Il existe "une forme d'autogestion" dans une partie de ces églises qui choisissent leur pasteur, loin du système épiscopal catholique, souligne Sébastien Fath. Dans cet univers très divers, certaines églises sont installées dans de petits bâtiments aux allures d'entrepôts ou de local commercial.
Mais il y a aussi des "méga-églises" (plus de 2.000 places), les plus médiatisées avec leurs locaux confortables et leur culte très incarné, telles la "Cité royale" de Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne), Martin Luther King à Créteil, la Porte ouverte chrétienne à Mulhouse ou Paris centre chrétien à La Courneuve.
Des églises communautaires ?
Les évangéliques ont progressé grâce aux fidèles venus d'outremer dans les années 60 et 70, et "il y a depuis un apport subsaharien francophone important, qui vient du Congo, du Gabon, du Burkina, du Bénin...", explique Sébastien Fath.
Il existe aussi des églises évangéliques vietnamiennes, chinoises, ou encore tziganes. Pour autant, le caractère communautaire, qui existait il y a 20 ans, n'est "plus du tout le modèle dominant", assure l'historien, même s'il demeure "des églises bocal, complètement refermées sur un univers linguistique".
Des dérives sectaires ?
De possibles dérives sectaires constituent "un sujet d'inquiétude notable" pour la Miviludes qui, dans son rapport 2021, faisait état d'"exigences de dons très importants", d'"obligation de rester au sein de la communauté", de "violences psychologiques insidieuses" et "de pratiques et de discours de guérison" dans les signalements reçus.
Il s'agit surtout d'églises non rattachées au Cnef ou à la Fédération protestante de France (FPF), qui travaillent à une convention avec la Miviludes.
Le phénomène reste toutefois "marginal", assure Sébastien Fath. "Quand on arrive au stade de la méga-église, c'est qu'on a réussi à fidéliser un nombre croissant de gens assez exigeants", souligne-t-il.
La Rédaction (avec AFP)
