Europe, notre assiette et l’agriculture biologique en débat !

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Lundi 8 février 2016 à Aubenas (Ardèche), le bureau d’information du Parlement Européen à Marseille a organisé un débat citoyen sur l’évolution de la réglementation de l’agriculture biologique. Il s’agissait de répondre à cette épineuse question : comment la politique agricole commune peut-elle développer l’agriculture biologique, et répondre aux attentes des citoyens consommateurs des 28 pays formant la communauté européenne.

Rappelons quelques données pour situer la production agricole biologique en Europe par rapport à l’agriculture dite « conventionnelle ». Initialement une niche, le marché européen du bio représente 22 milliards d’euros par an et la demande est en croissance continue. Ainsi dans l’Union Européenne (UE)  les superficies cultivées en bio augmentent en moyenne de 500 000 Hectares par an. La surface cultivée en agriculture bio ne représente pourtant que 5,4% des terres agricoles utilisables. Si en France environ 5% des terres sont cultivées en bio, en Ardèche ce chiffre monte à 14%. En introduction de la soirée, le président d’Agrobio Ardèche, Jérôme Boulicault donnait ainsi les chiffres pour l’Ardèche : 654 agriculteurs travaillant en bio sur 15% des fermes ardéchoises, en 2e position derrière la Drôme (17,07 % des surfaces en bio).

Monsieur Jean-Pierre Constant, maire d’Aubenas, accueillant les intervenants et le public soulignait le terroir ardéchois propice à la culture en bio et les efforts la commune pour développer le bio notamment dans la cantine scolaire où 70% des produits sont bio. Un « terroir » qui s’est d’ailleurs déplacé en nombre pour participer à ce débat citoyen ; il a fallu doubler le nombre de chaises initialement prévues !  Hervé Barruhet, journaliste à l’Avenir Agricole de l’Ardèche et modérateur du débat rappelait le pourquoi de cette soirée : la proposition de l’UE de modifier la réglementation européenne de l’agriculture biologique afin de répondre aux demandes des acteurs de la filière (agriculteurs, transformateurs, commerces... et des consommateurs que ce soit des citoyens ou des collectivités).

Afin répondre aux questions des agriculteurs, des acteurs de la filière, des élus locaux ou des simples citoyens, trois députés européens étaient présents :
Eric Andrieu, rapporteur pour le Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement Européen sur la nouvelle réglementation européenne de l’agriculture biologique en discussion.
Michel Dantin, Groupe du Parti Populaire Européen (Démocrates-Chrétiens)
Michèle Rivasi, Groupe des Verts/Alliance libre européenne

Un agriculteur bio drômois et membre du réseau CORABIO, David Peyremorte, représentait la profession.

Toutes les questions n’ont pas toujours trouvé une réponse adéquate. Cela a été le cas des trois questions mettant en avant l’agroécologie ou la permaculture, techniques ancestrales remises en avant ces dernières années. Celles-ci peuvent permettre de nourrir la planète grâce à ces rendements (sur 1000 m² il est possible de produire autant que sur 1 Ha en agriculture conventionnelle) et limiter la production de CO² (en agriculture conventionnelle 7 kcal fossiles sont nécessaires pour produire 1 kcal de nourriture, avec l’agroécologie 1 kcal d’énergie produit 20 kcal de nourriture)  L’INRA qui a défendu bec et ongle l’agriculture industrielle des cinquante dernières années commence timidement à s’intéresser à ces techniques.

Michèle Rivasi soulignait l’importance de développer l’agriculture biologique face aux perturbateurs endocriniens que peuvent être les pesticides utilisés en agriculture industrielle. « On connait les conséquences » disait-elle, et « il faut qu’il y ait une cohésion avec la COP 21 » poursuivait-elle « en tendant vers le 100% d’agriculture biologique ». Pas d’OGM, des produits sains, des circuits courts ou locaux, mais aussi des progrès  sociaux pour qu’agriculteurs et consommateurs soient gagnants en terme de bien vivre comme de bien être.

Les bases sont posées mais comment faire avancer la réglementation européenne ? Les 28 pays membres de l’UE n’ont pas tous la même vision de l’agriculture biologique. Les français sont très attachés à la notion de terroir, de territoire alors que les anglo-saxons vont regarder la finalité ou que la Hollande veut cultiver hors sols... La mixité (ou proximité) avec l’agriculture traditionnelle pouvant induire des pollutions chimiques est aussi un problème. Le pollueur qu’est l’industrie chimique va-t-elle dédommager l’agriculteur en cas d’atteinte sur une parcelle biologique ? Les trois députés européens ont expliqués les difficultés pour arriver à une réglementation qui doit aboutir à un consensus communautaire. Ce processus de révision peut paraître bien complexe à des personnes peu au courant du fonctionnement des institutions européennes. De plus jusqu’à maintenant, l’agriculture biologique dépendait de directives européennes, chaque état pouvait les adapter. Il s’agit maintenant d’établir une réglementation qui s’impose à tous les états membres de l’UE.

Objectifs et principes de la révision de la réglementation européenne

« le règlement ne devrait pas seulement traiter des principes, mais aussi des objectifs de l’agriculture, de la transformation et de la distribution biologiques. Ces objectifs généraux devraient consister notamment dans:

le respect des systèmes et cycles naturels et le maintien et l’amélioration de la santé du sol, de l’eau, des végétaux et des animaux, ainsi que de l’équilibre entre ceux-ci;

la mise en place d’une gestion des procédés biologiques selon des méthodes qui : i) préservent la fertilité à long terme des sols ; ii) contribuent à atteindre un niveau élevé de biodiversité; iii) contribuent à un environnement non toxique; iv) font une utilisation responsable de l’énergie et de l’eau ; v) respectent des normes élevées en matière de bien-être animal. » (Extrait du Rapport de la commission en 1ére lecture)

Il s’agit de développer la filière en évitant les fraudes mais aussi d’imposer aux produits importés (hors UE) le même cahier de charges. Il est nécessaire d’harmoniser et de développer le bio sans aller vers un bio « industriel » alors que la demande des consommateurs augmente. Elle est multipliée par 4 alors que la production est juste multipliée par 2. Michel Dantin rappelait à plusieurs reprises que le bio doit être le fruit d’un système local, d’un territoire ou même d’un terroir, à l’opposé de « l’industrialisation » par les grandes surfaces du produit bio qui a pu parcourir plusieurs milliers de kilomètres.

La nouvelle réglementation doit limiter les distances d’approvisionnement et faciliter les réponses locales aux appels d’offres concernant, par exemple, les cantines municipales. A une question d’un maire soulignant les difficultés lors d’appels d’offres concernant la fourniture locale de produit bio, Eric Andrieu répondait que le Parlement européen souhaite introduire cette question de la restauration collective dans ce projet de révision.

Les trois députés européens présents mettaient en avant les points sur lesquels ils ne transigeraient pas durant cette révision de la réglementation européenne:

  • l’agriculture bio doit être liée au sol
  • les contrôles annuels doivent continuer par un organisme tiers
  • un cahier des charges qui s’impose à tous y compris pour les produits hors UE
  • le problème de mixité avec l’agriculture industrielle qui doit être résolu
  • des seuils de pollution les plus bas possibles et une indemnisation de l’agriculteur en cas de pollution externe

A la question d’une personne sur l’accord transatlantique de libre-échange avec les USA (TAFTA), les trois députés disaient leur opposition et voteront contre. Cet accord présente un point de blocage que sont les IGP (indication géographique protégée d’un produit) que les USA voudraient voir disparaître, pour ces derniers, on peut produire un produit n’importe où et pourquoi pas du Roquefort fait au Texas... Cette nouvelle réglementation européenne doit être protectrice (notion de territoire lié aux produits), faciliter le développement et la pratique de l’agriculture biologique, établir une vraie cohérence bénéfique pour les agriculteurs et les consommateurs.

Elle y arrivera si la PAC (Politique Agricole Commune) européenne évolue en parallèle afin de s’orienter vers une démarche qualitative dans laquelle le travail des agriculteurs bio, les méthodes agroécologiques ou de permaculture devront être mieux reconnus, sans oublier le côté social lié à la démarche bio comme le rappelait David Peyremorte au cours du débat. Notre assiette comme notre santé s’en porteront mieux, du moins si, de notre côté, en tant que consommateurs nous rentrons dans une démarche pour manger bio, local et de saison.

Nathanaël Bechdolff


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