Le général chrétien maronite Michel Aoun élu Président de la République du Liban

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Le Liban s’est choisi un cèdre pour présider à sa destinée, aux racines établies, aux ramifications diverses et à la hauteur de vue nécessaire. Le général Michel Aoun, un chrétien maronite, comme l’exige le Pacte de 1943, a été désigné chef de l’État par une majorité de députés.

Il devrait nommer le sunnite Saad el-Hariri la tête du Gouvernement. Cette élection, soutenue par l’Iran, réduit également le risque que les étincelles de la guerre en Syrie embrasent le Liban. Les prérogatives du Président de la République sont très limitées, il est surtout le garant de l’unité nationale.

Depuis le 25 mai 2014 et la fin du mandat du général Michel Sleiman, la présidence du Liban était vacante, les partis n’arrivant pas à s’accorder sur un nom. L’élection d’Aoun, âgé de 83 ans, est celle d’un homme devenu consensuel après avoir mené l’un des camps impliqués dans la guerre civile dans un pays contrôlé par diverses milices, et dans lequel les armées syrienne et israélienne s’étaient engagées respectivement en 1976 et 1978 puis 1982.

A l’époque, les troupes de Hafez el-Assad interviennent chez le voisin où, après un accrochage entre les Phalanges ou Kataëb, un mouvement politique chrétien, et des réfugiés palestiniens dans la banlieue de Beyrouth, la situation dégénère entre les chrétiens et les défenseurs de l’arabisme et de la Palestine. Six ans plus tard, suite à la tentative d’assassinat d’un ambassadeur israélien par un Palestinien à Londres et des tirs provenant de camps de réfugiés au Liban, l’État hébreu envahit le sud du Liban.

Chacun des deux pays est soutenu par des Libanais : la Syrie, qui veut rapidement rétablir la paix, craint également une alliance entre les chrétiens et les Israéliens, est appuyée par une partie des chrétiens qui espèrent être appuyés face aux Palestiniens ; lorsque l’armée israélienne entre dans le pays en 1978, les chrétiens ne sont déjà plus favorables à la présence syrienne et sont profondément divisés, et le colonel Saad Haddad se positionne en faveur de Tsahal. Suite à la seconde intervention israélienne quatre ans plus tard, l’Iran soutient l’émergence du mouvement chiite Hezbollah, qui se décompose en un parti politique et une milice.

Devenu commandant des forces armées en 1984, Michel Aoun est de plus en plus incontournable dans un pays en guerre, et le Président Amine Gemayel le nomme chef du Gouvernement en 1988, en opposition avec le Pacte national non écrit de 1943 qui répartit les fonctions entre les confessions : la présidence de la République à un chrétien maronite, celle du Conseil à un sunnite, les postes de vice-premier ministre et de vice-président du Parlement aux grecs orthodoxes. La quasi-moitié de l’armée, la milice des Forces libanaises dirigée par le maronite Samir Geagea, le laïc Parti national libéral largement composé de chrétiens, ainsi que les druzes soutiennent le général Aoun.

Les opposants forment alors un nouveau cabinet ministériel, et le pays se retrouve divisé entre deux gouvernements, les partisans de la Syrie d’une part, ceux de l’indépendance d’autre part. Rapidement, la situation se tend entre Aoun, commandant militaire, mais révolté, et Geagea dirigeant de milice, aucun des deux n’a l’autorité légale, mais Aoun se considère le meneur de la libération. Geagea va le suivre dans sa guerre d’indépendance sans grand enthousiasme. De là, une opposition se développera entre les deux hommes jusqu’au soutien de Samir Geagea à la candidature de Michel Aoun à la présidentielle.

Alors que les États-Unis recherchent le soutien moral du maximum de pays arabo-musulmans pourchasser l’Irak du Koweït en 1990 et 19991, ils s’assurent que la Syrie ne les gênera pas en fermant les yeux sur sa prise de contrôle du Liban. Exfiltré par les services secrets français, Aoun ne retrouvera le Liban qu’après un séjour de quatorze ans à Marseille, acclamé par des dizaines de milliers de partisans. Un an plus tard, la Syrie quitte le Liban. Une seconde vie s’annonce à lui.

Du combat pour l’indépendance à celui pour l’unité dans la dépendance à l’Iran

L’ancien militaire est aussi un homme politique, la victoire ne suffit pas, il faut en faire quelque chose, la mettre au service du pays, faute de quoi il replongerait dans le chaos. Il s’appuie sur son mouvement fondé en France, le Courant patriotique libre qu’il transforme en parti politique en septembre 2015, majoritairement chrétien et cependant laïque. Lui qui dénonçait, presque seul devant le monde, le sort du Liban mis sous la coupe de Damas, s’associe avec le Hezbollah proche des Syriens et désormais renforcé comme parti libanais en raison de son rôle dans le retrait d’Israël du Liban en 2000. Le parti d’Aoun s’oppose à celui de Geagea qui refuse l’alliance avec la organisation politique du mouvement terroriste chiite.

C’est alors une période d’incertitude institutionnelle pour le pays du Cèdre à la tête duquel il n’y a plus de Président, une fois Emile Lahoud parti, entre le 24 novembre 2007 et le 25 mai 2008. Après la présidence de Michel Sleiman, le pays connaît une nouvelle vacance pendant deux ans et demi. L’élection de Michel Aoun a été permise par un compromis avec les sunnites, mais aussi son rival Samir Geagea qui voit désormais cette présidence comme un événement favorable pour le pays. Si le partage des responsabilités repose sur un fragile équilibre, le compromis n’a pas été évident, ni entre les chrétiens ni entre les chrétiens et les musulmans. Ni entre les musulmans, le chef de file du Courant du futur, le parti des sunnites, suite à ses protestations après l’exécution du cheikh chiite Nimr el-Nimr. Saad Hariri, par ailleurs également saoudien, est le fils de l’ancien chef du Gouvernement Rafiq Hariri Saad Hariri, reprochait encore au début de l’année au Hezbollah d’imiter l’Iran. C’est tout un travail de diplomatie pour relever son pays qui attend le général Aoun s’il veut que son pays redevienne la « Suisse du Proche-Orient » et sa capitale, Beyrouth, le « Paris du Proche-Orient ».

Ce travail passe par Téhéran dont il est désormais l’allié de fait, le retrait de Riyad de la scène libanaise ayant fragilisé celui qui devrait être nommé chef du Gouvernement, Saad Hariri. Au cours de sa prestation de serment, Michel Aoun n’a pas mentionné le Hezbollah et a dit sa volonté d’éviter de mêler le pays du Cèdre aux guerres et tensions de la région. Tout en nuançant par son souhait par l’assurance donnée que, concernant Israël, le pays « ne ménagera pas [ses] efforts ou [sa] résistance afin de libérer tout [le] territoire de l’ennemi qui envie toujours [le Liban] pour [ses] ressources ».

Si l’unité est quasiment faite, le Liban risque d’être dirigé par un homme lige de l’Iran au risque que l’unité ne meure si l’Arabie saoudite veut reprendre la main. Homme à la stature reconnue, le cèdre Aoun devra veiller autant que possible à ne pas donner une trop grande légitimité à des intérêts étrangers à ceux du Liban qui, satisfaits, peuvent pour l’instant favoriser l’unité nationale, mais risque de faire figure de tuteurs.

Hans-Søren Dag


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