Loi « séparatisme » : Le Conseil constitutionnel valide des dispositions contestées par les cultes chrétiens

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Controversée, critiquée par les défenseurs des libertés publiques, la loi dite « contre le séparatisme » qui avait suscité des débats houleux en 2021, vient d’être confortée après la validation par le Conseil constitutionnel de plusieurs de ses dispositions contestées par les cultes chrétiens.

Près d’un an après sa promulgation et après un premier passage, partiel, au tamis du juge constitutionnel, la loi dite « contre le séparatisme », voulue par Emmanuel Macron et portée par son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, était à nouveau examinée par les Sages saisis de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

Depuis 2008, tout citoyen peut en effet saisir via une QPC le Conseil constitutionnel, à travers le filtre du conseil d’Etat et de la Cour de cassation, d’une loi existante sur laquelle le juge suprême ne s’est jamais prononcé.

Tel a été le choix des grandes instances chrétiennes françaises en ciblant le titre II de la loi, elles qui n’ont jamais tu leurs griefs face à un texte qu’elles désignaient déjà en 2021 comme « une loi de contraintes et de contrôles multipliés ».

Dans le viseur de la Conférence des évêques de France (CEF), la Fédération protestante de France (FPF) avec l’Église protestante unie de France et l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF): les « graves atteintes » aux libertés de culte et d’association.

Bien que visant explicitement le « séparatisme islamiste », la loi est venue bousculer les fragiles équilibres ayant forgé depuis plus d’un siècle le régime de séparation des Eglises et de l’Etat laïque.

Un texte marqué par les controverses

Dans le détail, les Eglises considèrent par exemple que l’Etat institue un régime d’autorisation préalable à la main du préfet pour la reconnaissance de certains cultes en obligeant les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles. A rebours selon elles, de la loi de 1905 qui dit que l’Etat ne se mêle pas du cultuel.

En outre les instances chrétiennes, en particulier les protestants, s’inquiètent des nombreuses nouvelles obligations pesant sur des associations au quotidien fragile car bien souvent portées par les seuls bénévoles.

Enfin et même si le gouvernement a adouci sa copie via des textes d’application, les instances chrétiennes expriment leurs craintes sur des dispositions visant à durcir le régime des associations dites « mixtes », c’est-à-dire mêlant missions caritatives, éducatives ou culturelles avec une activité cultuelle, à l’instar du Secours catholique ou du scoutisme.

Vendredi matin, les espoirs des instances chrétiennes ont été douchés par la décision du Conseil constitutionnel.

Les Sages ont jugé, d’une part, que les dispositions contestées « ne méconnaissent pas le principe de laïcité » en ne privant pas de garanties légales le libre exercice des cultes, selon les termes de leur communiqué.

D’autre part, le Conseil a considéré que le législateur « a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » en renforçant « la transparence de l’activité et du financement des associations assurant l’exercice public d’un culte ».

Les juges constitutionnels ont seulement assorti leur décision de deux réserves d’interprétation que devront prendre en compte les textes réglementaires pris en application de la loi. Ceux-ci ont pour la plupart déjà été publiés.

« Nous nous félicitons de ce que le Conseil constitutionnel ait exprimé des réserves quant à l’interprétation de cette loi. Nous regrettons que cette décision ne soit pas allée plus loin dans la remise en cause des atteintes portées aux libertés », ont déclaré Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort (CEF), le Pasteur Christian Krieger (FPF) et Monseigneur Dimitrios (AEOF).

« Nous demeurons inquiets de constater que le régime de liberté mis en place par les lois de 1905 et de 1907 et confirmé par la jurisprudence depuis plus d’un siècle est profondément modifié », ont-ils ajouté dans un communiqué.

Les trois instances ont cependant assurer vouloir poursuivre la procédure de contestation au niveau des textes réglementaires devant le Conseil d’Etat.

Lors de l’examen de la loi au Parlement, les dispositions qui retouchent les libertés de culte et d’association avaient été largement éclipsées par les débats et controverses sur le port du voile ou l’instruction à domicile.

La Rédaction (avec AFP)


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