Au Venezuela, « les gens meurent, parce qu’il n’y a plus rien »

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Alors que le Venezuela était l’une des économies les plus riches de l’Amérique du sud, le pays est désormais en pleine crise politique, économique, sociale et humanitaire prolongée. Les derniers rapports internationaux sont alarmants.

Le régime autoritaire et répressif vénézuélien a plongé le pays dans le chaos. Le dernier rapport du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies se dit « profondément préoccupé par les graves violations des droits de l’Homme, survenues dans le contexte d’une crise politique, économique, sociale et humanitaire. »

Une situation politique « lamentable »

Le Haut Commissariat des Droits de l’Homme aux Nations Unies décrit une « situation des droits de l’Homme lamentable » : politique de répression des opposants, exécutions extra-judiciaires, détentions arbitraires, torture avec violences sexuelles, simulacres d’exécution et décharges électriques.

M.Zeid, Haut Commissaire, interpelle la communauté internationale sur l’impunité dans laquelle tout ceci est effectué :

« La règle de droit est pratiquement absente au Venezuela. Il faut mettre un terme au règne de l’impunité. »

Human Right Watch affirme que 505 personnes ont été tuées par les forces de sécurité de l’Etat en quelques mois en 2017. Parmi elles, 24 enfants.

Une récession économique profonde

87% de la population est touchée par la pauvreté, dont 61% par une pauvreté extrême.

L’hôpital de Caracas parle d’une hausse des cas de malnutrition aigüe de 260% en 2017. 5 à 6 enfants meurent chaque jour de malnutrition.

La population a perdu en moyenne 11 kilos en 2017. La plupart des vénézuéliens vont se coucher en ayant faim.

Les prix ont augmenté de 2616%.

La cause de ces chiffres est liée à la baisse de nourriture disponible. Le Haut Commissariat explique ce phénomène:

« Récession économique profonde, hyper-inflation et perte de pouvoir d’achat, ainsi que le démantèlement du système de production alimentaire domestique et la dépendance vis-à-vis des importations de produits alimentaires, ont créé un cercle vicieux qui a affecté le droit à l’alimentation pour la plupart des vénézuéliens. »

Les importations de produits alimentaires ont chuté de 76% entre 2013 et 2017. Pendant le même temps, la production alimentaire, qui couvrait  75% des besoins en 2013, en couvre désormais seulement 25%.

Caritas explique que pour couvrir ses besoins alimentaires de base, une famille aurait besoin de 98 salaires minimums. Elle parle d’une inflation cumulée de 897% entre mars et juin 2018. Au moment où le rapport des Nations Unies a été écrit, 1 salaire mensuel moyen permettait d’acheter une boîte d’oeufs.

Les inondations n’arrangent pas la situation. Les crues ravagent les cultures. Pour José Naveda, journaliste, le bilan est tragique, « les gens meurent, parce qu’il n’y a plus rien. »

Lara est mère de 2 petites filles. Elle témoigne de son incapacité à les nourrir correctement :

« J’ai un petit bébé qui crie, qui crie parce que je ne peux pas le nourrir. Le lait infantile coûte 3 millions de bolivars et mon mari et moi n’en gagnons qu’1,2 par mois. Au supermarché, tout est cher, même la farine de maïs. Mon mari et moi ne mangeons que 2 repas par jour, pour que nos 2 petites filles puissent manger un peu plus. Nous mangeons du yucca, des bananes et des steaks de soja, parce que nous ne pouvons pas acheter de boeuf. Tu dois faire la queue toute la nuit pour avoir un kilo de riz. »

Les gens sautent des repas, vendent leur électro-ménager pour acheter de la nourriture, fouillent les poubelles... Il n’y a plus de chats ou de chiens errants dans les rues. Désespérés, les gens ont été contraints de les manger. Les écoles ferment parce que les enfants sont trop faibles pour y aller. On peut craindre que cette génération grandisse sans éducation mais l’urgence est ailleurs comme l’explique un jeune homme.

« Vous ne pouvez pas imaginer de futur ici. Vous ne pouvez pas imaginer réussir. Vous pensez juste à trouver à manger. [...] En vérité, tout ce que nous faisons, c’est pour une nécessité : trouver de la nourriture. »

Une situation sanitaire catastrophique

Le rapport du Haut Commissariat révèle que « la situation sanitaire a atteint des niveaux insupportables ». Les vénézuéliens n’ont pas accès aux médicaments de base. Ce sont les patients atteints de maladies chroniques ou en phase terminale qui en souffrent le plus. Une femme atteinte d’un cancer du poumon de stade 4 sait qu’elle ne peut compter que sur Dieu :

« C’est en juillet que j’ai décidé de ne plus aller à l’hôpital. Depuis ce jour, je n’y vais plus. D’abord, parce que je perds de l’argent en achetant un billet, je perds du temps, je pourrais faire autre chose, et je ne vais pas trouver ce que je recherche. J’ai tout laissé entre les mains de Dieu, mais je ne vais pas continuer avec tout ça. J’en ai marre. »

Selon Human Right Watch, la mortalité infantile a augmenté de 30%, la mortalité maternelle de 65%, les cas de malaria de 65%.

Les spécialistes parlent d' »effondrement du système de santé vénézuélien ».

le Haut Commissaire, M. Zeid exprime son désarroi :

« Quand une boîte de pilules contre l’hypertension coûte plus cher que le salaire minimum mensuel et le lait en poudre pour bébé, plus de 2 mois de salaire, mais que manifester contre une telle situation peut vous mener en prison, l’injustice extrême de tout cela est flagrante. »

Un exode massif des vénézuéliens

Selon Human Right Watch, 2,3 millions de vénézuéliens ont fui le pays à cause des conditions des droits de l’Homme et de la crise humanitaire. Cela représente 7% de la population.

Des milliers fuient le pays à pied, en bus ou en voiture.

11 pays d’Amérique latine se sont réunis pour faire le point sur cette crise. Le représentant du Chili fait part d’une des décisions prises :

« Je pense que nous avons envoyé un message important aux millions de vénézuéliens qui voyagent sur notre continent. Nous leur disons que nous allons reconnaître les documents expirés à des fins migratoires. »

Crise politique, sociale, économique, sanitaire... face à cette urgence, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies demande au gouvernement vénézuélien « d’accepter l’aide humanitaire afin de remédier à la pénurie d’aliments, de médicaments et de fournitures médicales, à l’augmentation de la malnutrition, en particulier chez les enfants, et à l’apparition de maladies qui avaient été éradiquées ou maitrisées auparavant en Amérique du sud. »

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M.C.

Crédit image : sunsinger / Shutterstock.com


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