Nouvelles d’Haïti : « Nous sommes à bout de force... Nous avons besoin d’aide... »

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Interview exclusive de Claire Chappuis, arrivée en Haïti depuis plus de trente ans comme médecin dans la Mission Eben-Ezer.

Elle est maintenant très impliquée dans l’éducation, en matière de santé mais aussi l’éducation en général. Elle n’est pas toujours dans la position d’enseigner, elle se considère d’abord comme une apprenante perpétuelle, sur le plan spirituel comme sur le plan culturel.

Bonjour Claire et merci d’avoir accepté de répondre aux questions d’Info Chrétienne.

  • L’ouragan Matthew vient de dramatiquement balayer Haïti. Une épreuve supplémentaire pour cette terre et ce peuple meurtris. On parle en France d’un bilan provisoire de 226 morts. Cela correspond-il à votre perception sur le terrain ?

En quelques heures j’ai vu les chiffres officiels passer de 200 à 300, puis 800… Il est très difficile de donner une estimation à l’heure actuelle, mais d’heure en heure les chiffres officiels augmentent. Ma perception est qu’il y a beaucoup de zones éloignées ou inaccessibles, j’ai le témoignage de personnes qui ont dû envoyer un membre de leur famille pour voir sur place ce qui se passe ; c’est tout un périple parce que les routes sont bloquées par les arbres arrachés, il faut marcher etc. Même les téléphones portables, qui sont très répandus ont perdu leur charge, donc sans une visite personne au monde ne sait ce qui se passe dans les petits bleds.

  • Les autorités ont-elles suffisamment de ressources pour répondre à tous les besoins ?

Les autorités étaient en train de planifier des élections pour dimanche 9 octobre. Il a fallu plusieurs jours après le cyclone pour parvenir à la décision de reporter (une fois de plus) les élections. Cela veut tout dire. Je ne pense pas que le peuple haïtien compte sur les autorités. Dans les catastrophes naturelles, ce sont les églises et les ONG qui sont au premier plan. Mais les églises devraient donner le ton aux ONG « professionnelles », car les églises ne sont pas de passage, ce sont des gens qui restent sur place, qui connaissent la population, qui ont déjà vu passer pas mal d’ONG et qui pourraient donner des conseils de comportements à éviter et d’autres à encourager.

  • Les hôpitaux parviennent-ils à prodiguer les soins à tous les blessés ?

Les blessés en grande partie ne sont même pas parvenus à accéder à un centre de santé. Si les hôpitaux parviennent à soigner tout le monde, ce sera l’étape suivante. Seulement, ces derniers mois le système de santé public était miné par des grèves, seul le privé fonctionnait.

  • De quelle manière accompagnez-vous les opérations de secours en ce moment ?

Nous sommes à la phase de reconnaissance, nous aussi nous essayons de comprendre la situation, les besoins, tout en faisant face aux besoins de la population gonaïvienne locale, qui est bien affaiblie par une semaine d’absence de revenus. Nous ne travaillons pas avec un fonds de roulement qui nous donne une avance confortable pour voir venir... Nous sommes déjà nous-mêmes au bout de nos forces suite à une lutte contre l’injustice, donc nous avons besoin d’aide pour aider les autres !

  • Quelles sont les priorités pour vous aujourd’hui ?

Nous n’avons pas de fonds d’avance, mais nous avons des idées. Il faut envisager une phase d’urgence avec la libération des voies de communication, les transports et les soins des blessés, les produits de première nécessité. Ensuite, nous préconisons des programmes de « vivres contre travail » pour aider la population à reconstruire leurs maisons et rendre leurs champs à nouveau cultivables : les gens travaillent et on leur donne de la nourriture sèche pour toute la famille.

  • De quels atouts disposez-vous pour aider ?

Eben-Ezer est une mission haïtienne, ce qui fait que les décisions sont prises sur place par rapport à la réalité du terrain, les programmes sont adaptés aux besoins et à la mentalité des gens, nous cherchons à promouvoir l’autosuffisance, nous n’avons pas une structure administrative trop lourde etc.

Nous avons déjà passé par une expérience similaire, même deux fois en 2004 et 2008. Cela nous donne la motivation et l’expérience.

Nous avons initié et exécuté un programme de Vivres contre travail avec le PAM (Programme Alimentaire Mondial) en 2009.

  • De quelle manière pouvons-nous être concrètement utiles pour le peuple haïtien ?

Accompagnez-nous de vos prières. Et selon ce que le Seigneur met sur votre cœur, ajoutez à vos prières les actions concrètes : l’envoi d’argent va nous aider à nous procurer les produits de première nécessité tels que : désinfectants pour rendre l’eau potable, produits de nettoyage (savon et eau de Javel) pour une campagne de prévention du choléra, nourriture et kits de cuisine, vêtements et produits d’hygiène, bâches et bois pour abris temporaires, ou bien des tentes …

Si quelqu’un a accès à d’autres ressources ou a une « bonne idée », qu’il ou elle nous contacte ! De même si quelqu’un souhaite venir comme volontaire pour une durée quelconque, contactez-nous… Il y a de quoi faire

Propos recueillis par H.L. et M.R.

Pour accompagner le travail de Claire et de l’ONG Codenouh, n’hésitez pas à prier, à les suivre sur Facebook et à les contacter pour envoyer vos dons pour Gonaïve.

Nous vous proposons de découvrir une vidéo postée sur la page Facebook de Codenouh France, qui illustre l’étendue du drame humain qui se joue à Gonaïve.


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