À Créteil, un pasteur évangélique condamné pour avoir détourné plus de 2 millions d'euros

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Il avait déclaré vouloir construire "des orphelinats, des écoles, des hôpitaux en Afrique": un pasteur évangélique, dont l'église n'est pas affiliée au CNEF, a été condamné à trois ans de prison avec sursis par le tribunal de Créteil pour le détournement de plus de deux millions d’euros. Des faits que l'accusé nie en bloc.

Poli à l’extrême, élégant dans sa chemise blanche sous son pull noir à motifs, Charles Bameko, Congolais de 52 ans a détourné entre 2019 et 2022 des milliers de dons de fidèles perçus dans le cadre de ses activités religieuses, à Pantin (Seine-Saint-Denis) dans l'église de la Bonne Semence Transmise, et en ligne.

Sur YouTube, son église, qui n'est pas affiliée au Conseil national des évangéliques de France (CNEF), comptabilise 196K abonnés.

Accusé d'abus de biens sociaux, d'abus de confiance et de blanchiment de fraude fiscale, le pasteur a été condamné à une peine de trois ans de prison avec sursis. Sa compagne, accusée de recel, a été condamnée à un an et demi de prison avec sursis.

Ces virements, au total plus de deux millions d'euros, étaient ventilés sur plusieurs comptes (personnels, professionnels et associatifs au nom de l'église) et avaient fait l'objet d'un signalement de Tracfin.

140 paires de chaussures et des produits de luxe

"Ces sommes n’ont absolument pas été utilisées pour faire l’œuvre de Dieu mais pour assouvir le train de vie du couple et sa cupidité", avait assené la procureure lors de ses réquisitions, citant les plus de 140 paires de chaussures et produits de luxe retrouvé au domicile du couple ou les achats de biens immobiliers.

Le pasteur, qui rejetait fermement ces accusations, avait assuré que les dons adressés à l’église revenaient bien à la structure et que les autres dons, majoritairement recueillis via la diffusion de ses prêches sur YouTube, lui étaient destinés par des fidèles pour qu’il mène "une croisade évangélique en Europe et en Afrique".

Aux enquêteurs, il avait affirmé que l'objectif de son église était, au-delà du développement spirituel, de "créer des orphelinats, des écoles, des hôpitaux en Afrique".

Il assurait qu'un orphelinat avait bien été créé à Kinshasa.

"Un seul orphelinat créé avec deux millions d'euros, ce n'est pas beaucoup, monsieur", le tançait la procureure, pour qui le pasteur a entretenu une "confusion assumée" entre les différentes structures bénéficiaires des dons.

Absence de témoignages d'abus

Très remonté, l’un des avocats de la défense, Me David-Olivier Kaminski, avait dénoncé un "dossier bidon" et des "à peu près judiciaires", citant notamment l’absence de parties civiles ou de fidèles témoignant à la barre d'avoir été abusés.

Me David Reingewirtz, un autre conseil de la défense, avait plaidé un problème de gestion et une méconnaissance de la loi française pour expliquer l’absence de déclaration aux impôts des sommes perçues.

Les deux s'étaient élevés contre l'interdiction de prêcher pendant trois ans requise par le ministère public à titre de peine complémentaire. "Une peine de mort", pour Me Reingewirtz, qui n'a finalement pas été retenue par la cour.

"Je vous dis en termes clairs, je n'ai jamais escroqué, je n'ai jamais eu l'intention de commettre les actes que me reproche le ministère public", avait conclu le pasteur à la barre.

Il avait plaidé le "péché d'ignorance" et invoqué son casier judiciaire vierge, qu'il avait mentionné comme preuve de sa "très bonne intégration" en France.

En septembre 2022, "interpellé par les abus sexuels dans différentes sphères de la société française et notamment dans des Églises chrétiennes", le CNEF a publié un livret intitulé "Bonnes pratiques pour lutter contre les abus sexuels". Si l'instance évangélique s'attarde ici plus particulièrement sur la question des abus sexuels, elle évoque également, dans cet ouvrage, deux autres "grands domaines de tentation" qui peuvent séduire les leaders d'église et les conduire à commettre des abus. Il s'agit du pouvoir et de l'argent.

"Il est reconnu de longue date que les tentations relèvent principalement de trois grands domaines : celui du pouvoir, celui de l’argent et celui de la sexualité. La plupart des abus appartiennent à une de ces catégories."

Camille Westphal Perrier (avec AFP)

Crédit image : Shutterstock / Pressmaster

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