Les influenceuses Tradwives : qui sont ces "épouses traditionnelles" pour la plupart chrétiennes ?

Les influenceuses Tradwives  qui sont ses épouses traditionnelles pour la plupart chrétiennes

Elles ont tout de la ménagère des années 50 avec leur maquillage impeccable, leurs robes midi plissées et leur tabliers à carreaux. Elles préparent des mets délicieux, sont heureuses de dépendre financièrement de leur époux, dédient leur vie au bien être de leur famille. "Soyez féminines, pas féministes", clament ses tradwives ou "épouses traditionnelles" en français. Et bien souvent, leur discours est basé sur des valeurs chrétiennes. Focus sur cette nouvelle tendance qui enflamme les réseaux sociaux.

J'ai découvert le terme "Tradwife" la semaine dernière en lisant un article de la géniale Monica Ainley de La Villardière pour Vogue UK. Elle dénonçait cette nouvelle tendance de plus en plus populaire sur les réseaux sociaux. Pour l'anecdote, la journaliste canadienne qui vit à Paris, s'est prêtée au jeu pendant cinq jours. Une expérience qu'elle a trouvée difficile.

Contraction de l'anglais "traditional" et "wife", le mot peut se traduire en français par "épouse traditionnelle".

J'ai toujours pensé que chaque femme devrait pouvoir faire ce qu'elle souhaite ! Si certaines veulent se déguiser en femme au foyer des années 50, rester à la maison et se dédier à leur mari et leurs enfants, je ne vois pas où est le problème. Pour ma part, après quatre mois de congés maternité, j'avais hâte de retourner travailler. J'aime mon fils à la folie mais j'admets que j'étais impatiente de retrouver une vie en dehors de la maison, des biberons, des couches et des tâches ménagères. (Je me languissais aussi bien sûr de mes chères lectrices et chers lecteurs d'InfoChrétienne !) Nous sommes tous et toutes différentes et c'est très bien comme ça. 

Pourtant, à l'instar de Monica, lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur les tradwives, j'ai ressenti un certain malaise. Je me suis demandée pourquoi cela me dérangeait-il autant ? 

D'abord, ce mouvement semble vouloir imposer ce style de vie, clamant qu'il s'agit là de ce que Dieu a prévu pour les femmes. Ce qui finalement m'amène au principal problème à mes yeux. En affirmant se baser sur la Bible, c'est comme si ces femmes sous-entendaient qu'en tant que chrétienne, je devrais adhérer à ce mode de vie... pourtant si éloigné de mes envies !

Enfin, je trouve assez ironique (et un tantinet malhonnête) que ces "épouses traditionnelles" affirment dépendre financièrement de leur mari, alors qu'elles gèrent des comptes Instagram ou TikTok suivis par des dizaines voire des centaines de milliers d'abonnées. Elles sont donc en réalité de véritables femmes d'affaires qui doivent gagner beaucoup d'argent. 

Je précise que j'ai un grand respect pour les femmes au foyer en général. Et, outre ma courte expérience personnelle, je crois sincèrement que l'on peut tout à fait être épanouie et heureuse dans ce rôle.

Mais finalement ce que je pense importe peu, j'en viens donc au fait pour vous présenter cette tendance qui passionne internet.

"Make Tarditional Housewives Great Again"

"En décolleté et tablier, la 'tradwife' a choisi la planche à repasser plutôt que la salle de réunion, car son bonheur passe d'abord par celui de son époux", ironise Franceinfo. "Comment résister au charme de ces jolies jeunes femmes, brushing travaillé, look vintage et tablier noué à la taille se démenant pour nous apprendre comment rester au top en toutes circonstances, même après huit mois de grossesse ?", se demande Anne Chirol dans une chronique pour Le Monde

Le Point, Madame Le Figaro, Radio France... de nombreux médias se sont récemment emparés du sujet. 

Ils expliquent que ce phénomène est d'abord apparu en Angleterre puis en 2013 aux Etats-Unis. Il s'agit de "femmes traditionnelles" qui ont "épousées la pensée politique des évangéliques de l’utra droite américaine et de Donald Trump". Certaines se sont même réappropriées le célèbre slogan de l'ancien président des Etats-Unis : "Make America Great Again", pour le transformer en "Make Traditional Housewives Great Again", c’est-à-dire " Rendons leur grandeur aux femmes au foyer". 

Si ce sujet, qui semble pourtant concerner plutôt les femmes outre-atlantique, a attiré l'attention des médias en France c'est parce que l'intérêt qu'il suscite ne cesse de croître. Aujourd'hui la tendance compte en effet plus de 300 millions de vues sur TikTok ! Au point même d’inquiéter en France le Haut Conseil à l’Egalité dans son rapport annuel sur l’état du sexisme, remis fin janvier 2024, comme l'explique Madame Le Figaro.

Estee Williams, la quintessence de la Tradwife

Peau lisse, maquillage impeccable, robe longue corsetée et tablier à fanfreluches. Si les tradwives ont une reine c'est elle. Estee Williams a 25 ans, elle est originaire de l'État de Virginie et une fervente chrétienne. Avec ses 184.000 abonnés sur Instagram, c'est l'une des Tradwives les plus en vue du moment. 

Avec son visage d'ange et ses cheveux blonds, elle explique dans ses vidéos comment devenir la parfaite épouse traditionnelle. La première règle étant que l'homme doit être celui qui pourvoit financièrement au bien-être de sa famille en travaillant. La femme de son côté doit être soumise à son époux, rester à la maison, cuisiner, prendre soin des tâches domestiques en tout genre tout en cultivant sa féminité. "Embrassez votre féminité, Dieu a créé deux genres pour une bonne raison", affirme-t-elle. Elle précise toutefois qu'il est indispensable pour cela d'épouser "le bon". C'est-à-dire un homme "centré sur la foi" qui a un rapport sain à la masculinité, rappelant que si "on épouse le mauvais homme, il abusera de cette bénédiction".

Quand elle ne se filme pas en train de cuisiner, elle se met en scène avec une belle robe, du maquillage et du parfum, attendant le retour de son mari. 

BallerinaFarm, une Tradwife pas comme les autres

Si j'ai découvert Estee Williams au fil de mes recherches, je connaissais BallerinaFarm aka Hannah Neeleman, car je suis son compte Instagram depuis déjà quelques temps. Je ne l'aurais pas nécessairement classée dans la case des "Tradwives", mais j'ai remarqué que son compte était systématiquement nommé à l'évocation de cette tendance. (Elle a par ailleurs déclaré dans un récent entretien avec le New York Times ne pas être familière avec le terme). 

J'admets qu'Hannah Neeleman est tout à fait fascinante. Son mode de vie est si éloigné du mien que passer du temps sur son compte Instagram fait partie de mes plaisirs coupables. Cette ancienne danseuse classique (elle a étudié la danse à la prestigieuse Julliard School) a quitté NewYork avec son mari et ses (à l'époque 3, ils en ont maintenant 8) enfants pour une ferme dans l'Utah.

Son compte à des airs de "La petite maison dans la prairie" version 21e siècle. Les enfants courent dans l'herbe, elle trait les vaches, accouche dans son bain, tandis que son époux conduit leur tracteur, un bébé endormi sur l'épaule. Toujours belle et souriante, elle se filme en train de préparer du pain maison et des recettes plus appétissantes les unes que les autres. Elle participe également à des concours de beauté, elle a même récemment concouru pour le titre de Mrs World (un concours dédié aux femmes mariées), seulement deux semaines après avoir accouché de son huitième bébé.

Hannah et son mari sont Mormons et vont à l'église tous les dimanches. Ainsi, sans le revendiquer ouvertement comme les autres représentantes de cette tendance, elle promeut un retour aux valeurs traditionnelles et familiales, ce qui en fait tiquer plus d'un. L'ancienne ballerine a été au coeur de plusieurs polémiques notamment en ce qui concerne sa fortune. Son mari étant un riche héritier, on a reproché au couple de ne pas être assez transparent sur ce point et de montrer une vie de fermiers idyllique très éloignée de la réalité. 

Comme le souligne le New York Times, "à une époque polarisée, Mme Neeleman est à la fois l’une des stars des médias sociaux les plus populaires du pays et un paratonnerre pour les critiques". "Est-elle, comme le prétendent ses fans, une femme qui a pris la décision louable de rester à la maison, d’élever les enfants et de soutenir la ferme familiale ? Ou est-elle, comme le diraient ses détracteurs, quelqu'un qui utilise les médias sociaux pour faire pression en faveur d'un retour aux rôles de genre traditionnels tout en passant sous silence les privilèges qui lui ont permis d'avoir un tel style de vie en premier lieu ?", se demande le journal américain. 

Camille Westphal Perrier

Crédit image : Shutterstock/ Tancha

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