
Les pasteurs Saïd Oujibou, Carlos Payan et Marie-Claire Buis sont partis en mission humanitaire et spirituelle à Beyrouth. Découvrez l’interview d’Info Chrétienne.
Le 4 août dernier, une double explosion ravageait le port de la capitale libanaise, Beyrouth. La semaine dernière, ce quartier était à nouveau la proie des flammes, meurtrissant davantage encore une population en pleine reconstruction. Saïd Oujibou, Carlos Payan et Marie-Claire Buis se sont rendus sur place au nom de l’association AIOEF Francophonie, organisation chrétienne qui oeuvre dans la francophonie, afin d’y mener une mission humanitaire et spirituelle.
Info Chrétienne a contacté ces trois pasteurs pour en savoir plus sur leur mission, mais aussi sur la réalité quotidienne des libanais de ce quartier détruit. Nous consacrerons une série d’articles à cette interview.
Carlos Payan parle de gens en état « de sidération » et déplore la distance imposée par la pandémie de coronavirus, car « ils ont besoin d’être apaisés ».
« Il y a des choses que moi, en tant que pasteur, je sais faire. Si vous me demandez de réparer une fenêtre, je sais pas faire. Je sais prier pour une âme, je sais prier pour un corps. Mais là je suis obligé de respecter toutes les distances à cause du Covid. »
Saïd Oujibou, Carlos Payan et Marie-Claire Buis sont tous trois allés à la rencontre des personnes touchées par la double explosion. Chacun évoque pour Info Chrétienne une rencontre particulièrement touchante.
Saïd Oujibou a été touché par la « générosité des libanais » et en particulier d’un évêque qu’il a rencontré.
« Nous étions chez un évêque qui nous a reçus. et c’est très difficile d’accéder aux évêques comme ça. Mais il nous a vraiment reçu chaleureusement. Leur accueil est extraordinaire. Les Libanais sont d’une chaleur, c’est agréable d’être avec des gens comme ça. Et ce qui m’a touché c’est qu’il nous a expliqué qu’il est responsable de cinq écoles secondaires, et qu’il a dû, malheureusement, à cause de la situation économique, de l’explosion qui mine le terrain, congédier plusieurs enseignants, parce que les parents ne peuvent plus payer l’école à leurs enfants. Et malgré tout, il accueille les gamins. C’est lui qui finance l’école à 35%. Sachant que le reste, finalement, il n’y a rien qui rentre. J’ai été touché vraiment par le coeur de cet homme, par la générosité aussi des Libanais. Bien sûr, il y a une aide extérieure, mais il y a aussi une aide à l’intérieure. Et j’ai trouvé une solidarité que je ne retrouve pas en France. Au Liban, il y a des pauvres, mais ils ne meurent pas de faim. En France, il y a des pauvres, et ils meurent de froid et de faim dans le métro. »
De son côté, Carlos Payan a été bouleversé par le don de Marie, « une pauvre mamie de 80 ans », en faveur des Libanais.
« J’ai ma responsable de l’intercession qui s’appelle Marie. Ça fait quarante ans qu’elle prie pour moi et elle m’a invité avec ma femme à ses 80 ans. C’est une femme qui a un parcours de vie difficile et qui gagne 600 euros de retraite. En France, 600 euros, c’est juste. Elle m’a pris à part le jour de son anniversaire. Elle devait faire un voyage et elle a retiré 300 euros, ce qui représente la moitié de son salaire. Elle me dit ‘trouve un pauvre qui en a besoin’. À Beyrouth, je me suis retrouvé dans un appartement où il y avait trois personnes âgées de 80 ans. Quand j’ai demandé comment je pouvais les aider, je leur ai dit, ‘demandez-moi juste une chose que vous voudriez’. Dans mon coeur, je disais Seigneur, ‘qu’ils me demandent quelque chose que je puisse leur donner’. Ils me parlent d’une cuisinière. J’ai demandé aux Libanais qui étaient là de faire les recherches sur internet. Ils me disent, ‘y en a pour 300 dollars’. La dame lève le doigt. Elle me dit, ‘est-ce que je pourrais avoir un four en-dessous’. Alors j’ai donné les 50 euros pour qu’elle ait le four en-dessous. Elle voulait me remercier. Je lui dis ‘non, madame, c’est une personne de votre âge, 80 ans, qui vous offre la cuisinière et le four, vous pouvez m’oublier, remerciez Dieu et remerciez cette personne’. À un moment-donné on est poussé dans nos retranchements. »
Marie-Claire Buis a quant à elle été touchée par la persévérance d’une bénévole sur place.
« Moi ce qui m’a touché pour ma part, c’est que chez nous on a une entraide alimentaire, et on a un travail de fous, un travail titanesque qui nous fatigue physiquement. C’est très lourd par moment mais on le fait avec joie parce que les gens ont des besoins. et moi, ce qui m’a touché, c’est cette jeune femme qui va à la rencontre des gens qui ont des besoins, qui monte dans les appartements, alors qu’il y a cette atmosphère de bruit, de poussière, une chaleur intense avec l’humidité. Elle est en nage, elle monte et elle descend les escaliers pour apporter des paquets. Elle donne de sa personne à fond. Quand j’ai parlé avec elle sur la manière dont elle vivait ça physiquement, elle me disait ‘mais j’en peux plus, j’en peux plus, c’est trop fatigant’. Mais elle le fait quand même. Je vais passer du temps à prier pour qu’elle puisse tenir le coup. Il faut que d’autres personnes puissent l’accompagner dans son travail. Ça c’est la réalité. »
Tous trois ont été bouleversés par les choses vues au cour de cette mission humanitaire et spirituelle. Nous les remercions d’avoir pris le temps de répondre à nos questions pendant leur temps passé à Beyrouth.
M.C.
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